A paris, le miel de ville gagne sur le miel des champs

Quelque 240.000 abeilles ont produit cet été 200 kg de miel sur le toit du restaurant La Tour d'Argent, dernier haut lieu prestigieux en date à accueillir des ruches au coeur de Paris. /Photo prise le 24 septembre 2010/ REUTERS/Jacky Naegelen - -
par Laure Bretton
PARIS (Reuters) - Loin du cortège d'insecticides nécessaires à l'agriculture intensive, 240.000 abeilles ont produit cet été 200 kg de miel sur le toit du restaurant La Tour d'Argent, dernier haut lieu prestigieux en date à accueillir des ruches au coeur de Paris.
Cette production de miel de ville, plus doré et souvent beaucoup plus parfumé que son concurrent des champs, a été relancée par Nicolas Géant, ancien consultant dans la finance devenu apiculteur à plein temps.
"A Berlin, Londres, New York ou Toronto, cela fait des années que vous avez des ruches en haut des buildings", explique l'éleveur d'abeilles, qui fabriquait déjà du miel en amateur pendant ses études il y a vingt-cinq ans.
A Paris, on estime qu'il existe aujourd'hui 200 ruches déclarées, contre 700 du temps de Napoléon III, avant l'avènement du sucre de canne.
Mais 98% d'entre elles sont aux mains d'amateurs, "sur un coin de balcon", dit Nicolas Géant, en train de préparer l'hivernage de ses ruches installées tout en haut de La Tour d'Argent, avec vue plongeante sur la Seine et Notre-Dame.
En 2009, alors qu'il gérait 250 ruches en Ile-de-France, l'homme a repris et fait fructifier l'idée de Jean Paucton, premier apiculteur à avoir conquis les toits de Paris en plaçant deux ruches sur la coupole de l'Opéra Garnier dans les années 80.
Après le Grand Palais, Nicolas Géant a placé des abeilles sur les toits du malletier Louis Vuitton, de l'usine du parfumeur Guerlain et de La Tour d'Argent, qui l'a contacté en 2010.
"LES ABEILLES PLUS HEUREUSES EN VILLE"
Au total, les ruches parisiennes de Nicolas Géant ont produit une tonne de miel cette année, où l'on retrouve des traces de lavande, qui sont légion dans les parcs et jardins de la capitale, mais aussi d'orangers et de mandariniers qui prospèrent sur les balcons citadins.
"C'est simple: les abeilles meurent dans les campagnes mais elles sont très heureuses en ville", où elles vivent loin des frelons asiatiques ou du Varroa, un parasite destructeur, assure le producteur.
Les cultures intensives ont tué la biodiversité dans les campagnes, dit-il - "plus de haies, plus de petites fleurs: c'est le désert vert" - et la pollution d'un centre ville, "c'est de la rigolade par rapport aux insecticides, pesticides et fongicides".
Le miel des villes, plus sain que le miel des champs ?
"On ne cherche que ce que l'on trouve quand on fait des analyses", élude l'apiculteur. "Et puis cela fait bien dix ans qu'il n'y a plus de plomb dans l'essence des voitures", dit-il.
Après la vente d'une partie de sa cave prestigieuse à l'hiver 2009, la jeune direction du restaurant gastronomique a flairé la bonne affaire commerciale.
Depuis quelques jours, le nouveau chef, Laurent Delarbre, a inscrit à la carte un dessert à base de figues, de jus de fraise et de "miel maison".
"Le miel a cet avantage sur le sucre qu'il fait durer le moelleux", explique Guillaume Caron, le chef pâtissier, en dressant les figues confites sur un biscuit miel et amandes aux faux airs de millefeuilles.
Les pots de miel Tour d'Argent sont vendus à la boutique du rez-de chaussée: 15 euros les 200 grammes, soit le prix moyen d'un kilo de miel ordinaire.
Edité par Gilles Trequesser