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Santé: "C'est coûteux la prévention"

Pour l’économiste Claude Le Pen il y a un grand retard à rattraper en matière de santé.

Pour l’économiste Claude Le Pen il y a un grand retard à rattraper en matière de santé. - -

Marisol Touraine, la ministre de la Santé, a dévoilé lundi ses objectifs, sans faire l'unanimité. Pour l’économiste Claude Le Pen il y a un grand retard à rattraper.

"La France a bâti son modèle sanitaire en donnant la priorité au curatif, et les succès sont là. Mais cela s’est fait en négligeant la prévention", a déclaré Marisol Touraine ce lundi. La ministre des Affaires sociales et de la Santé présente la prévention comme l’un des trois "piliers" de sa stratégie nationale de santé. Des propos que l’on aurait pu attribuer à l’ancien ministre de la Santé, Bernard Kouchner, qui déclarait déjà en 1997 que "nous avons trop longtemps, trop exclusivement privilégié une politique des soins au détriment d'une politique de santé".

BFMTV.com a recueilli les réactions de Claude Le Pen, président du Collège des économistes de la Santé.

Un ministre de la Santé qui souhaite développer la prévention explore-t-il une piste nouvelle?

Vouloir renforcer la prévention est assez banal pour un ministre de la Santé, pas un seul n’a pas abordé ce thème. Le défaut du système français est qu’il est extrêmement curatif [uniquement orienté pour soigner, NDLR]. On a très longtemps négligé la prévention et nous sommes en retard par rapport à nos voisins scandinaves, par exemple. Le médecin était là pour soigner les malades et pas pour donner des conseils. Mais les résistances pour développer la prévention sont très fortes.

Quels sont les obstacles à ce changement de mentalité?

Il y a un côté magique, quand on parle de prévention, qui donne l’impression qu’en empêchant des maladies de se déclarer, on évite des dépenses. Mais contrairement à cette idée reçue, c’est coûteux la prévention. Et malheureusement il n’existe pas de modèle économique de la prévention.

Par ailleurs cela nécessite des changements de comportements individuels. On hésite entre prévention et interdiction. Les Français n'aiment pas voir leur liberté entravée. Les fumeurs résistent, il existe un lobby contre la vaccination, et même sur le SIDA, des groupes revendiquent leurs libertés.

Enfin, plutôt que de parler de prévention dans le vague, on devrait plutôt parler de programmes de prévention ciblés, en s’adressant aux fumeurs ou aux femmes pour qu’elles se fassent dépister par exemple. On ne serait plus dans l’incantation.

Que représente aujourd’hui la prévention dans les dépenses de santé?

En 2008, dans son discours de Bletterans dans le Jura, Nicolas Sarkozy avait défini un objectif: que 10% des dépenses de santé soient consacrées à la prévention. On est plutôt à 7% aujourd’hui.

Mais on attend peut-être un peu trop de la prévention. Elle ne peut pas empêcher les gens d'être malades. Et on constate qu'elle génère également des inégalités. Ce sont les personnes plutôt éduquées et aisées, qui ont un bon dialogue avec leurs professionnels de santé, qui bénéficient le plus de mesures de prévention.

Karine Lambin