Une "carte vitale" pour s'acheter à manger: d'où vient l'idée défendue par les Écologistes à l'Assemblée?

À Amiens (Somme), Lucien Fontaine propose ses légumes - bio et de saison - pour seulement 3 ou 4 euros. L'ancien adjoint au maire socialiste n'est pas maraîcher, mais président de l'association La Collab solidaire, qui distribue ces paniers à un prix trois fois moins cher que l'équivalent en grande distribution.
Pour parvenir à afficher de tels tarifs, l'ex-élu travaille avec des maraîchers qui acceptent de rogner sur leur marge et s'appuient sur des entreprises locales, qui acceptent d'investir dans ces marchés solidaires en contrepartie d'une réduction d'impôt. Une initiative que Lucien Fontaine imagine comme les prémisses d'une "Sécurité sociale de l'alimentation" généralisée partout en France.
"Imaginons qu'on ait une collaboration entre les pouvoirs publics et des agriculteurs qui jouent le jeu de vendre au juste prix une marchandise de qualité", rêve Lucien Fontaine. "Que les usagers aient la possibilité de dépenser une certaine somme par mois chez ces mêmes producteurs."
"Peut-être qu'on aura plus besoin de dépenser des milliards pour endiguer les conséquences de la malbouffe dans notre système de santé", espère-t-il.
Ce système pourrait, selon lui, également "contenter les maraîchers" qui traversent une crise depuis plusieurs années et "sans qui la population se nourrit mal, préférant les produits ultra-transformés saturés en gras, en sel ou en sucre". Ces derniers représentent aujourd'hui sept produits sur dix dans l'offre des supermarchés, d'après une étude de l'ONG Foodwatch en date de 2023.
150 euros par mois et par adulte
Ce que Lucien Fontaine a mis en place à Amiens, certains aimeraient le généraliser - sous une forme différente - au niveau national. Une proposition de loi visant à expérimenter une nouvelle "carte vitale" de l'alimentation doit être examinée ce jeudi 20 février dans le cadre de la "niche" parlementaire des députés écologistes à l'Assemblée nationale.
L'idée du texte serait d'allouer une somme de 150 euros par mois et par adulte pour se nourrir pour garantir "une sécurité sociale alimentaire pour tous". "Avec la possibilité, à terme, de voir s'ajouter quelques dizaines d'euros supplémentaires par enfant", précise Boris Tavernier, député EELV de la 2e circonscription du Rhône.
Une somme de base fixée provisoirement, "assez logique dans l'optique d'un projet visant, pour le moment, l'expérimentation", estime le parlementaire, également fondateur de l'association Vrac, qui souhaite favoriser le développement de groupements d'achats dans les quartiers prioritaires.
"Même si l'on s'appelle Bernard Arnault, on pourra en bénéficier", résume l'élu. "C'est ça un principe d'égalité universel: 150 euros par mois quoi qu'il arrive."
Ce crédit pourrait ensuite être dépensé pour des achats alimentaires "dans des lieux conventionnés démocratiquement", a expliqué mardi le député lors d'une conférence de presse à Paris.
"Le sens de l'histoire"
80 ans après la création de la Sécurité sociale en France, les députés écologistes estiment que l'instauration d'une carte vitale de l'alimentation "suit le sens de l'histoire". "Elle a pour vocation de nous protéger" contre la malbouffe, a expliqué le rapporteur du texte, Charles Fournier, mardi sur BFMTV.
"Nous savons que certains s'abstiendront et émettrons des doutes quant au financement, notamment", estime Boris Tavernier. "C'est toujours un point sur lequel l'hémicycle se déchire. J'ai envie de dire aux autres députés qu'il faut s'écouter et comprendre que la Sécurité sociale de l'alimentation est viable."
Selon l'AFP, la mesure serait financée par des fonds publics à hauteur de 50%, par les collectivités territoriales à 25% et par le biais d'une cotisation citoyenne volontaire pour les 25% restants. "En fonction des besoins et selon ses moyens", a précisé Charles Fournier sur BFMTV.
Pour Lucien Fontaine, cette initiative montre que le sujet "devient sérieux". "À Amiens, on a vu que cela était possible tout en restant juste et en étudiant les différentes variables du système", assure-t-il. "Avec une expérimentation à grande échelle, ce que permettrait le texte, on se rendra inévitablement compte de ce qu'il faut ajuster."