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Mathématiques: l'école renforce l'écart filles-garçons en 4 mois seulement après l'entrée au primaire

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Enracinée dans l'esprit des enfants, la fausse idée selon laquelle les garçons seraient plus forts que les filles en maths commençent à se manifester en moyenne quatre mois après l'entrée à l'école primaire.

L'écart se creuse entre les filles et les garçons en mathématiques. Mais pas pour les raisons que l'on soupçonne. À leur entrée en cours élémentaire, les enfants possèdent des bases similaires sur les nombres. Ce n'est qu'au bout de quelques mois d'école, que l'écart - autrefois inexistant - commence à se sentir, les garçons prenant l'avantage sur les filles.

Cette différence est le résultat d'un stéréotype diffusé par les enseignants selon lequel "les filles sont mauvaises en mathématiques", révèle une étude publiée dans la revue scientifique Nature, mercredi 11 juin.

En France, cet écart de genre en mathématiques et en sciences à la fin du primaire est le plus fort des pays de l'Union européenne, selon une étude internationale. Par un effet de boule de neige, il ne fait que s'accentuer jusqu'aux études supérieures.

Un échantillon de plus de 2,8 millions d'élèves

Pour parvenir à ces résultats, les chercheurs ont étudié un échantillon de 2,8 millions d'élèves grâce à un dispositif scientifique, EvalAide, capable de tester en mathématiques et en français tous les entrants en école élémentaire au début du CP, quatre mois plus tard et l'année suivante à l'entrée au CE1.

Cette étude est la première à mesurer l'écart "de manière très précise" et grâce à un jeu de données "exceptionnellement grand", explique à l'AFP la première autrice Pauline Martinot, médecin et docteure en neurosciences. Sans surprise, ces données confirment le "gros impact" du statut plus ou moins favorisé des familles ainsi que des établissements sur les performances des enfants.

Mais le véritable enseignement est que, si à l'entrée en CP, filles et garçons ont des résultats "quasi identiques" aux tests de maths, un "écart petit mais déjà hautement significatif favorise les garçons" après quatre mois d'école, selon l'étude. Après un an, on compte plus du double de garçons que de filles parmi les 5% des meilleurs élèves aux tests de maths.

Les filles plus sujettes à l'anxiété

Malgré ce constat, les auteurs de l'étude admettent que ces données, descriptives, ne peuvent "pas être utilisées pour identifier la cause originelle de l'écart de genre". Pour autant, certaines explications s'accordent mieux avec leurs constats que d'autres, notamment l'idée que les filles souffrent d'une plus grande "anxiété" face aux maths, surtout dans le contexte "compétitif" d'un test.

"Lorsqu'un test est stressant, l'anxiété des petites filles en maths leur fait perdre leurs moyens par rapport aux garçons", remarque Pauline Martinot. Stress augmenté du fait que les opérations de numération sont désignées comme des "maths" à partir du CP.

Outre l'anxiété, l'influence des parents au moment de l'entrée à l'école joue également un rôle. L'investissement plus grand des parents de catégories sociales aisées expliquerait ainsi l'apparition d'un plus grand écart de genre chez leur progéniture. Comme par exemple dans les familles dont les deux parents ont des métiers scientifiques ou dans l'enseignement.

Une meilleure formation des enseignants

L'étude écarte des solutions portant sur la taille des classes, le ratio garçons-filles ou l'hétérogénéité de niveaux, mais encourage plutôt un effort de formation des enseignants, pour qu'ils accordent autant d'attention aux filles qu'aux garçons autour des maths.

Une meilleure formation des enseignants sera aussi le moyen d'"accroître leur confiance en soi et leur intérêt" dans les mathématiques - plus de 80% des instituteurs étant elles-mêmes des femmes, et dont une majorité issue d'un parcours littéraire.Or, "une anxiété mesurée chez les enseignants femmes en maths sera directement corrélée à une anxiété en maths de petites filles de leur classe", souligne Pauline Martinot.

Orlane Edouard avec AFP