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"On n'en est nulle part": deux semaines après la rentrée, les établissements toujours dans le flou sur les référents en santé mentale

Les élèves entrent à l'école primaire publique Vigée-Lebrun pour le premier jour de classe  à Paris le 1er septembre 2025.

Les élèves entrent à l'école primaire publique Vigée-Lebrun pour le premier jour de classe à Paris le 1er septembre 2025. - Bertrand GUAY © 2019 AFP

Le ministère de la Santé avait annoncé pour septembre la mise en place de référents en santé mentale dans toutes les écoles, collèges et lycées. Mais deux semaines après la rentrée, c'est toujours le flou.

Des référents en santé mentale dans les écoles, collèges et lycées? "On n'en est nulle part", dénonce auprès de BFMTV Sophie Venetitay, secrétaire générale du Snes-FSU, principal syndicat du second degré. "Dans les établissements scolaires, les référents en santé mentale ne sont pas encore désignés. Loin de là."

Au printemps dernier, le ministère de la Santé a annoncé à l'issue des assises de la santé scolaire un plan pour mieux prendre en charge la santé mentale des élèves. Parmi les mesures de ce plan: la mise en place de référents en santé mentale dans tous les établissements scolaires, de l'école primaire au lycée.

Concrètement, chaque établissement doit se doter de personnels repères chargés de détecter de manière précoce les signes de souffrance et de troubles psychiques. En principe, ces référents en santé mentale devaient être identifiés dès ce mois de septembre. Mais deux semaines après la rentrée, tout est encore très flou.

"En quoi ça va consister? Je n'en ai aucune idée", s'interroge Florence Comte, directrice d'une école élémentaire dans le Var, secrétaire et porte-parole du Syndicat des directeurs et directrices d'école (S2DÉ).

"À part ce que j'ai lu dans la circulaire de rentrée et ce que j'ai entendu lors de la conférence de la ministre (Élisabeth Borne, ministre de l'Éducation nationale du gouvernement démissionnaire), je n'ai aucun retour", ajoute-t-elle.

"C'est une mission lourde"

La circulaire de rentrée, publiée début juillet, indique ainsi que chaque circonscription (qui comprend plusieurs écoles du premier degré), chaque collège et chaque lycée devra disposer d'un protocole de santé mentale opérationnel "avant la fin de l'année 2025". Il est également précisé que deux personnels repères devront également être "identifiés et formés" dans chaque circonscription, collège et lycée.

"Mais quelle formation? Et qui la fera?" se demande pour BFMTV Sylvie Perron, secrétaire nationale du Sgen-CFDT. Elle craint un "ersatz" de formation. Car plusieurs membres de son syndicat y ont participé au mois de juin et l'ont jugée insuffisante. "Ça s'est passé un mercredi et on ne leur a pas dit qu'il y aurait d'autres journées. C'était plus de l'information qu'une formation", ce qui l'inquiète.

"Prendre le temps de repérer les signaux faibles, de recueillir la parole de l'élève qui va mal, de signaler et de l'adresser à la bonne personne, c'est une mission lourde", soulève-t-elle avant d'ajouter:

"Il faut des professionnels, pas des collègues mal formés."

Quant à la formation des inspecteurs chargés de mettre en place les protocoles de santé mentale, elle devrait se faire à distance - la circulaire de rentrée évoque une formation Magistère, la plateforme de formation continue des personnels de l'éducation.

"La santé mentale, c'est quand même quelque chose d'important qui nécessiterait une vraie formation face à des intervenants professionnels", s'alarme pour BFMTV Aurélie Gagnier, co-secrétaire générale et porte-parole de la FSU-SnuIPP, le syndicat majoritaire des enseignants du premier degré.

Une volonté mais pas de budget

Sans compter que pour l'heure, aucun recrutement supplémentaire n'a été annoncé. Sophie Vénétitay, du Snes-FSU, dénonce ainsi l'absence de moyens supplémentaires dédiés à la santé mentale. "Une fois qu'on a repéré qu'un élève allait mal, il ne peut pas attendre trois semaines pour voir un psychologue?"

Car nombre d'établissements en sont dépourvus. Selon les données de ce syndicat, il manque au moins un psychologue dans 13,2% des collèges et des lycées. D'autant que ces postes n'ont pas fait le plein aux concours. Sur les 272 postes ouverts cette année aux différents concours de recrutement de psychologues de l'Éducation nationale, quelque 62 n'ont pas été pourvus.

"Le ministère fait des annonces mais il n'y a pas la ressource qui est déjà exsangue", abonde Sylvie Perron, du Sgen-CFDT.

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"Certains collègues me disent qu'ils ne trouvent personne"

La circulaire de rentrée ne précise pas si cette mission devra être portée par les psychologues, les infirmiers scolaires, les CPE ou les directeurs pour le premier degré. "La difficulté, c'est de trouver des volontaires qui ne soient pas déjà en charge d'une autre mission", pointe encore Sylvie Perron. Car localement, certains personnels se sont vus refuser leur candidature du fait qu'ils étaient déjà référents harcèlement ou décrochage scolaire.

"Certains collègues me disent qu'ils ne trouvent personne. Les équipes ne sont pas extensibles."

Un référent santé mentale sera par ailleurs nommé dans chaque département pour coordonner les actions qui seront mises en œuvre. "Mais sans dotation spécifique du ministère, cela signifie qu'ils vont être retirés d'un vivier déjà déficitaire", s'inquiète Aurélie Gagnier, de la FSU-SnuIPP. "On va déshabiller les équipes sur le terrain."

"La santé mentale des jeunes, c'est un vrai problème et un problème important", souligne Sylvie Perron. "Mais ce qu'on nous propose, c'est une mesurette, de la poudre aux yeux qui ne va rien résoudre."

Sollicité, le ministère de l'Éducation n'avait pas répondu à BFMTV au moment de la publication de cet article.

https://twitter.com/chussonnois Céline Hussonnois-Alaya Journaliste BFMTV