Alzheimer : “Je croyais à une depression…”

21 Septembre; Journée Mondiale Alzheimer - -
J-J B : Jeanne, vous avez 59 ans, la maladie a été diagnostiqué il y a un peu plus d’un an . Vous êtes veuve, vous aviez arrêté de travailler pour vous occuper de votre mari. Vous souvenez vous du jour où l’on vous a appris que vous souffriez d’Alzheimer ? Comment ça s’est passé ?
Jeanne : Ça a été difficile.
J-J B : Vous aviez des signes avant coureurs ?
Jeanne : Peut-être un peu… Mais je pensais que c’était une dépression.
J-J B : Éric, vous vous êtes aperçu très vite que votre maman souffrait d’Alzheimer ?
Éric : Non parce que ça se manifestait par des troubles qui auraient pu correspondre à un état dépressif. Dans le cas de ma mère qui était jeune, je n’envisageais pas cette hypothèse. Je pensais qu’elle souffrait d’autre chose, de dépression ou de légèreté mais pas ça.
J-J B : Jeanne, qu’est ce qui est difficile aujourd’hui ? Qu’est-ce qui vous fait souffrir le plus ?
Jeanne : Par exemple des choses toutes simples comme faire les courses, que je ne peux plus faire, puisque je ne sais pas rendre la monnaie. Je me rends compte que ma mémoire n’est plus là et cela me mine, me contrarie sans cesse. Ça me rend malheureuse.
J-J B : Je crois que vous avez prévenu les commerçants de la maladie de votre maman Éric ?
Éric : Oui dans les commerces de proximité que ce soit les boulangeries ou les crémeries, tous les petits commerces autour de chez elle pour essayer de faire en sorte qu’elle soit le plus autonome possible dans la périphérie directe de son domicile.
J-J B : Éric, votre maman souffre du regard des autres ?
Éric : C’est une bonne question. A dire vrai je n’en sais rien, parce que nous sommes assez entourés ; déjà par le tissu associatif dans lequel nous sommes insérés, que ce soit France Alzheimer dans son centre local d’Aix en Provence, ou d’autres associations auxquelles participe ma mère. Je pense que la plupart du temps, les gens n’arrivent pas à comprendre en quoi consistent réellement ses troubles. Parce que quand on la voit ou quand on discute simplement avec elle ça ne saute pas au visage. Après je ne sais pas vraiment la façon dont elle se perçoit chez les autres.
J-J B : Vous prépariez votre doctorat d’Histoire et d’Archéologie Éric, vous avez tout arrêté pour elle, pour l’aider.
Éric : Oui, nous sommes une petite famille et je ne pouvais pas la laisser seule avec sa maladie.
J-J B : On va reparler de l’accompagnement des malades parce que vous, vous êtes là. Mais souvent les malades se retrouvent seuls et complètement désemparés. Les familles le sont tout autant. C’est vrai que votre mère a pu partir cet été une dizaine de jours en vacances avec sa sœur ?
Éric : Oui, nous avons réussi à la faire partir par le train en prévenant les personnels de la SNCF qui l’ont accompagnée et guidée tout au long du trajet. C’est quelque chose qui lui a fait énormément plaisir puisqu’elle a pu se déplacer sans moi et même pratiquement seule.
J-J B : Jeanne, vous vous souvenez de ces dix jours en bord de mer ?
Jeanne : Oui c’était très bien.
J-J B : Ce parcours du combattant pour affronter cette maladie, au quotidien que faites vous pour essayer de stabiliser la maladie ? Comment vous battez vous ?
Éric : De plusieurs manières différentes. D’abord en essayant de faire le plus possible d’activités avec elle qui la stimule, tant d’un point de vue moral qu’intellectuel, d’abord pour qu’elle ne baisse pas les bras et pour qu’elle puisse continuer à avoir accès tant à sa mémoire qu’à ses facultés. Plus personnellement elle se rend auprès de l’accueil mémoire d’Aix-Alzheimer où elle pratique toutes sortes d’activités qui lui permettent de travailler un peu plus, son écriture par exemple.
J-J B : Jeanne, vous participez à des cours de danses, d’écritures, tout ce qui permet de maintenir une activité ?
Jeanne : Oui.
J-J B : Éric, comment ça se passe concrètement au sein de ces activités ?
Éric : Elle a énormément besoin et envie de se sociabiliser et justement les activités lui permettent de rencontrer des personnes atteintes ou non de la maladie et avec qui elle peut échanger, discuter, comme dans la vie de tous les jours.
J-J B : C’est vrai que vous avez adopté un chien, parlez nous en un peu ?
Jeanne : Il est formidable, si je me perds, il me raccompagne chez moi. Il s’appelle Bonzaï parce qu’il était tout petit quand je l’ai eu. C’est devenu un compagnon, un vrai réconfort qui est vraiment important.
J-J B : Éric, où vit votre maman ?
Éric : Elle vit dans un appartement en centre-ville d’Aix en Provence, seule, puisque j’habite près de chez elle. Elle s’est rapprochée de moi pour sa maladie parce que c’était rassurant pour chacun de nous deux de savoir que l’un pouvait retrouver l’autre en cinq minutes en cas de besoin et résoudre l’éventuel problème qui pouvait se passer.
J-J B : Il a fallu aménager l’appartement je crois ?
Éric : Oui, c’est vrai que ça a été un peu un pari parce que l’adaptation n’était pas forcément évidente pour elle, mais elle a été très réactive, avec beaucoup de bonne volonté et de gros efforts qui lui ont permis de pouvoir vivre plus ou moins seule. Je passe souvent la voir mais elle est en semi autonomie.
J-J B : Éric, est-ce que les personnes atteintes de cette maladie terrible sont suffisamment aidés, soutenus ? Qu’est-ce qu’on vous apporte comme aide ?
Éric : En dehors du milieu associatif, il y a l’encadrement des médecins qui est très rassurant puisqu’ils sont là au moindre problème. Nous avons surtout dû compter sur le tissu associatif pour pouvoir prendre en charge ma mère quelques heures par jour, sinon nous n’avons rien d’autre.
J-J B : Comment vous débrouillez vous financièrement ?
Éric : Comme on peut. Parce que si nous avons besoin d’une personne qui passe chez ma mère pour l’aider de temps en temps, il faut que la personne soit rémunérée. Pour l’instant le besoin n’est pas trop important mais il est évident qu’un jour elle aura besoin d’une aide plus constante et régulière. Il reste à savoir si à ce moment là on pourra bénéficier d’une aide puisque pour l’instant nous n’en avons pas.
J-J B : Vous n’avez pas hésité un seul instant à tout abandonner pour aider votre maman ?
Éric : Non parce que je ne pouvais tout d’abord pas faire autrement et car elle était en réelle détresse et que les aides manquaient et enfin parce que financièrement il était impossible d’avoir quelqu’un qui s’occupe d’elle comme je le fais.