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"Détruire nos maisons": à Mayotte, les habitants se préparent aux expulsions et destructions de bidonvilles

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La France s'apprête à déclencher une série d'interventions policières à Mayotte, en procédant à des expulsions massives d'étrangers en situation irrégulière et à des destructions de bidonvilles.

L'opération "Wuambushu" ("reprise", en mahorais) du ministre français de l'Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, vise à déloger les migrants illégaux des bidonvilles de Mayotte et expulser les sans-papiers, dont la plupart sont des Comoriens. Le gouvernement français n'a pas donné de date précise pour le lancement de l'opération, mais déjà sur place, les habitants se préparent.

À l'entrée du bidonville de Majicavo, au nord de l'île de Mayotte, l'un de ceux que les autorités françaises veulent voir rapidement évacués puis démolis, une affichette au drapeau tricolore est placardée. Le texte annonce une interdiction de circulation mardi "de 5h30 à 17h30", laissant planer un possible arrêté préfectoral de destruction pour ce jour-là.

"C'est pour détruire nos biens, nos maisons et pourtant il y a des gens qui sont là depuis 35 ans !", s'emporte Fatima Youssouf, 55 ans, originaire des Comores, l'archipel africain voisin, d'où viennent la majorité des migrants installés sur l'île.

"On prépare les bagages pour partir"

Ici le bondiville est rebaptisé "Talus 2". On y monte au milieu de la terre battue, des eaux usées, des poules et du linge multicolore qui sèche. Chaque porte en métal porte un numéro d'identification, peint à la peinture rose par les services sociaux il y a un mois.

Derrière celle marquée "126", la vie de la famille Soufou tient en une dizaine de valises à roulettes et cabas pleins à craquer. "On prépare les bagages pour partir", explique à l'AFP Zenabou Soufou, 48 ans et sept enfants, tous français grâce à leur père mahorais né sur l'île. La famille n'a aucune idée d'où elle ira, assurant ne s'être vue proposer aucune solution de relogement.

"On veut une maison digne pour que des enfants restent tranquilles à la maison. Mais si on nous détruit les maisons, on va aller où avec les enfants ?", s'interroge la mère de famille.

L'absence de relogement est souvent invoquée dans le quartier. "C'est faux, il y a une proposition faite a chacune de ces familles, qui l'acceptent ou non. C'est de la pure mauvaise foi", fait valoir auprès de l'AFP un fonctionnaire proche du dossier, sur l'île.

La peur d'une montée de la violence

Sur place, les autorités entendent procéder à des expulsions d'étrangers en situation irrégulière et au "décasage" de quartiers insalubres, souvent squattés. Plus de 2000 forces de l'ordre et agents de l'administration sont mobilisés. Mais à "Talus 2", les clandestins sont déjà partis depuis des jours se mettre "au vert", loin des descentes annoncées depuis des semaines.

Ouali Nedja Hamadi, 32 ans, qui y est né et y a grandi, sent sa colère monter. "Je ne veux pas être là, qu'on me mette du gaz (lacrymogène), qu'on me pousse, car moi aussi je vais avoir envie de pousser", dit-il. Il affirme que dans le quartier, "les cocktails Molotov" accueilleront les forces de l'ordre et qu'après le "décasage", il y aura vengeance et violence.

Mais l'arrivée de l'affichette a réjoui d'autres. Certains habitants "légaux" du quartier, des Mahorais, se disent soulagés de voir bientôt détruit le bidonville où sont majoritaires les habitants originaires des Comores.

"On est obligés de s'enfermer sans arrêt. On ne peut pas se promener avec des objets de valeur, comme une montre. Si on sort la voiture de la cour, on ne sait jamais dans quel état on va la ramener", assure à l'AFP Ismaïla Faïza, puéricultrice pour qui le quartier est devenu "invivable".

Salomé Vincendon
Salomé Vincendon avec AFP Journaliste BFMTV