"Il était temps!": ces Français qui vont découvrir le visage de leurs collègues lundi

Des employés masqués dans une petite entreprise de Lyon en septembre 2020. - JEFF PACHOUD
Sortez vos plus beaux rouge à lèvres. À partir de lundi, le port du masque ne sera plus obligatoire dand les lieux clos, à l'exception des transports. À l'école, dans les commerces, entreprises privées et autres administrations publiques, il ne sera plus obligatoire de garder son masque toute la journée.
Pour la première fois depuis septembre 2021, de nombreux collègues vont ainsi avoir le plaisir de découvrir leurs traits, mimiques et autres expressions faciales. Un véritable soulagement pour beaucoup, une source d'angoisse pour d'autres.
"Je n'ai jamais vu le visage de certains collègues"
"Il était grand temps!", soufflent en choeur Basile et Kanda, techniciens au service informatique d'un grand groupe de télécoms à Paris, qui travaillent dans le même open space. "Il n'y a pas à dire, on respire quand même mieux sans, et puis on va enfin pouvoir voir les visages des collègues...", plaisantent-ils au micro de BFMTV.com.
"La dernière fois, raconte Kanda, j'ai croisé un collègue avec qui je travaille très souvent sans son masque et je suis passé à côté de lui sans lui dire bonjour... En fait, je ne l'avais absolument pas reconnu sans son masque!". "Ça va faire vraiment bizarre", tombent-ils d'accord.
De la même manière, Manon a été embauchée dans une grande entreprise parisienne il y a un an et demi. À l'époque dans son open space, tous ses collègues portaient déjà le masque. Lundi, la jeune femme de 24 ans s'amuse du fait qu'elle va découvrir le visage de nombreux collègues. "Ça va être extrêmement étrange, il y en a certains dont je n'avais vraiment jamais vu le visage", raconte-t-elle à BFMTV.com, avant d'ajouter: "et pourtant je ne suis pas si nouvelle que ça!"
Beaucoup de professionnels travaillant au contact des clients voient cet allègement du protocole comme une bénédiction. Pour eux, le masque représentait un véritable fardeau au quotidien. "J'ai tellement hâte de 'revoir' mes clients!", se réjouit par exemple Élodie Schneider, gérante d'une boulangerie à Deyvillers près d'Épinal (Vosges), qui ne compte plus le porter dans son établissement.
Le masque, une barrière sociale
Selon elle, le port du masque a indéniablement changé sa relation avec ses clients. "Ce n'était plus comme avant, confie-t-elle à BFMTV.com. "Depuis le masque, j'ai remarqué que les gens ne s'attardaient plus comme ils en avaient l'habitude. Ils sont plus distants, méfiants, et ils ne prennent plus le temps de discuter".

"C'est bête, mais ne plus voir les expressions sur le visage des gens, ça manquait", poursuit cette boulangère. "Je pense qu'on va se sentir tout nus", plaisante cette cheffe d'entreprise avec 4 empoyés à sa charge. "Ça va nous faire drôle, tellement c'était devenu une habitude... Mais on va apprécier. Il était dur à supporter dans notre métier: nous avons souvent chaud près du four, avec la chaleur, on se sent limite étouffés".

Dans de nombreux salons de coiffure, l'impatience est la même. "Ça va sacrément nous faciliter la tâche!", confie Kevin, 31 ans et coiffeur à Levallois-Perret. "C'était handicapant avec les sèches cheveux, les brosses, les produits. On avait vite chaud, notre métier est quand même assez physique".
"Mais le mieux, ça va être de pouvoir revoir les clients", poursuit le trentenaire. "Pour les coupes et les brushing, c'était vraiment problématique. On était parfois obligés de leur demander de le retirer quelques minutes. Parce que bon, le métier de coiffeur c'est aussi faire quelque chose d'harmonieux par rapport au visage de la personne. Or là on le voyait pas. (...) Et en même temps ça va être hyper bizarre de le retirer, on va avoir comme l'impression de faire une bêtise".
"On va enfin pouvoir renouer avec le paraverbal", analyse pour BFMTV.com Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne à Paris spécialisée dans les thérapies du comportement. "Ça va nous faire beaucoup de bien de pouvoir retrouver les émotions sur le visage de l'autre. Pendant environ deux ans on s'est passé de tout un pan de la communication, or beaucoup de messages passent par la lecture de signes subliminaux. Les émotions se céréactérisent par des mimiques du visage. Elles nous lient à l'autre".
Beaucoup de codes ont changé en deux ans
Pour cette spécialiste des comportements, "il va désormais falloir respecter le temporalité de chacun parce qu'enlever le masque va être difficile pour certaines personnes. "Pour beaucoup, retirer son masque est vécu comme une mise à nu. Certains de mes patients m'expliquaient qu'ils voyaient le masque comme une sorte de protection. Chez les timides, il peut aider à cacher un rougissement, une gêne, un embarras... Il est une sorte de filtre et rend les gens moins vulnérables".
"Beaucoup de choses ont changé en deux ans", poursuit Johanna Rozenblum. Pour elle, "un certain nombre de codes sociaux très intimistes risquent de ne pas revenir tout de suite. Les gens n'ont plus l'habitude de montrer leur visage, de se faire la bise... il va falloir un certain temps pour se réhabituer".
"Pour les jeunes ados, ça va être très difficile de les retirer", confirme à BFMTV.com Olivier Staderdi, père de famille à Castres, dans le Tarn, qui s'inquiète pour sa fille de 12 ans. "C'est un enfer, elle panique complètement et est littéralement terrorisée à l'idée de l'enlever lundi. Elle est aujourd'hui en 5ème et quand elle est arrivée dans son collège l'année dernière, le masque était déjà obligatoire. En fait, elle a peur du regard des autres".
"Le masque faisait partie de l'habillement"
"Les camarades de ma fille ne connaissent pas vraiment son visage, étant donné qu'elle a dû porter le masque tous les jours en classe comme à la récréation pendant des mois. Elle n'ont plus n'a d'ailleurs jamais vu le visage de certains de ses camarades, de ses professeurs", explique ce père de famille. "Donc là, elle a terriblement peur qu'ils la jugent, qu'ils découvrent à quoi elle ressemble vraiment. Elle est complexée par sa peau par exemple. Le masque, c'était une protection pour elle et là elle va devoir le tomber du jour au lendemain".

"Devoir dévoiler et assumer ses imperfections du jour au lendemain, c'est un peu brutal pour elle", poursuit ce père de famille, inquiet. "À cet âge-là, l'image de soi c'est très compliqué. J'espère qu'elle va réussir à passer cette étape".
"Ce qui est sûr, c'est que les enfants et les ados de cette génération n'ont pas la même vie sociale que nous. Le masque faisait partie de leur habillement". Sa fille de 6 ans, par exemple, a totalement adopté cette protection anti-Covid. "Même si ça a été dur de lui imposer au début, elle a pris le pli. Maintenant elle n'y pense plus du tout, elle le met automatique et le garde facilement même dans les endroits où il n'est plus obligatoire".
"Voici le bout du tunnel", s'est réjouie l'Union des entreprises de proximité (U2P), qui regroupe artisans, petits commerçants et professions libérales. "On va reprendre des règles normales en entreprise", a aussi résumé la ministre du travail Elisabeth Borne, tout en rappelant qu'il faudrait "continuer évidemment à appliquer des règles d'hygiène", comme le lavage des mains, le nettoyage des surfaces et l'aération des locaux.