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À Nantes, des étudiantes imaginent une paille anti-GHB "pour aller en soirée l'esprit tranquille"

Différents cocktails fruités en train d'être préparés dans un bar (Photo d'illustration).

Différents cocktails fruités en train d'être préparés dans un bar (Photo d'illustration). - Flickr - CC Commons - Club Soda guide

Face au phénomène "Balance ton Bar", un groupe d'étudiantes de l'université de Nantes travaille sur un projet de paille anti-drogue à emporter en soirée. Les cinq jeunes femmes expliquent précisément à BFMTV.com de quoi il s'agit.

"On connaît toutes quelqu'un qui en a été victime". À Nantes, un groupe de cinq étudiantes a imaginé une paille anti-drogue "pour aller en soirée l'esprit tranquille", alors que les témoignages de femmes ayant été droguées à leur insu dans des bars se multiplient depuis la fin d'année dernière, sous le hashtag #BalanceTonBar.

Les cinq jeunes femmes, Leïa Schwartz-Le Bar, Roxane Viel, Emma Mériau, Agathe Samson et Eloïse Tomeï, sont âgées d'une vingtaine d'années et étudiantes en troisième année de LEA (Lettres étrangères appliquées, section commerce international). L'idée leur vient en septembre dernier, dans le cadre d'un cours d'entrepreneuriat.

"On devait construire un business plan autour d'une innovation", raconte à BFMTV.com Roxane Viel. "Et on s'est dit que commercialiser une paille anti-drogue ce serait une bonne idée parce qu'on connaît toutes, de près ou de loin, quelqu'un qui a été victime" de ce fléau.

"Franchement autour de nous, on entend assez souvent des histoires de filles qui ont été droguées à leur insu en soirée. C'est l'accumulation des témoignages qui nous a donné l'idée de ce projet. On connaît une fille à qui c'est arrivé récemment à Toulouse, une autre à Noirmoutiers... En temps que jeunes femmes, nous aussi on va en soirée. Et c'est vrai que quand on sort, la peur que ça nous arrive est toujours dans un coin de notre tête".

Un objet en inox facilement transportable

En effet depuis la fin d'année 2021, de nombreuses jeunes femmes victimes d'agressions sexuelles témoignent sur les réseaux sociaux, après avoir été droguées à leur insu avec du GHB (de l’acide gammahydroxybutyrique, surnommé la drogue du violeur). Inodore et incolore, cette molécule à usage médical a des propriétés sédatives, anxiolytiques et euphorisantes. Elle est devenue une arme des prédateurs sexuels, qui l'administrent à leurs victimes par voie orale, en le glissant discrètement dans leurs verres.

À la rentrée dernière, le groupe réalise un sondage afin de savoir dans quelle mesure cette menace est présente dans le milieu universitaire. Parmi les quelque 1000 réponses reçues, plus de 50% des gens rapportent qu'un membre de leur entourage en a déjà été victime. Et 80% des personnes interrogées font part de leur inquiétude à ce propos.

Afin d'identifier la présence de cette drogue dans un verre d'un seul coup d'oeil, les cinq étudiantes imaginent une paille en acier inoxydable dans laquelle elles positionneraient un arceau jaune clair, qui changerait de couleur au contact du GHB. "Au contact de cette drogue, l'arceau de la paille deviendrait vert foncé", nous détaillent les jeunes femmes, qui se sont rapprochées d'une chimiste pour étudier la fiabilité de leur projet. "L'idée c'est de pouvoir aller en soirée l'esprit tranquille", nous expliquent-elles.

Le GHB, "drogue de la soumission"

"Ce genre de choses est tout-à-fait faisable", confirme à BFMTV.com, Véronique Dumestre-Toulet, docteure en pharmacie à Bordeaux. "On peut facilement imaginer un système permettant de révèler la présence d'une substance grâce à un système simple d'immunochromatographie. C'est le même principe qui est déjà utilisé dans les tests de grossesse, les tests Covid ou encore de détection du VIH".

Les cinq étudiantes ignorent encore si elles vont aller jusqu'à créer un prototype de leur paille en vue de la commercialiser. Mais elles sont déjà conscientes de la practicité de leur invention: "On voulait faire quelque chose de simple: un objet pas contraignant, discret, facilement transportable pour qu'il soit massivement utilisé".

Le GHB, c'est la "drogue de la soumission", expliquait à BFMTV.com William Lowenstein, addictologue et président de l'association SOS Addictions en octobre dernier. Il provoque un "effet d'extrême relaxation physique et psychique (...) et un effet euphorisant tranquille". Selon lui, la personne prenant du GHB "va être dans les vapes mais va garder une possibilité d'action. (...) Elle va se laisser faire". L’usage du GHB peut entraîner "des vertiges, des nausées, des contractions musculaires ou des hallucinations", explique Drogues.gouv.

En 2013, des cherheurs israéliens de l'université de Tel-Aviv avaient déjà mis au point une paille intelligente de la sorte, mais cette fois en plastique, qui permettait de détecter cette drogue dans une boisson.

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV