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"On pourrait éviter tous ces cancers": le vaccin contre les papillomavirus encore trop méconnu

Une adolescente reçoit une dose d'un vaccin contre les papillomavirus (HPV), le 15 février 2022 à Tokyo (Japon)

Une adolescente reçoit une dose d'un vaccin contre les papillomavirus (HPV), le 15 février 2022 à Tokyo (Japon) - Kazuhiro NOGI / AFP

Les infections à papillomavirus humains (HPV) sont responsables de plusieurs cancers. Il existe pourtant un vaccin, à destination des adolescents - garçons et filles -, mais que les Français n'ont pas encore largement adopté.

Face à certains cas, Jean-Luc Prétet est "dépité". Ce professeur, directeur de l'unité de recherche carcinogenèse associée aux papillomavirus humains (HPV) de l'université Bourgogne-Franche-Comté, dit recevoir "malheureusement parfois des appels de patients avec des lésions de haut grade ou des cancers qu'il faut opérer". "Certaines jeunes femmes auraient pourtant pu être vaccinées contre les HPV quand elles étaient plus jeunes", commente-t-il auprès de BFMTV.com.

"C'est terrible de se dire qu'on a un outil de prévention efficace mais qu'il n'est pas largement utilisé. Terrible de se dire qu'on pourrait éviter tous ces cancers."

Car les HPV - qui se transmettent par contact des muqueuses ou de la peau, presque exclusivement lors d'un rapport sexuel avec ou sans pénétration - peuvent être particulièrement dangereux. C'est l'infection sexuellement transmissible la plus fréquente dans le monde: huit hommes et femmes sur dix y seront exposés durant leur vie.

Chaque année, quelque 6300 cas de cancers liés aux HPV sont diagnostiqués en France, chez les hommes comme chez les femmes. Des cancers qui causent 2900 morts, rappelle La Ligue contre le cancer.

Une vaccination insuffisante

Et pourtant, il existe un vaccin, à destination notamment des adolescents. Mais plus d'un quart des parents ne sont pas favorables à la vaccination de leurs enfants contre les papillomavirus humains (HPV), révèle une enquête Opinionway pour La Ligue contre le cancer, à l'occasion de la Semaine européenne de la vaccination, qui s'achève ce dimanche.

Aujourd'hui, la couverture vaccinale reste largement insuffisante, elle est même en baisse. En 2020, seules 41% des adolescentes avaient reçu une dose à 15 ans et un tiers un schéma vaccinal complet à 16 ans (la vaccination est recommandée aux filles depuis 2007). Très loin de l'objectif des 60% fixé par le Plan cancer.

Quant aux garçons, bien que le vaccin s'adresse aussi à eux - il est recommandé depuis 2019 et remboursé depuis 2021 -, la proportion de vaccinés est à peu près insignifiante.

Pour Jean-Luc Prétet, également directeur du Centre national de référence papillomavirus, la population n'est pas suffisamment informée sur les HPV. Il appelle à un engagement politique plus fort, "peut-être faudra-t-il que cela passe par une obligation vaccinale". Ce que confirme l'étude d'Opinionway: les HPV sont encore méconnus de plus de la moitié des parents et un tiers d'entre eux ne sont pas convaincus de l'intérêt de cette vaccination.

"Quand on le détecte, c'est trop tard"

Pourtant, elle permet de prévenir les infections par les papillomavirus les plus fréquents, responsables, chez la femme, de 70 à 90% des cancers du col de l'utérus, indique l'Assurance maladie. Les infections à HPV peuvent également atteindre la sphère ORL, l'anus, la vulve, le vagin et le pénis et y développer des cancers.

Laurence Rouloff, 41 ans, présidente de l'Association Akuma, basée en Haute-Garonne, a développé un HPV au niveau de la sphère ORL - transmis par sa mère à sa naissance - puis au col de l'utérus.

"Toute ma vie a tourné autour de ça", confie-t-elle à BFMTV.com. "J'en ai bavé. J'ai été opérée au moins une fois par an depuis que j'ai 5 ans, parfois jusqu'à quatre fois dans la même année. Et à 14 ans, il ne me restait plus que 5% de ma trachée pour respirer. J'ai failli y passer."

Laurence Rouloff intervient régulièrement dans les collèges de sa région pour sensibiliser les jeunes au HPV et à la possibilité de se faire vacciner. "C'est un virus qui ne se voit pas, ne se ressent pas et ne se dépiste pas, hormis pour le col de l'utérus", insiste-t-elle. "On ne peut pas savoir si on a été infecté. Il peut rester en latence pendant plusieurs années et quand on le détecte, c'est trop tard."

"Il faut que les parents comprennent que vacciner leurs enfants, c'est une chance, c'est de leur avenir qu'il s'agit."

La vaccination de 11 à 19 ans

Comme le rappelle Vaccination info service, les infections par les HPV sont le plus souvent sans symptôme. Si dans la plupart des cas, le virus s'élimine naturellement en un à deux ans, dans 10% des cas, il peut entraîner la formation de lésions. "L'évolution est lente entre l'infection à HPV, l'apparition de lésions précancéreuses, et celle d'un cancer", pointe la Haute Autorité de santé. Elle peut prendre dix à vingt ans.

Si les parents français se montrent méfiants, le vaccin a pourtant fait ses preuves à l'étranger. En Suède, les lésions précancéreuses ont chuté de 75% chez les jeunes filles vaccinées. En Australie, où une large campagne de vaccination a été lancée, la proportion de personnes infectées par les HPV est passée de 23% à 1,5%.

Après des recommandations fluctuantes à ses débuts - notamment sur le fait que les jeunes ne devaient pas avoir débuté leur vie sexuelle - le vaccin s'adresse à toutes les filles et tous les garçons de 11 à 14 ans révolus. Il est cependant possible d'en bénéficier en rattrapage, de 15 à 19 ans révolus, avec trois doses au lieu de deux.

Pour les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes, la vaccination est par ailleurs recommandée jusqu'à 26 ans en prévention des lésions précancéreuses anales, des cancers anaux et des condylomes (également appelés verrues génitales).

Un point sur lequel insiste Jean-Luc Prétet, le directeur du Centre national de référence papillomavirus: "Il faut vacciner les garçons, que ce soit pour se protéger eux-mêmes mais aussi dans une démarche de santé publique."

"J'aurais bien aimé être vaccinée"

C'est pour cela qu'Audrey, une écrivaine de 39 ans, a déjà prévenu son fils qu'il serait vacciné. "Il n'a que 8 ans et demi mais je suis au taquet", témoigne-t-elle pour BFMTV.com. Cette jeune femme sait combien la vaccination peut sauver des vies: elle conserve encore des séquelles de la coqueluche, contractée plus jeune, maladie contre laquelle elle n'avait pas été vaccinée.

"Plusieurs de mes amies ont développé des cancers liés à une infection par HPV. Moi même j'aurais bien aimé être vaccinée, j'ai cherché à le faire mais c'était trop tard. Je ne veux pas que mon fils attrape ce virus ou le transmette à sa compagne ou son compagnon futur. Et je ne compte pas rater la date."

Plusieurs vaccins existent mais la Haute autorité de santé recommande le Gardasil 9 pour une première injection. "Il protège contre 90% des cancers liés aux HPV", détaille Jean-Luc Prétet. "Il est plus protecteur que les autres. Il protège contre sept HPV à haut risque cancérogène, sur une douzaine de HPV à haut risque, et contre deux HPV
responsables de condylomes."

https://twitter.com/chussonnois Céline Hussonnois-Alaya Journaliste BFMTV