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Bienfaits ou risques: quels sont les vrais effets du CBD sur la santé?

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Depuis plusieurs années, les produits au CBD se développent. Si cette substance naturelle issue du chanvre est régulièrement promue pour de supposées propriétés relaxantes, la science est plus mesurée sur le sujet. Et l'ANSM appelle à la vigilance en raison des interactions possibles avec certains médicaments.

Du CBD en goutte, en tisane, en gummies, en sucette ou en chewing-gum. Du fromage de chèvre, du chocolat, des biscuits ou encore du vin au CBD. Mais aussi des savons, de l'huile pour le corps, du lubrifiant, du démaquillant, des produits de vapotage et de pulvérisation... Les produits au CBD sont devenus incontournables au rayon "bien-être": un Français sur dix en a d'ailleurs déjà essayé, d'après une étude menée en 2022. Et 5% de la population en consomment au moins une fois par semaine.

"C'est devenu un produit comme les autres", estime Ludovic Rachou, président de l'Union des industriels pour la valorisation des extraits de chanvre (Uivec).

Le marché - estimé entre 400 et 800 millions d'euros par an - est "en croissance", abonde auprès de BFMTV.com Paul Maclean, président de l'Union des professionnels du CBD (UPCBD). Sept pharmacies sur dix en vendent, selon une étude Harris interactive pour l'Uivec publiée en 2023. Ludovic Rachou dénombre pour BFMTV.com 1.400 points de vente, en plus des tabacs qui restent le plus gros réseau de distribution.

Officiellement légal depuis un arrêté de décembre 2021, le CBD (ou cannabidiol) est l'une des substances naturellement présentes dans la plante de chanvre. Contrairement au THC, la principale molécule active du cannabis, classé comme stupéfiant et interdit, il n'est pas un psychotrope et n'entraîne pas de dépendance.

Un effet "apaisant", "relaxant"?

Mais le cannabidiol n'est pas pour autant sans effet. "La substance interagit avec des récepteurs du système nerveux central", explique l'Inserm. "C'est une molécule faiblement psychoactive mais elle a un effet sur le fonctionnement du cerveau", pointe pour BFMTV.com Nicolas Authier, psychiatre spécialisé en pharmacologie et addictologie et chercheur à l'Inserm.

Ce qui justifierait l'effet "apaisant" ou "relaxant" mis en avant par certains. Car les produits au CBD sont souvent promus pour leurs supposées propriétés anti-stress. "Relaxation, sérénité et équilibre émotionnel", promet un vendeur de compléments alimentaires au CBD. "Une solution naturelle pour retrouver un état zen." D'autres vantent à demi-mots des bienfaits pour la peau, les muscles, les articulations, mais aussi l'anxiété, les troubles du sommeil et le présentent comme un anti-douleur.

De telles allégations de santé ou thérapeutique, quand les fabricants ou les vendeurs en affichent, sont illégales. Les produits contenant du CBD "ne peuvent, sous peine de sanctions pénales, revendiquer des allégations thérapeutiques", arbitre la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca).

Un producteur de chanvre assure pourtant à BFMTV.com que le CBD présente "diverses propriétés", notamment sur le stress, l'anxiété ou la récupération musculaire. "Ce n'est pas un médicament, mais ça améliore le confort de vie", considère pour BFMTV.com Jouany Chatoux, porte-parole de l'Association française des producteurs de cannabinoïdes (AFPC).

"Cela relève du bien-être, pas de la médecine", estime Ludovic Rachou, le président de l'Uivec. "Certains consommateurs y trouvent une efficacité. Le marché ne serait pas aussi important si ça ne marchait pas."

Des "raccourcis" sur le CBD

Mais pour l'Inserm, ces allégations restent à prouver. "Les essais cliniques manquent pour confirmer d'éventuels effets thérapeutiques du CBD sur l'anxiété, le sommeil ou autre, ou ne concernent que de trop petites cohortes de patients pour être représentatifs", tranche l'Institut.

Si une étude menée sur la souris semble indiquer que le cannabidiol induirait une diminution de la consommation d'alcool, reste à prouver qu'il soit efficace sur l'humain. Une autre étude suggère que le CBD pourrait également permettre de réduire la consommation de cannabis, encore faut-il le démontrer à plus large échelle.

"On ne peut pas extrapoler sur l'humain les résultats obtenus d'après une étude sur la souris ou in vitro (c'est-à-dire réalisée dans un tube à essai, NDLR)", met en garde Nicolas Authier, également professeur de pharmacologie médicale à l'Université Clermont Auvergne. "Il faut un essai clinique pour le démontrer."

"Les personnes qui consomment du CBD disent qu'elles perçoivent des effets sédatifs, analgésiques ou anxiolytiques du CBD. Mais ces effets sont-ils propres à la molécule ou à un effet placebo?", s'interroge l'expert.

C'est en effect la conclusion d'une analyse de l'Association américaine pour l'étude de la douleur (USASP) sur les propriétés analgésiques du CBD. Selon elle, la molécule ne montrerait pas de résultats supérieurs à ceux d'un placebo. "Ce n'est pas parce que le CBD agit sur le cerveau qu'il a forcément un effet thérapeutique", balaie Nicolas Authier.

Le chercheur dénonce ainsi les "raccourcis" et "simplifications" entretenus par certains au sujet du CBD. Un vendeur annonce par exemple que la molécule de CBD "active directement les récepteurs de la sérotonine" (un neurotransmetteur souvent appelé "hormone du bonheur", NDLR). Ce que corrige Nicolas Authier. "Ce n'est pas parce que le CBD s'accroche aux récepteurs de la sérotonine qu'il a un effet thérapeutique", nuance-t-il.

Seule indication thérapeutique légale du CBD: l'Epidyolex, un médicament indiqué dans le traitement de l'épilepsie, détaille le site de l'Assurance maladie.

Une présence de THC pas anodine

En parallèle, les autorités sanitaires s'inquiètent des effets indésirables des produits à base de CBD. L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a appelé mardi 11 mars à la vigilance. Entre 2017 et 2023, elle a recensé 58 cas d'interactions avec des médicaments et quatre cas graves - un nombre "sans doute fortement sous-évalué", estime l'ANSM. Des interactions ont ainsi été constatées avec 17 familles de médicaments, dont les analgésiques, anticoagulants, antidiabétiques, antibiotiques, antifongiques, antidépresseurs, antiépileptiques, antipsychotiques, hypnotiques, benzodiazépines et méthadone.

Les produits à base de CBD renferment également du THC, la substance active du cannabis, en quantité variable. Légalement, ils peuvent en contenir des traces - la loi française autorise jusqu'à 0,3% de THC. Mais dans les faits, c'est plus compliqué.

"L'année dernière, on était en dessous de ce seuil", nous confie un producteur de chanvre. "Mais il y a deux ans, du fait des conditions météorologiques, la récolte a été largement au-dessus." Soit on utilise des produits chimiques pour faire baisser ce taux", option à laquelle ce producteur n'est pas favorable, "soit on prend le risque de vendre des fleurs qui dépassent le taux de 0,3% de THC" - ce qui est donc illégal. "Jusqu’à 1% de THC, il n’y a aucun impact pour la santé publique", se défend-il.

"Ce n'est pas le pourcentage qui importe", alerte Nicolas Authier. "C'est la quantité ingérée ou fumée." Consommer en quantité des produits au CBD, même avec 0,3% de THC, "cela peut tout de même faire un certain nombre de mg de THC" en cumulé, met-il en garde.

Ce qui n'est pas anodin: c'est ce composé qui est responsable des effets euphorisants, d'une forme de désinhibition et d'un sentiment de bien-être générés par la consommation de cannabis. Mais il a aussi de nombreux effets secondaires: baisse de la capacité de concentration, somnolence, altération de la mémoire ou encore augmentation de la tension artérielle et du rythme cardiaque, énumère le site Drogues info service.

Face à ces mises en garde, Ludovic Rachou, le président de l'Uivec, rétorque que le CBD est "un ingrédient naturel".

"Dire que ce n'est pas dangereux parce que c'est naturel est faux", répond Nicolas Authier. "Le naturel d'une substance ne prédispose pas de sa non toxicité."

"Il y a des dizaines d'autres substances dans les produits au CBD et on ne sait pas bien ce qu'elles font" (la plante contient d'autres substances naturelles, sans compter la présence éventuelle de solvants et de produits chimiques, notamment pour faire baisser le taux de THC, NDLR), prévient le chercheur.

"Ont-elles un effet? Que se passe-t-il en les associant? Ont-elles un bénéfice ou présentent-elles des risques? On ne sait pas." Une étude menée entre 2022 et 2023 par trois centres d'addictovigilance a montré que huit produits sur dix avaient une composition différente de celle indiquée sur l'étiquetage, pointe la Mildeca.

https://twitter.com/chussonnois Céline Hussonnois-Alaya Journaliste BFMTV