Dépénalisation de l'usage du cannabis : « Ça va juste déplacer le problème »

Invité sur RMC et BFMTV jeudi matin Manuel Valls s’est prononcé pour l'instauration d'une contravention immédiate pour les consommateurs de cannabis. Le ministre de l’Intérieur entend abandonner le délit au profit d’une simple contravention. « Ça va déplacer le problème », disent policiers et magistrats.

Bientôt plus de tribunal mais de simples contraventions pour les consommateurs de cannabis ? C'est la proposition de Manuel Valls, jeudi, sur RMC. Face à Jean-Jacques Bourdin, le ministre de l'Intérieur a annoncé que les consommateurs de cannabis pris sur le fait devront très prochainement payer une amende immédiatement sur place au moment de leur interpellation. L'objectif : dissauder les acheteurs et désengorger la machine judiciaire. Cette idée avait déjà été émise par le ministre de l'Education Vincent Peillon ; ce qui lui avait valu un recadrage de la part de Jean-Marc Ayrault. Malgré ces annonces gouvernementales, les Français ne semblent pas adhérer à ce projet. En octobre 2012, 2/3 d'entre eux se prononçaient contre la dépénalisation.

« Dissuader les acheteurs »

Cette contravention devra être payée sur place. Les policiers pourront même au besoin, accompagner le consommateur au distributeur de billets le plus proche. Dans les autres cas, la procédure judiciaire classique s'enclenchera. « Le trafic de drogue gangrène nos quartiers, je suis vraiment mobilisé car la violence frappe toujours les plus faibles. Il faut s'attaquer aux trafiquants mais il faut aussi dissuader les acheteurs », a expliqué le ministre. « A Marseille, on fait ça dans 40 cités », a ajouté le ministre de l'Intérieur qui qualifie le trafic de drogue de « véritable fléau ». Une autre expérimentation a lieu depuis plus de six mois dans les quartiers de Seine-Saint-Denis. Environ 26 000 euros ont été recueillis depuis, soit 100 à 150 euros d'amende par acheteur contrevenant.

« Ça déplacera les trafics, ça ne les empêchera pas »

Pour Virginie Valton, vice-présidente de l'Union Syndicale des Magistrats, cette mesure ne serait en fait qu’une fausse bonne idée. « De prime abord, dit-elle, c’est séduisant, mais cela ne va pas permettre de remonter les trafics. C’est souvent dans le cadre des gardes à vue qu’on arrive à identifier les revendeurs et donc à remonter les réseaux. Si on met une amende sur le bord du trottoir ça ne permettra pas d’avoir ces auditions et d’avoir des renseignements. En plus, les trafiquants s’adaptent et donc si des consommateurs ont été verbalisés dans un quartier et ont fui ce quartier, les revendeurs iront s’installer dans le quartier d’à côté. Ça déplacera les trafics, ça ne les empêchera pas pour autant ».

« Il faudra une politique plus répressives à l’encontre des dealers »

Le discours est un peu différent chez les forces de l’ordre qui se réjouissent de cette annonce même si elles savent bien que ça ne va pas révolutionner le monde. « Ça aura un effet immédiat, explique Henri Martini, secrétaire général du syndicat Unité SGP Police. Il y aura un coût supplémentaire immédiat pour les consommateurs. Bien souvent aussi les services de police sont surchargés d’affaires de toutes petites quantités de drogue et là, forcément, ça permettra de faire payer "cash" ce genre de comportement. Maintenant, on risque de déplacer le problème. Les trafiquants et les clients vont trouver des endroits un plus discrets donc il va falloir une politique beaucoup plus répressive sur les trafics de drogue et les dealers car ce sont eux qui sont à la base des trafics et non pas les clients ».

45 500 condamnations en 2011|||

Plus de 150 000 personnes ont été mises en cause, en 2011, pour usage de stupéfiants, toutes drogues confondues, selon l'Office central des stupéfiants (OCRTIS). La justice a prononcé la même année plus de 45 500 condamnations pour ce motif, dont une grande majorité concerne le cannabis.

Tugdual de Dieulveult avec JB. Durand