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Société

Jours fériés: le mois de mai est-il le nouveau mois d’août?

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- - ROBIN VAN LONKHUIJSEN / ANP / AFP

Grâce aux jours fériés et aux ponts, le mois de mai est traditionnellement peu travaillé en France. Au point de devenir l’égal du mois d’août?

La météo est quasi-estivale, les jours rallongent, et on commence à flairer un parfum de barbecue dans l’air. Particulièrement généreux en jours fériés, le mois de mai a toujours sonné comme un avant-goût des vacances d’été. C’est encore plus vrai cette année, où la magie des ponts permet à certains salariés de convertir deux jours "off" en une semaine pleine de vacances autour du 8 mai, par la grâce des RTT. "Aujourd’hui, quand vous êtes dans une entreprise, si vous ne transformez pas ces deux jours fériés en une semaine, vous passez presque pour un benêt", s’amuse Ronan Chastellier, sociologue expert de la consommation et des tendances.

Dans un sondage publié fin avril par Opinion Way pour Homair, spécialiste des vacances en mobile home, 45% des Français disaient se sentir comme en vacances d’été en mai. Le cinquième mois de l’année peut-il devenir l’égal de juillet et surtout d'août, sacro-saint rendez-vous des vacances?

"Le mois d’août est celui qui amène une rupture totale dans le temps. Cet îlot, les Français essaient de le recréer en mai. Ce mois, c’est comme un trou dans l’agenda, mais les Français ont réussi à faire d’un temps vide un temps plein de vacances. Aux USA, il y a des salariés qui oublient de prendre leurs jours de vacances. En France ça n’arrive pas. Ce n’est pas qu’on est dans la culture de l’oisiveté, c’est que la RTT est devenue un fait social", assure Ronan Chastellier.

"La semaine du 8 mai, on aurait dû la mettre en vacances pour tout le monde depuis longtemps"

Et si de plus en plus de parents sont désormais prêts à faire sécher l’école à leurs enfants pour partir en vacances en mai (49% selon le sondage Opinion Way), c’est aussi que le calendrier professionnel vient désormais frotter avec le calendrier scolaire. "Vous avez la France des loisirs et la France des affaires", explique Laurent Duc, président de l’Umih-Hôtellerie. "Si mon établissement est basé sur le business, en ce moment, je n’ai pas un chat, c'est désert. Mais pour la branche dans son ensemble, c’est l’occasion d’ouvrir la saison d’été. Dans les villes, les gens viennent faire un petit week-end, parce qu’au bord de la mer il y a déjà du monde, et que c’est l’occasion si on n’a pas de soleil d’aller dans des musées. Mais les finances des gens ne sont pas extensibles", tempère-t-il.

Difficile aussi de prévoir que le mois de mai puisse à l’avenir devenir une vraie séquence de vacancier. "Il n’y a pas une année qui se ressemble", reprend Laurent Duc. "Cette année est exceptionnelle, puisqu’il y a trois ponts dont un viaduc. La seule chose qui se ressemble d’une année sur l’autre, c’est le 1er et le 8 mai qui se suivent. L’année prochaine, ce sera un mercredi, ce ne sera pas du tout pareil. En mai, les gens réservent au dernier moment à cause du soleil, et maintenant ils réservent même au dernier moment à cause des grèves. Ceci dit, la semaine du 8 mai, on aurait dû la mettre en vacances pour tout le monde depuis longtemps, puisque personne ne travaille. Ou alors, il faut enlever un jour férié". 

"Cela permet non plus des ponts, mais des aqueducs"

Cette solution est d'ailleurs celle défendue de longue date par le Medef. "Il ne faut pas croire que c’est extrêmement bénéfique dans des secteurs qui pourraient en bénéficier, comme le tourisme, l’hôtellerie ou la restauration", assure Thibault Lanxade, vice-président de l'organisation patronale. Selon lui, le mois de mai reste encore beaucoup trop complexe à anticiper en termes de stocks ou de personnels pour commencer à pouvoir le comparer au mois d’août. Mais les perturbations sont bien réelles.

"Les collaborateurs en profitent pour optimiser ce mois, cela permet non plus des ponts, mais des aqueducs. Les grandes entreprises ont appliqué des règles qui font qu’on ne peut pas accoler des journées de congés à des RTT, ou accoler des RTT à des jours fériés. Cela permet de limiter le mois de mai chômé. Néanmoins, pour la PME ça relève du casse-tête", regrette le dirigeant patronal.

"On ne voit pas encore les grands mouvements de balancier des congés d’été"

Au Medef, on ne voit pas le mois de mai devenir un vrai mois de vacances pour les Français. Ou en tout cas pas tout de suite. "Sur le long terme, ça se modifiera peut être. Mais on ne voit pas encore les grands mouvements de balancier des congés d’été, qui correspondent avec l’agenda scolaire", reprend Thibault Lanxade. Dès 2014, l'organisation patronale avait d’ailleurs proposé la suppression d’un jour férié, à choisir n’importe où dans l’année. Mais évidemment, tout le monde avait regardé du côté de ce que son vice-président qualifie de "mois terriblement compliqué": "On disait que la suppression d’un jour férié permettrait une amélioration entre 0,2 et un point de PIB. Ça permettrait d’avoir une meilleure répartition du travail sur l’année".

Celle-ci pourrait aussi passer par le fait de moins partir l’été, et plus au printemps, à condition que le calendrier des vacances scolaires le permette un jour. Car si l'on travaille moins en mai, certains commencent à trouver du charme au moins d’août au bureau. "Depuis quelque temps, on se dit qu’on peut faire des choses au mois d’août. On peut écluser les dossiers, c’est la période propice à la réflexion", reprend Ronan Chastellier. "Il y a tout un esprit du mois d’août, qui est de renouer avec une forme d’épicurisme du salarié, qui consiste à ne pas être bousculé mais à se poser". Pour ceux qui seraient tentés, le 15 août tombe cette année un mercredi.

Antoine Maes