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IVG: que va changer son inscription dans la Constitution?

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L'inscription de la "liberté garantie" des femmes à recourir à l'IVG va permettre de mieux protéger ce droit, menacé dans certains pays.

Un droit mieux sécurisé. Le Parlement va se réunir en Congrès ce lundi 4 mars à Versailles pour inscrire l'IVG dans la Constitution, a annoncé mercredi dernier Emmanuel Macron dans la foulée du feu vert du Sénat à cette réforme historique.

"Après l'Assemblée nationale, le Sénat fait un pas décisif dont je me félicite. Pour le vote final, je convoquerai le Parlement en Congrès le 4 mars", a-t-il écrit sur X en rappelant qu'il s'était "engagé à rendre irréversible la liberté des femmes de recourir à l'IVG en l'inscrivant dans la Constitution".

"Il y a des jours qui marquent l'histoire politique et parlementaire de notre pays", a renchéri le Premier ministre Gabriel Attal, en saluant une "avancée immense".

Le projet de loi constitutionnelle prévoit d'insérer un nouvel alinéa à l'article 34 de la Constitution, rédigé comme suit:

"La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté de la femme, qui lui est garantie, d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse".

Le recours à l'avortement est déjà garanti dans la loi française par la loi Simone Veil, votée en 1975. Elle permet aux femmes d'interrompre leur grossesse jusqu'à la fin de la 14e semaine ou pour des raisons médicales tout au long de la grossesse. L'intervention est intégralement prise en charge par la sécurité sociale.

Ce droit pourrait cependant être remis en cause si une nouvelle majorité décidait de changer la loi. Le vote d'un texte au Parlement est en effet beaucoup plus simple qu'un changement de la Constitution, qui nécessite de réunir le Parlement en Congrès ou d'organiser un référendum.

Une fois l'IVG inscrite dans la Constitution, une majorité qui voudrait restreindre ce droit verrait donc son texte censuré par le Conseil constitutionnel.

Un droit menacé dans plusieurs pays

Le chef de l'État s'était engagé le 8 mars 2023, journée internationale des droits des femmes, à présenter ce projet de loi, en réponse aux inquiétudes nées de l'annulation il y a un an et demi de l'arrêt garantissant aux États-Unis le droit d'avorter sur tout le territoire.

En révoquant le célèbre arrêt Roe v. Wade, la Cour suprême américaine avait rendu aux États la possibilité d'adopter leur propre législation sur l'avortement. Une dizaine d'États ont interdit l'avortement, quand d'autres l'ont restreint.

Le droit à l'IVG est aussi menacé en Europe. En Pologne, pays de tradition catholique, l'IVG n'est autorisée qu'en cas de viol ou d'inceste, ou lorsque la vie de la mère est en danger. En 2020, la Cour constitutionnelle du pays s'est rangée du côté du gouvernement populiste-nationaliste en déclarant les interruptions de grossesse pour malformation fœtale "inconstitutionnelles".

En Hongrie, le gouvernement de Viktor Orban a pris en septembre 2020 un décret obligeant les femmes enceintes à écouter le rythme cardiaque fœtal avant d'avorter.

Un accès qui reste inégal en France

Si l'inscription de l'avortement dans la Constitution française va consolider ce droit, la possibilité d'interrompre une grossesse non désirée reste inégale en France.

Le nombre d'avortements reste relativement stable depuis une vingtaine d'années, autour de 230.000 par an, avec un pic observé en 2022 avec 234.300 IVG pratiquées. Mais ce nombre varie fortement selon les territoires. Les derniers chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) montrent ainsi un taux de recours pouvant aller de 11,6 pour 1.000 femmes de 15 à 49 ans dans les Pays de la Loire à 22,6 en Provence-Alpes-Côtes d'Azur.

Pourquoi Emmanuel Macron veut-il inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution?
Pourquoi Emmanuel Macron veut-il inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution?
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L'accès à l'IVG n'est "pas homogène sur le territoire", relevait en décembre auprès de l'AFP Magali Mazuy, chercheuse à l'Institut national d'études démographiques (Ined) : "Une personne qui va demander à avoir recours à l'IVG ou qui va chercher des praticiens, ne va pas avoir en face d'elle les mêmes professionnels et la même culture locale relative à la considération de ce soin", constate-t-elle.

Une situation sur laquelle alerte depuis plusieurs années le Planning familial. Lors d'une conférence de presse mercredi, sa présidente Sarah Durocher s'est une nouvelle fois alarmée de "voir certaines femmes contraintes d'aller dans d'autres départements que le leur pour avorter".

Les professionnels de santé et les associations féministes déplorent la fermeture de maternités - le nombre de ces établissements est passé de 1.369 en 1975 à 458 en 2020 - et de centres IVG dont 130 auraient fermé en 15 ans, selon le Planning familial.

François Blanchard avec AFP