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"Le cobaye, c'est l'homme": qu'est-ce que la métatine, dérivé de la nicotine présent dans les cigarettes électroniques?

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Le Comité national contre le tabagisme (CNCT) accuse les fabricants de plébisciter la métatine, comme une alternative plus saine à la nicotine, malgré son potentiel addictif extrêmement élevé.

À quelques jours de la journée sans tabac, qui se tiendra le 31 mai, le Comité national contre le tabagisme (CNCT) alerte sur l'utilisation de la métatine dans les cigarettes électroniques. Plébiscitée comme étant sans nicotine et surtout "plus saine" pour les vapoteurs, cette molécule inonde les réseaux sociaux et fait même déjà le succès de certaines marques, comme Aroma King.

Face à "l'émergence et la promotion préoccupantes", la CNCT a annoncé lundi porter plainte contre le fabricant pour publicité illicite et appelle à durcir la réglementation sur ce type de produits susceptible "d'induire les consommateurs en erreur". Mais alors, qu'est-ce que la métatine?

Trois fois plus addictif que la nicotine

La 6-méthyl-nicotine, ou "métatine", est une molécule de synthèse, analogue à la nicotine, récemment utilisé dans des produits du vapotage et des sachets oraux. Créée à partir d’une modification chimique de la nicotine, sa structure est suffisamment différente pour ne pas être classée à proprement parler comme de la nicotine.

Si une cigarette électronique à la métatine ne contient effectivement pas de nicotine, elle ne représente cependant pas une alternative plus saine, aucune vérification médicale n'ayant été faite jusqu'à présent.

"Il (le produit, NDLR) agit de la même manière que la nicotine sur les récepteurs de dopamine du cerveau, aussi bien la stimulation que la dépendance", explique Amélie Eschenbrenner, porte-parole du CNCT, à BFMTV.

Le potentiel addictif de la métatine serait même jusqu'à trois fois supérieur à celui de la nicotine, selon des études précliniques, rapporte l'association contre le tabagisme.

Une molécule, peu connue

La métatine est identifiée dans certains produits de vapotage vendus en France et ailleurs en Europe depuis 2024. Contrairement au tabac et à la nicotine, on possède pour l'heure peu d'études sur les effets de cette nouvelle substance compte tenu de son apparition récente.

"Il y a un risque d'une dépendance qui viendrait plus facilement, mais on n'en a pas la certitude, il y a des études à faire, sachant que la nicotine est déjà l'une des substances les plus addictogènes qu'on connaisse: elle l'est davantage que l'héroïne", expose à l'AFP Anne Batisse, cheffe du centre d'addictovigilance de Paris.

"Le problème de ces nouveaux produits de synthèse, c'est qu'ils n'ont jamais été étudiés, ou très peu, chez l'animal, donc en gros, le cobaye, c'est l'homme", ajoute-t-elle.

Si la cigarette électronique peut être considérée comme une aide au sevrage tabagique, la nicotine reste "la solution pour se débarrasser du tabac", développe le docteur Marion Adler, médecin tabacologue sur le plateau de BFMTV. Bien que la nicotine est addictive, elle est non toxique, contrairement au tabac, dont "la fumée contient 4.000 substances toxiques", détaille Marion Adler. Parmi celles-ci, l'on retrouve le monoxyde de carbone, cyanure d’hydrogène ou encore du goudron.

Des arguments marketing convaincants

Pour la CNCT, le choix de la métanine dans les cigarettes électroniques n'est pas non plus anodin. Il permet aux industriels d’échapper à certaines réglementations déjà en vigueur sur les produits nicotiniques classiques.

Arôme pomme verte, glace à la myrtille, thé pêche ou encore bubble-gum... La stratégie marketing des produits à base de métatine vise particulièrement les jeunes consommateurs.

Certains sites vendant des produits Aroma King mettent en avant, par exemple, le "goût agréable" de leurs puffs (cigarettes électroniques jetables) qui procurent "une expérience gustative intense". Elles sont aussi présentées comme étant un dispositif destiné aux vapoteurs souhaitant arrêter la nicotine, "substance qui rend dépendant".

"Le marketing de ces produits est vraiment destiné aux jeunes, par les arômes, par l'utilisation d'influenceurs. Il y a un risque de dépendance qui est encore plus importants chez les jeunes", analyse Amélie Eschenbrenner, du CNCT, à BFMTV.

En France, l’article L3513-4 interdit toute publicité qui incite à la consommation de cigarettes électroniques donnant une impression erronée quant à leurs "effets sur la santé" ou qui "suggèrent que le produit est moins nocif que d'autres". La loi interdit également les fabricants d'user de publicités suscitant la curiosité des enfants. Enfin depuis le 26 février 2025, il est interdit de vendre ou d’offrir gratuitement des cigarettes électroniques jetables, communément appelées "puffs".

Orlane Edouard