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Société

La publication d'une image de cadavres sur une scène d'attentat peut vous coûter cher

Hommage à Nice le 15 juillet.

Hommage à Nice le 15 juillet. - Anne-Christine Poujoulat-AFP

Le volume de vidéos et photos montrant des cadavres après l'attaque de Nice s'est envolé sur internet. Mais cette pratique, qui a beaucoup choqué, n'est pas anodine aux yeux de la justice.

Certains les ont vues, d’autres ont refusé de les voir, quelques uns même les ont partagées: après la tuerie de Nice où Mohamed Lahouaiej Bouhlel a tué au moins 84 personnes au soir du 14 juillet, de nombreuses photos et vidéos ont circulé montrant cadavres, blessés ou encore la course infernale du camion sur la promenade des Anglais. Ces publications ont souvent indigné.

Irrespect et suppression de vidéo

Ainsi, Charlie Winter, universitaire qui se trouve être l’un des plus grands spécialistes mondiaux des questions liées au djihadisme, n’avait pas l’air convaincu de l’intérêt de la démarche: "Préciser "graphique" en tweetant une photo de ceux qui sont morts à Nice ne rend pas votre action excusable. Respectez les gens."

Le tweet suivant, publié par le compte de Wikileak, aurait sûrement pu faire l’objet de sa colère. Wikileak a ainsi partagé une vidéo particulièrement sanglante. La vidéo a depuis été supprimée.

Le droit a de la ressource

Pourtant il existe en France quelques raisons de faire preuve de plus de décence. En interviewant l’avocat Thierry Vallat, Rue89 a d'ailleurs examiné les suites judiciaires auxquelles s’exposent les personnes publiant des images choquantes sur internet.

Il y a d’abord l’article 35 quater de la loi du 29 juillet 1881 qui indique que "la diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, de la reproduction des circonstances d'un crime ou d'un délit, lorsque cette reproduction porte gravement atteinte à la dignité d'une victime et qu'elle est réalisée sans l'accord de cette dernière, est punie de 15.000 euros d'amende."

Ce texte avait été voulu par la Garde des Sceaux d’alors, Elisabeth Guigou. Problème: il faut que la victime soit vivante. Dans le Code pénal cependant on trouve encore deux articles pouvant justifier une sanction. Les articles 227-24 et 222-33-3 punissent que "le fait d’enregistrer" et le fait de diffuser des images comme la photo d’une dépouille sur une scène de crime. Et là, ça peut aller plus loin: jusqu’à 5 ans de prison et 150.000 euros d’amende.

L'affaire Erignac comme référence

Force est de constater pourtant que ce genre de poursuites, et a fortiori de condamnations, sont très rares en France. Selon Slate, une autre piste, découlant d’un précédent fameux, est plus efficace: l’action civile. En 1998, la veuve du préfet Erignac (assassiné la même année) avait obtenu la condamnation de VSD et Paris Match qui avaient imprimé des photos du corps de son époux sans son accord. Elle s’était contentée de demander l’affichage dans les deux magazines d’un placard annonçant leur condamnation judiciaire sans même demander de dommages et intérêts.

R.V