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TOUT COMPRENDRE - Pourquoi le vaccin de Moderna est déconseillé pour les moins de 30 ans

Ce vaccin a été pointé du doigt à plusieurs reprises pour les risques accrus de développement de myocardites ou de péricardites qu'il entraîne dans de rares cas, notamment chez des patients jeunes.

Lundi, la Haute Autorité de Santé a publié une recommandation dans laquelle elle conseille de n'utiliser le vaccin Moderna (aussi appelé Spikevax), que sur la population des plus de 30 ans, qu'il s'agisse d'une primo-vaccination ou d'un rappel. C'est le Pfizer qui doit être utilisé en-dessous de cette tranche d'âge. Cet avis arrive à la suite d'une étude soulignant que les risques de développer une myocardite ou une péricardite étaient un peu plus élevés chez les moins de 30 ans après le vaccin Moderna.

La HAS "recommande, pour la population âgée de moins de 30 ans et dès lors qu'il est disponible, le recours au vaccin Pfizer, qu'il s'agisse de primo vaccination ou du rappel", peut-on lire dans le rapport. Et le vaccin Moderna, "dont l'efficacité vaccinale semble légèrement meilleure", peut être "utilisé en primovaccination et pour l'administration d'une dose de rappel en demi-dose chez les sujets âgés de plus de 30 ans".

• Pourquoi cette décision?

Ces dernières semaines, plusieurs pays scandinaves ont soit suspendu soit fortement déconseillé le vaccin Moderna aux plus jeunes, en raison d'un "possible risque accru de myocardites et péricardites lié à l’usage du vaccin Spikevax", expliquait la HAS mi-octobre. L'organisme a d'ailleurs, de son côté, suspendu l'usage de ce vaccin pour les rappels contre le Covid-19, dans l'attente d'un avis de l'Agence Européenne des Médicaments (EMA), sur le sujet. Cette dernière avait, fin octobre, donné un avis favorable pour l'utilisation du vaccin Moderna en rappel.

Cette fois, la recommandation de la HAS se base notamment sur une étude publiée lundi, menée par la structure Epi-Phare, qui associe l'Assurance maladie (Cnam) et l'Agence du médicament (ANSM). Comme cela avait été démontré par des rapports de pharmacovigilance, les résultats de l'étude française confirment que les vaccins Pfizer, mais surtout le Moderna, augmentent le risque de survenue de péricardites et de myocardites dans les sept jours suivant la vaccination. Et ce plus souvent chez des hommes de moins de 30 ans.

La HAS cite également "les données de pharmacovigilance américaines issues du Vaccine Safety Datalink (VSD)" qui "montrent chez les sujets âgés de 18 à 39 ans, aussi bien pour Spikevax que pour Comirnaty (Pfizer), un risque accru de myocardites/péricardites dans les 7 jours après la 2ème dose", avec là aussi un risque plus élevé avec le Moderna.

• Combien de vaccinés concernés?

"L’association avec le risque de myocardite apparaît particulièrement marquée chez les jeunes hommes de moins de 30 ans, en particulier au décours de la deuxième dose du vaccin Moderna", écrivent les auteurs de l'étude. Ainsi, "l’excès de cas [de myocardite] attribuables au vaccin pour un million de doses dans cette population est estimé à 2,9 pour la première dose du vaccin Pfizer, 26,7 pour la deuxième et 131,6 pour la deuxième dose du vaccin Moderna".

Chez les femmes âgées de 12 à 29 ans, l’excès de cas pour un million de doses est lui "estimé à 4,3 pour la deuxième dose du vaccin Pfizer-BioNTech et 37,3 pour la deuxième dose du vaccin Moderna".

Plus de 5 millions de personnes en France ont été vaccinées avec le vaccin Moderna depuis le début de la campagne vaccinale.

"Une grosse centaine de cas pour un million de personnes vaccinées, cela reste quelque chose d'extrêmement rare", déclare sur BFMTV Olivier Bouchaud, chef du service des maladies infectieuses à l'hôpital Avicenne (Seine-Saint-Denis). Mais étant donné qu'on a actuellement "le choix avec un autre vaccin, en l'occurrence le Pfizer, qui a une efficacité qui reste très satisfaisante et avec lequel ce type d'effets indésirables est plus faible, il est logique de le préférer".

• Quels sont les risques?

"Le nombre de cas attribuables aux vaccins apparaît peu fréquent au regard du nombre de doses administrées", note également dans ses conclusions l'étude Epi-Phare. De plus, "l’évolution clinique des cas de myocardite et de péricardite apparaît généralement favorable, avec une durée d’hospitalisation de l’ordre de 2 à 4 jours en moyenne. Sur la période étudiée, aucun décès n’a été rapporté parmi les personnes hospitalisées pour une myocardite ou une péricardite suite à la vaccination".

La myocardite et la péricardite sont des inflammations du coeur. La première touche le myocarde, principal muscle cardiaque, et la seconde le péricarde, la membrane qui enveloppe le coeur. Leurs symptômes sont: "essoufflement (dyspnée), des douleurs dans la poitrine, des palpitations (battements cardiaques forts) ou un rythme cardiaque irrégulier", écrit l'ANSM, recommandant aux personnes les ressentant après vaccination de consulter un médecin.

"Cette inflammation est transitoire et elle s’estompe en quelques jours", avait assuré sur LCI Alain Fischer, le monsieur vaccin du gouvernement. Les myocardites ou péricardites "sont causées, la plupart du temps, par une infection virale comme la Covid-19 et surviennent plutôt chez des hommes jeunes. Dans la majorité des cas, l’état de santé des patients s’améliore de lui-même ou à l’aide d’un traitement", explique également l'ANSM.

• La balance bénéfice-risque est-elle toujours positive?

"Quand on met en balance l'efficacité des vaccins contre les formes graves du Covid-19 (évaluée à environ 90%) et les risques existants mais peu fréquents de myocardite et péricardite, à l'évolution favorable, le rapport bénéfice-risque des vaccins n'est pas remis en cause", a assuré lundi à l'AFP Mahmoud Zureik, directeur de la structure Epi-Phare.

Alain Fischer avait d'autre part souligné que la maladie due au Covid-19 peut également "donner une inflammation du myocarde ou du péricarde beaucoup plus sévère que celle induite par la vaccination, et avec une fréquence beaucoup plus grande, donc l'analyse bénéfice-risque reste, même si on ne la considère que pour le problème cardiaque, tout à fait positive".

Il n'avait toutefois pas balayé le problème, rappelant qu'il était important de rester "vigilant" sur ces questions. Les informations d'Epi-Phare vont d'ailleurs être diffusées à l'étranger, "une évaluation de ce signal est en cours au niveau européen", écrit ainsi l'ANSM.

Pour rappel, l'avis de la HAS n'est qu'une recommandation pour le gouvernement, ce qui signifie qu'il n'est pas obligé d'agir en fonction. Il est ainsi toujours écrit sur le site du ministère de la Santé que les "personnes de 12 à 54 ans inclus bénéficient des vaccins à ARNm (Pfizer-BioNTech et Moderna)".

Salomé Vincendon
Salomé Vincendon Journaliste BFMTV