La reconnaissance faciale testée dans deux lycées: un outil de plus en plus tentant

Une démonstration de reconnaissance faciale lors de l'exposition Horizon Robotics au Las Vegas Convention Center lors de la CES 2019 à Las Vegas, le 10 janvier 2019 - David Mcnew - AFP
Deux lycées de Provence-Alpes-Côte d'Azur s'apprêtent à entrer dans l'ère 2.0 de la surveillance. Les Eucalyptus à Nice, et le lycée Ampère à Marseille vont installer, entre les vacances d'hiver et celles de Pâques, des systèmes de reconnaissance faciale à l'entrée des établissements. Ce afin de "faire gagner du temps, soulager le personnel tout en renforçant la sécurité", déclare Renaud Muselier, président LR de la région, au Parisien.
Cette première en France sera une expérience limitée dans le temps à laquelle les élèves participeront sur la base du volontariat. Mais alors que les logiciels ne sont pas encore opérationnels dans les deux lycées, Christian Estrosi, maire de Nice et président délégué du conseil régional de PACA, espère déjà étendre le dispositif.
Le grand rêve d'Estrosi
"Avec ces deux expériences, une fois que nous l’aurons démontré, nous irons très vite sur la généralisation, à partir du réseau de vidéosurveillance déjà existant, sur lequel il ne nous restera plus qu’à mettre le logiciel qui correspond à l’usage de la reconnaissance faciale par rapport aux caméras déjà installées dans nos établissements scolaires", avait déclaré Christian Estrosi lors de l'Assemblée plénière de la région le 14 décembre dernier (03:03).
Il caresse depuis plusieurs années maintenant le rêve de faire de Nice "la première ville en France à disposer de la reconnaissance faciale". Qu'il s'agisse de suivre les fichés S ou de surveiller la foule pendant le carnaval, selon Christian Estrosi, cette technologie est une solution miracle pour la sécurité de sa ville. Cette année lors de ses voeux, il a d'ailleurs déclaré:
"Si la Cnil [Commission nationale de l'informatique et des libertés] donne son autorisation, la reconnaissance faciale sera mise en place lors du carnaval" de Nice, rapporte le quotidien Nice Matin.
L'ancien ministre de l'Industrie n'est pourtant pas le seul à rêver de la mise en place d'un système de reconnaissance faciale sur certaines zones, pour certains événements ou dans certaines conditions.
Cet été, après Orly et Roissy en région parisienne, des bornes de reconnaissance faciale ont été mises en place au terminal 2 de l'aéroport de Nice. A la même période, dans La Croix, le ministère de l'Intérieur déclarait qu'en "matière d’exploitation des images et d’identification des personnes, on a encore une grande marge de progression. L’intelligence artificielle doit permettre, par exemple, de repérer dans la foule des individus au comportement bizarre."
La Cnil veille au grain
Dernièrement, au cours de l'examen à l'Assemblée nationale de la loi "anti-casseurs", trois amendements ont proposé la piste de la reconnaissance faciale. Le dispositif proposé s'appuierait sur les images issues de la vidéoprotection et deux fichiers-clés: celui des empreintes digitales, géré par le ministère de l'Intérieur, et celui des personnes recherchées. Le tout fait suite aux débordements dans les manifestations des gilets jaunes, et servirait à "l’identification des individus dangereux au sein d’une manifestation", selon les différents amendements (n°7, n°103 et n°178).
Consciente de l'intérêt grandissant quant à cette technologie, l'Union Européenne, a mis en place avec le RGPD (Règlement général sur la protection des données), un système d'autorisation pour la reconnaissance faciale. Tout projet proposant de recourir à ce système doit donc "faire l’objet d’une analyse d’impact relative à la protection des données (AIPD)" auprès de la Cnil.
Il s'agit d'une analyse mettant en balance la nécessité de mettre en place la reconnaissance faciale et son respect, au sein du projet, des libertés fondamentales, de la sécurité des données et des potentiels impacts sur la vie privée. Dans le cadre de la reconnaissance faciale dans les deux lycées de PACA, "la Cnil a suivi de près le projet", assure le proviseur des Eucalyptus à Nice, dans Le Parisien.
"Si c'est une reconnaissance qui est faite pour le compte de l'État, notamment dans des espaces publics et des espaces qui accueillent du public, il y a toujours des autorisations. Soit par la voie législative, soit par la voie réglementaire, c'est à dire un décret en conseil d'État, après préavis de la Cnil", assurait Gwendal Legrand, directeur des technologies et de l'innovation au Cnil, en novembre dernier sur BFM Business.
Mais l'encadrement réel de cette technologie est critiqué, dernièrement par la Quadrature du net (association de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet), qui dénonce une Cnil en réalité "impuissante face au développement de la reconnaissance faciale". L'association craint les menaces potentielles de cette technologie: décisions automatiques et biaisées, intrusion dans la vie privée des citoyens ou dérives de la surveillance de masse.