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TOUT COMPRENDRE - Qu'est-ce que le variant indien, ce "double mutant" qui inquiète?

Un prélèvement nasal dans les rues d'une ville indienne

Un prélèvement nasal dans les rues d'une ville indienne - AFP

Le variant indien du Covid-19 inquiète les autorités européennes alors que l'Inde connaît une deuxième vague bien plus fulgurante que la première. S'il semble plus contagieux, ce "double mutant" présente encore de nombreuses zones d'ombre pour les scientifiques.

Depuis lundi soir, les 20 millions d'habitants de New Delhi, en Inde, sont soumis à un confinement d'une semaine afin de contenir la flambée de cas de Covid-19 à laquelle ils font face. Depuis cinq jours, le pays franchit la barre des 200.000 nouveaux cas quotidiens, pour un total de plus de 15 millions depuis le début de la pandémie.

A Delhi, ville la plus touchée dans ce pays qui compte 1,3 milliard d'habitants, plus de 25.000 cas ont été recensés sur 24 heures. Près du tiers des personnes testées étaient positives. De nombreux experts imputent cette hausse à des comportements négligents vis-à-vis du virus. Mais l'explication est aussi peut-être à chercher dans la circulation d'un nouveau variant.

· À quoi ressemble ce variant indien du Covid-19?

De son vrai nom B.1.617, le variant indien a été repéré pour la première fois le 5 octobre 2020 près de Nagpur, la troisième plus grande ville du pays. Il est qualifié de "double mutant" car il présente deux mutations, E484Q (variant brésilien) et L452R (variant californien), qui se rejoignent en une.

C’est la première fois que ces deux mutations sont observées "ensemble dans une seule souche", souligne sur Twitter le compte "Le Doc", tenu par le cofondateur du collectif de scientifiques "Du côté de la science".

· Est-il plus dangereux?

Ce variant reste encore peu connu du monde scientifique et "les études ne disent pas s'il provoque des formes plus graves que les autres", explique à 20 Minutes l’épidémiologiste Catherine Hill.

Si les spécialistes ne sont pas fixés sur la dangerosité de ce variant, il semble bien en revanche plus résistant aux anticorps, ce qui pourrait avoir "un impact significatif en termes d’échappement immunitaire, bien que cela ne soit pas encore formellement démontré à ce stade", indique Santé publique France.

Toutefois, ce "double mutant" pourrait ne pas être aussi préoccupant qu'il n'y paraît. Comme l'observe Jeffrey Barrett, qui dirige la recherche génomique sur le Covid-19 à l'institut Sanger au Royaume-Uni, le variant indien existe depuis un long moment dans le pays et son ascension s'est faite à un rythme relativement modéré. Ce constat pourrait remettre en doute sa forte contagiosité qui serait en fait "circonstancielle", abonde dans le Guardian Andrew Hayward, du Scientific Advisory Group for Emergencies, un organe consultatif qui conseille le gouvernement britannique.

· Est-il à l’origine de la flambée épidémique en Inde?

D’après un rapport mis en ligne jeudi 15 avril par le site outbreak.info et relayé par Le Monde, le variant indien a été retrouvé dans 24% des échantillons prélevés aux mois de février et mars sur des patients indiens contaminés et ayant fait l’objet d’un séquençage génétique (contre 13% pour le variant britannique). Cette mutation semble donc se répandre plus rapidement mais elle n’est pas le seul facteur responsable de la flambée épidémique dans le pays.

En effet, "sa détection en Inde coïncide avec une situation épidémiologique très défavorable, caractérisée par une forte augmentation du taux d’incidence des cas confirmés de Covid-19. Toutefois, il est vraisemblable que cette dégradation de la situation sanitaire soit au moins en grande partie due aux nombreux grands rassemblements qui ont eu lieu récemment partout dans le pays et à une faible adoption des mesures de prévention par la population générale", précise Santé publique France dans un point sur les variants émergents du Covid-19 publié le 8 avril.

· Le variant indien est-il déjà présent en Europe?

L’agence de santé française indique que le variant indien a déjà été détecté "sporadiquement" en Angleterre, en Allemagne, au Canada et à Singapour. "Deux cas ont été détectés en Guadeloupe". A ce titre, le Royaume-Uni a interdit lundi l’entrée des voyageurs depuis l’Inde, à l’exception de ses résidents.

Sur BFMTV, l'infectiologue Imad Kansau appelle à "se préparer" à l'entrée du variant indien sur le territoire.

Mais, l’infectiologue Benjamin Davido, interrogé par 20 Minutes, tempère et affirme que que rien n’indique que cette mutation déferle sur l’Europe.

"Tous les virus ne franchissent pas les frontières. Nous avons le variant britannique qui est très implanté et nous protège dans une certaine mesure des autres variants, avec lesquels il est comme en compétition".

A titre d’exemple, le variant brésilien n’a pour l’instant pas provoqué de raz de marée en Europe.

Dans les colonnes de l’Obs, ce même médecin souligne cependant que "à l’exception des variants anglais, brésilien, sud-africain et du 'Henri-Mondor', tous les autres variants détectés sont classés dans la catégorie 'others'. Cette catégorie représente environ 10% des mutations du virus. Il n’est donc pas exclu qu’on trouve des cas de double variant indien a posteriori."

· La France a-t-elle mis en place des mesures pour empêcher l’entrée du variant sur le territoire?

Pour l’heure, les liaisons aériennes entre l'Inde et la France sont soumises aux mêmes réglementations que la plupart des autres pays hors Union européenne.

Après un déplacement à New Delhi, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a reconnu dans l'émission Dimanche en politique sur France 3 que l’Inde connaissait "une situation pandémique extrêmement grave [...] avec des variants très dangereux". Lundi, une discussion devait se tenir entre les différents pays européens pour mettre en place "une cartographie de la dangerosité des variants".

Ambre Lepoivre Journaliste BFMTV