15 chefs lancent le label «restaurant de qualité»

15 grands chefs souhaitent distinguer les "artisans" des restaurateurs lambda - -
Aller au restaurant s’apparente souvent à une loterie pour vos papilles : seront-elles régalées de produits frais ou auront-elles droit à des surgelés ? Invitée ce mardi matin sur RMC et BFMTV, Sylvia Pinel, en plus du label d’« indication géographique » sur les produits manufacturés, a annoncé « une simplification du label d'Etat de "maître-restaurateur"».
La ministre de l’Artisanat, du Commerce et du Tourisme répondait à la proposition de 15 grands chefs français, dont Alain Ducasse et Joël Robuchon, lancée lundi, de créer une nouvelle appellation afin de distinguer les "artisans restaurateurs" qui privilégient le "fait maison" à l'industriel.
Une plaque apposée devant l’établissement
Les établissements concernés auront droit à une plaque millésimée installée devant chez eux, car, déplore Alain Ducasse, « aujourd'hui, le commun des mortels ne sait pas sur quoi il va tomber quand il pousse la porte d'un restaurant ». Pour obtenir ce label, les restaurateurs devront faire preuve de transparence quant à l'origine des produits et au mode de préparation sur place. Il faudra la présence d'un chef en cuisine, et non « quelqu'un qui fait réchauffer un sachet surgelé ». Autre critère retenu pour l’attribution de ce label, la qualité de l’accueil. Un minimum de 75% de satisfaction des clients, qui pourront voter sur Internet, leur permettra de conserver leur plaque, sous réserve d'avoir obtenu l'approbation des quinze chefs fondateurs du Collège culinaire, qu'Alain Ducasse copréside avec Joël Robuchon. 10 000 restaurants pourraient être concernés par l’appellation.
« Moi, je ne fais pas de la merde »
RMC s’est rendu à l'Atelier de l'Aubrac, dans le XVe arrondissement de Paris, dont le chef Sylvain Cresson revendique le "fait maison". En guise de dessert du jour, une tarte normande tout juste sortie du four. Sylvain Cresson cuisine maison « à 95% », par principe : « c’est hyper important. Je fais toujours la vinaigrette. J’ai travaillé dans des brasseries parisiennes, à 80% c’était déjà commandé. Ça m’a dégoûté. Il faut faire un label ‘restaurateur’, celui qui fait à manger sur place, de A à Z. Des restaurateurs qui ne font pas à manger, c’est une honte, ils ne peuvent pas s’appeler restaurateurs » dénonce le chef. A la carte, seul le confit de canard, trop compliqué, n’est pas cuisiné sur place. Et pour assurer les 95% restants, Sylvain Cresson travaille « de 9h30 à minuit » pour un manque à gagner de 3000 euros mensuel par rapport à de la cuisine industrielle. Mais ce choix est plus qu’assumé : « si je faisais de l’industriel, je n’aurais besoin que d’une personne en cuisine. Mais si vous ne voulez pas faire du maison, vous travaillez dans une cantine ! » A 16 euros le menu, les clients en redemandent, c’est pourquoi Sylvain Cresson attend l’appellation avec impatience afin de prouver qu’il ne fait pas, selon ses propres dires : « de la merde ».
Une législation encore floue
Aujourd'hui, rien n'oblige un restaurateur à détailler ce qui est fait maison ou non. Par exemple, rien ne dit qu’une « part de tarte maison » a été entièrement cuisinée sur place. Un assemblage de produits tous prêts peut faire l'affaire. Prenez une pâte toute faite, une crème pâtissière en brique et des pommes en conserve, préparez et cuisez le tout dans le restaurant et le tour est joué. Plus largement, aucune loi n’oblige un restaurateur à préciser sur sa carte s’il utilise des plats cuisinés, sous vide ou en conserve. Et pourtant, cela pourrait concerner une grande majorité des établissements en France puisque selon plusieurs études, entre 70 et 80% des restaurants utilisent au moins en partie des plats préparés de manière industrielle.
« ‘Restaurant’, un label en soi »
L’appellation ‘fait maison’, un simple « panneau de plus » pour Didier Chenet. Le président du Syndicat National des Hôteliers Restaurateurs Cafetiers Traiteurs (Synhorcat) considère qu’ « un label de plus ne va pas résoudre le problème ». Pour lui, le mot ‘restaurant’ en soi doit être un label « Ne pourra s’appeler ‘restaurant’ que s’il y a un chef qui cuisine sur place des produits bruts. C’est aussi simple que ça ». Didier Chenet renvoie les adeptes de l’industriel à leur responsabilité : « un restaurant, c’est un restaurant. Les autres, ils apprennent le métier de façon à être de vrais restaurateurs et à pouvoir s’appeler ‘restaurant’ ».