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Société

Consentement, stéréotypes, parole des actrices... Un rapport sur la pornographie critiqué

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Ce texte, qui proposent de nombreuses recommandations aux pouvoirs publics, suscite l'indignation de professionnels, travailleuses et travailleurs du sexe et de chercheurs spécialistes du sujet.

"Ce rapport est une honte à tous les niveaux", dénonce Ludivine Demol, chercheuse à l'université Paris 8, spécialiste de la consommation pornographique chez les jeunes. Le Haut conseil à l’égalité (HCE) a dévoilé ce mercredi un rapport intitulé "Pornocriminalité: mettons fin à l’impunité de l’industrie pornographique".

Ce texte de 250 pages dénonce un "système d’exploitation sexuelle à l’échelle industrielle", décrivant la pornographie comme reproductrice de violences physiques, sexuelles ou verbales envers les femmes, à la fois pour les actrices et dans la société plus largement.

Toutefois, ce rapport est très critiqué par les professionnels de ce secteur et par des chercheurs spécialistes de la pornographie.

Point de vue des concernées

Sur les réseaux sociaux, ils dénoncent l'absence de prise en compte des avis des personnes concernées. "Le HCE considérant 'l'industrie du porno' comme criminelle, il n'a donné la parole à AUCUN.E actrice.eur porno, ni personne du milieu", déplore Ludivine Demol, qui regrette que les personnes interrogées aient toutes un avis "abolitionniste" sur la question de la pornographie.

"Ils disent que leur position est de se mettre à la place des personnes concernées! Pour ça, il faudrait écouter ces personnes", affirme auprès de France Inter l'actrice X Lulla Byebye.

"Pourquoi ne pas tenir compte du point de vue des actrices dans votre définition de la violence?", abonde dans le même sens Florian Vörös, chercheur spécialiste des questions de pornographie et d'éducation à la sexualité.

Dans un texte publié par Le Club de Médiapart, le chercheur soutient que le rapport "n'a lu et auditionné que des personnes dont le présupposé de départ est que la pornographie est en soi un problème à éradiquer".

Les violences au centre du débat

Alors que le HCE envisage la possibilité de retirer les contenus violents et/ou non-consentis, cette même vision de la "violence" est critiquée. Le rapport stipule que "90% des vidéos contiennent des actes de violence physique ou verbale". Florian Vörös et Béatrice Damian-Gaillard dénoncent un chiffre "trompeur" qui "ne se base que sur l'analyse d'un corpus de 50 vidéos, non-représentatives de la diversité des pornographies accessibles en ligne".

"La pornographie est responsable de comportements violents? AUCUNE étude ne le prouve. Et pourtant, on a essayé à plusieurs reprises.", explique Ludivine Demol.

Mélanie Jaoul, maîtresse de conférences en droit à Montpellier, regrette "une confusion volontaire" entre le jeu d'une pratique "violente" et "la réalité de la violence". "Assimiler une pratique filmée et scénarisée, laquelle est une performance et relève de l’acting, à la même pratique hors plateau, non consentie est choquant et inexact", affirme-t-elle.

"Comptez-vous censurer les Missions Impossibles, Game of Thrones, et autres œuvres du style?", ironise sur X (anciennement Twitter) l'association Défération Parapluie Rouge.

"Le document reproduit les stéréotypes les plus éculés sur les sexualités non conventionnelles en les assimilant à la violence, tout en laissant penser que les pratiques sexuelles conventionnelles seraient par nature plus sûres et égalitaires", ajoutent Florian Vörös et Béatrice Damian-Gaillard.

Le rapport est également accusé de relayer des propos et des formulations transphobes, homophobes et misogynes.

Notion de consentement

Les professionnelles du secteur entendent rappeler que la pornographie est d'abord un jeu d'acteur qui est consenti, notamment par les actrices. "Le titre (du rapport, NDLR) assimile tout contenu pornographique à de la criminalité", dénonce Mélanie Jaoul.

"En lisant le rapport, j'ai pleuré", confie à France Inter Lulla Byebye. "Ils veulent retirer aux actrices pornographiques la capacité à consentir. On nous traite comme des enfants, on considère qu'on ne peut pas consentir. Or la notion de consentement, c'est ce qui permet aussi de dire non".

"Ils veulent considérer que tout tournage est illégal, et que ce soit assimilé à du proxénétisme, pour dire ensuite que le consentement est nul", regrette-t-elle.

De son côté, l'actrice Nikita Bellucci ironise: "Je vais faire des films porno gratuits, sur la base du volontariat, comme ça je ne serai pas taxée de marchandiser mon corps."

Salomé Robles