La France pourra-t-elle produire 700.000 tests par semaine après le 11 mai?

Dernière ligne droite avant "l'après". La France entame ce lundi sa dernière semaine de confinement complet, les yeux rivés sur la date du lundi 11 mai, choisie par Emmanuel Macron pour marquer le début du desserrement.
Parmi les mesures d'accompagnement de cette première étape de déconfinement, une campagne massive de tests, avec un objectif ambitieux de 700.000 unités par semaine.
"Tout doit être fait pour rendre la réalisation du test facile et rapide", avait en tout cas affirmé le Premier ministre Edouard Philippe au perchoir mardi dernier.
Mais pour certains spécialistes, le cap fixé semble inatteignable et loin des réalités du terrain.
250.000 tests faits par semaine
Actuellement, environ "250.000 tests sont faits par semaine par les secteurs public et privé", précise à l’AFP François Blanchecotte, le président du Syndicat des biologistes. Pour casser les chaînes de transmission du coronavirus et réussir le déconfinement, le gouvernement veut donc systématiser le recours aux tests après le 11 mai, comme le recommande l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
“On a toujours conseillé de tester les gens qui sont suspectés d'avoir la maladie, pour pouvoir isoler les patients et pouvoir faire la liste des contacts”, rappelle à BFMTV Sylvie Briand, directrice du département préparation mondiale aux risques infectieux à l’OMS.
"Il confond nos capacités maximum et la réalité"
Pour atteindre les 700.000 tests hebdomadaires, l’Etat a promis de les financer à 100%. Les capacités des hôpitaux ont été renforcées, avec 20 plateformes haut débit capables de réaliser sur le papier 2000 tests par jour. Sur le papier seulement, s’inquiète à notre antenne Philippe Frogel, médecin et directeur de recherche au CNRS:
“Je crois avoir compris pourquoi Olivier Véran se trompe. Il confond nos capacités maximum et la réalité. La réalité c’est que personne de sérieux dans notre milieu, dans le public ou le privé, ne croit que dans environ une semaine on sera capable de faire 700.000 tests.”
Les biologistes invoquent plusieurs raisons pour expliquer les difficultés rencontrées. "On a perdu du temps au début", considère François Blanchecotte, notant que l'examen n'a obtenu le remboursement de l'assurance maladie que début mars. Il évoque également des lourdeurs réglementaires:
"Sur les 900 plateformes techniques d'analyse en France, 130 plateformes sont habilitées à réaliser ce test."
Un "grand défi technologique"
Selon le consultant santé pour BFMTV, le cardiologue Alain Ducardonnet, il y a également des problématiques matérielles:
“Conceptuellement 700.000 tests c’est possible, compte-tenu du matériel, c’est-à-dire des analyseurs. Mais en tenant compte des problématiques liées au petit matériel, aux réactifs, aux écouvillons, au personnel, à l’organisation et à la logistique, c’est moins que probable.”
Un objectif difficilement atteignable dès le 11 mai, qui s'apparenterait plus à un cap à suivre :
“Il y aura une montée en puissance progressive par rapport au déconfinement, certaines régions en auront plus besoin que d’autres. On a donc quinze jours à trois semaines pour mettre tout ça en place”, précise Alain Ducardonnet.
Restent encore, avant de passer le cap des 700.000 tests, d'autres difficultés, dont la nécessité de disposer de suffisamment de personnel pour effectuer les prélèvements. Sans oublier un "grand défi technologique", relève le président du Syndicat des biologistes, avec la transmission des résultats des tests sur un "concentrateur de données", afin de permettre un meilleur suivi des patients et de leurs proches.
"D'habitude, quand on change quelque chose dans l'informatique d'un laboratoire, cela prend des mois. Là, on a deux semaines."