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"Les gens ont pris peur": en pleine épidémie de grippe, des pharmacies manquent de vaccins

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Le nombre de doses disponibles contre la grippe ne correspond pas à la demande des Français. Après un début poussif de la campagne, la demande progresse alors que l'épidémie s'intensifie. Résultat: des doses viennent à manquer.

"Je suis en rupture de stock", "là on n'en a plus", "on ne va pas finir la semaine"... Dans de nombreuses pharmacies à travers la France, le diagnostic est le même: les vaccins contre la grippe commencent à manquer. Et le timing n'est pas bon.

Dans son bulletin hebdomadaire, Santé Publique France (SPF) souligne que l'épidémie a atteint la semaine dernière un "niveau d'intensité exceptionnellement élevé par comparaison aux saisons antérieures" à l'hôpital. Tout l'Hexagone est entré en phase d'épidémie. Une situation encore amenée à se corser, la dernière tendance ressemblant à une hausse plus qu'à une fin de vague.

Un problème de commande

Ces cas graves viennent mettre une pression supplémentaire sur des services de santé en petite forme, avec 87 plans blancs activés dans les hôpitaux à travers tout le territoire. C'est dans ce contexte fébrile que semble se dessiner une pénurie, après un début de campagne vaccinal pourtant particulièrement poussif.

Le 28 novembre dernier, le gouvernement avait même dû lancer un "appel à la mobilisation des citoyens et des professionnels de santé" pour générer un élan. Alors que les cas se multiplient, certains Français se motivent et des difficultés apparaissent.

"Quand l'épidémie s'est déclarée les gens ont pris peur et sont allés se faire vacciner", raconte à BFMTV Philippe Besset, pharmacien d'officine et président de la Fédération des pharmaciens d'officine.

Difficile pourtant pour les retardataires d'obtenir leur dose en cette fin de campagne, alors même que les appels à la vaccination se poursuivent - en priorité à destination des personnes vulnérables. Des tensions généralisées ou des ruptures ponctuelles qui s'expliquent assez simplement. Il faut pour ça connaître le cycle des commandes et les failles systémiques qu'il génère.

Chaque année, aux environs du mois de février, les pharmacies commandent directement auprès des laboratoires leurs doses. Mais, plutôt que de commander à vue de nez, les officines se fient au nombre de doses demandées sur l'année écoulée. Problème: une année marquée par peu de vaccination, suivie d'une campagne avec une forte demande, créé des manques. Ou à l'inverse, du gaspillage.

"Les vaccins contre la grippe, des années on en jette, des années on n'en a pas assez", regrette Philippe Besset.

Ce problème aurait toutefois pu être anticipé. En avril 2024, alors que la période de commande devait s'achever, la Direction générale de la santé (DGS) avait émis un avertissement aux professionnels. La volumétrie des commandes était jugée "insuffisante, inférieure de 10% à l'objectif visé".

"Je ne peux plus répondre aux besoins de mes patients"

Le montant commandé est donc crucial, dautant plus qu'il est impossible de se réaprovisionner en cours de saison. Ce qui provoque des manques impossible à combler en cas de déséquilibre.

"Nous sommes arrivés à court le 9 janvier. On ne peut plus commander de vaccins, ni se faire dépanner par le grossiste", déplore le pharmacien Frédéric Affriat.

"Je ne peux plus en commander aux grossistes car ils sont en rupture et donc je ne peux plus répondre aux besoins de mes patients", confirme Laurine Lecaillet, également parmacienne à Marseille.

Les grossistes répartiteurs, qui font office d'intermédiaire entre les laboratoires et les pharmacies, ne jouent toutefois qu'un rôle marginal dans le circuit des vaccins grippaux. Les officines traitent directement avec les fournisseurs pour ce rendez-vous annuel récurrent. À peine 10% du total des vaccins transite par cet intermédiaire.

"Pour les grossistes-répartiteurs comme pour les pharmacies, généralement, une seule livraison des vaccins est prévue avant le début de la campagne à la mi-octobre; les laboratoires ne prévoient pas de réassort", se défend Emmanuel Déchin, délégué général de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP), qui représente les grossistes-répartiteurs. Impossible, donc, de chercher à reconsolider un stock en cours de saison.

Encore 600.000 doses?

La Fédération des pharmaciens d'officine estime que 10,3 millions de doses de vaccin ont déjà été administrées au cour de la campagne 2024-2025. Et il en resterait 600.000 réparties au sein des différentes établissements, selon les données d'un organisme partenaire.

"Il y a donc encore la possibilité de se faire vacciner, si jamais votre pharmacien ne peut pas vous trouver de dose, il orientera vers un confrère", assure donc le président de l'organisme.

La situation est donc assez hétérogène. Si des tensions sont observées dans les Alpes-Maritimes, dans d'autres régions, certaines officines pourraient paradoxalement se retrouver à jeter des doses de trop, comme en Côte-d'Or.

VACCIN : LE PARADOXE FRANCAIS
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Pour éviter une situation similaire en octobre prochain, en cette période de préparation des commandes pour la saison 2025-2026, les recommandations et mises en garde se multiplient. "J'ai demandé à mes confrères pharmaciens de commander +10% de vaccins pour l'an prochain", annonce Philippe Besset à BFMTV.

Un appel également partagé par les autorités sanitaires. En début de cette semaine un message similaire a été adressé aux professionnels par la Direction générale de la santé avant les commandes.

"Comme chaque année, cette démarche vise à anticiper toute tension d'approvisionnement et à garantir un déroulement optimal de la prochaine campagne (...) Par conséquent, nous invitons toutes les structures (...) à précommander les doses de vaccins en quantité suffisante pour couvrir les besoins", demande la DGS.

Caroline Dieudonné et Tom Kerkour