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Pénurie d'antibiotiques: ces pharmacies qui se lancent dans la fabrication d'amoxicilline

Des boîtes d'Amoxicilline dans une pharmacie toulousaine le 18 novembre 2022

Des boîtes d'Amoxicilline dans une pharmacie toulousaine le 18 novembre 2022 - Charly TRIBALLEAU © 2019 AFP

Pour endiguer la pénurie d'amoxicilline en France, les autorités sanitaires ont autorisé les pharmacies agréées à produire des gélules de cet antibiotique.

Les difficultés d'approvisionnement en amoxicilline persistant, l'Agence nationale de sécurité du médicament (Ansm), a autorisé fin décembre les pharmaciens à délivrer leurs propres préparations quand certains médicaments manquent, ce "à titre exceptionnel et temporaire".

Dans la recommandation de l'Ansm, l'Amoxicilline en 125 mg et en 250 mg est par exemple concernée, un antibiotique "majoritairement prescrit en ambulatoire chez les enfants", explique l'Agence. Ce médicament est utilisé dans le traitement des abcès, des pneumonies ou encore des otites.

Pour rappel, la pénurie d'amoxicilline, notamment pédiatrique, ne vient pas d'un manque de matière première, "on a surtout un problème aujourd'hui de fabrication du médicament fini", avait expliqué sur BFMTV Fabien Bruno, pharmacien d'officine à Paris.

En ayant accès directement à la matière première, les pharmaciens français peuvent donc préparer leurs propres gélules.

Une quarantaine de pharmacies autorisées à en préparer

Les pharmaciens préparateurs sont "spécialisés dans la fabrication de médicaments sur mesure", explique à BFMTV.com Sébastien Gallice, président de la PREF (Pharmaciens des Préparatoires de France). Il donne l'exemple des enfants qui "n'ont pas toujours de dosage de médicament adapté pour eux".

Son travail consiste alors à remesurer le traitement à une plus petite échelle pour son jeune patient, on parle de "préparation magistrale".

Ces pharmacies "livrent leurs confrères" habituellement pour certains besoins, explique Philippe Besset, président de la Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France (FSPF), "c'est une méthode courante. Par contre le fait qu'elles fabriquent de l'amoxicilline, c'est nouveau, et toutes ne peuvent pas le faire."

Parmi les pharmacies qui aujourd'hui en France font ces préparations magistrales, seulement une quarantaine est agréée pour s'attaquer à l'amoxicilline.

Une substance "particulière à manipuler"

Cette substance est en effet "particulière à manipuler, il ne faut pas la respirer, la travailler sous une hotte spécifique et éviter qu'elle se diffuse sur d'autres préparations", car elle présente des risques, et pourrait entraîner une antiobiorésistance, détaille Sébastien Gallice, qui a équipé sa pharmacie de Marseille (Bouches-du-Rhône).

"Il faut respecter les procédés de fabrication et de qualité", explique à France 3 Françoise El Kouri, pharmacienne à Orvault (Loire-Atlantique). "L'amoxicilline est fabriquée sous hotte donc il faut des locaux adaptés et un personnel qui soit bien protégé, mais on sait le faire, et on le fait aussi pour beaucoup d'autres molécules".

La préparation magistrale fabriquée est une gélule à ouvrir dont le contenu peut être mélangé avec de la nourriture. Une notice doit de toute façon être fournie aux patients avec le produit, pour expliquer comment l'ingérer.

"Beaucoup d'heures supplémentaires"

Sébastien Gallice déclare être "fier" de pouvoir aider à endiguer un problème de santé publique, même si ce travail représente un surplus pour lui et ses équipes car "il y a beaucoup d'heures supplémentaires, c'est un travail important qui demande une réorganisation de tous les jours".

"On fait 2 à 3 heures supplémentaires, pas vraiment pour l'argent mais plutôt pour le bien commun", explique également une pharmacienne parisienne au journal Les Échos.

Des milliers de gélules sont ainsi produites chaque jour. "On estime que 30% des traitements peuvent être palliés" avec cette fabrication artisanale, explique Sébastien Gallice, "potentiellement 50%". Les produits fabriqués sont tracés, et "il y a des tests réguliers", assure-t-il.

Renaud Nadjahi, président de l’URPS Pharmaciens d’Île-de-France, rappelle que les pharmaciens ont démontré leur capacité à faire des préparations en pleine pandémie de Covid-19, en fabriquant par exemple du gel hydroalcoolique. "Ils sont très réactifs" abonde Philippe Besset.

"On ne va pas remplacer les industries"

"C'est très intéressant d'avoir à disposition cette force sur notre territoire qui permet de palier l'urgence", ajoute le pharmacien.

L'objectif n'est pas de produire sur le long terme ces médicaments. "On ne va pas remplacer les industries", déclare Sébastien Gallice. Il explique ainsi que le prix de ce médicament artisanal est plus élevé que ceux produits en gros, et qu'il en est produit davantage et plus rapidement au niveau industriel. Dans son officine, "c'est fait à la main", rappelle-t-il.

"Tant que l'industrie fonctionne, il n'y a pas de raison", abonde Renaud Nadjahi.

La crainte des pharmaciens est que ces pénuries se multiplient dans les mois à venir. Le paracétamol est encore actuellement sous tension, notamment dans sa forme pédiatrique, mais toutes les classes de médicaments sont concernées par les ruptures de stock ou tensions d'approvisionnement.

Salomé Vincendon
Salomé Vincendon Journaliste BFMTV