Abandonner le masque dans les lieux concernés par le pass sanitaire, une décision prématurée?

Un restaurant à Paris le 6 octobre 2020, avec des clients masqués en terrasse - THOMAS COEX © 2019 AFP
La nouvelle a surpris autant qu'inquiété. Alors que l'explosion des contaminations se poursuit en France, le chiffre de 18.000 cas en 24 heures a été annoncé ce mardi par Olivier Véran, qui a indiqué ce même jour que le port du masque ne sera plus obligatoire pour le public dans les lieux dont l'entrée est conditionnée au pass sanitaire, sauf si la situation épidémique locale l'exige.
"Ça veut dire qu'on est sûr que toutes les personnes qui rentrent sont vaccinées complètement ou ont un test très récent qui est négatif", a justifié le ministre. Une décision confirmée par un décret paru mardi au Journal officiel, qui abaisse également à 50 personnes (contre 1000 auparavant) la jauge dans les lieux concernés.
Pourtant, dès cette annonce, plusieurs lieux soumis au pass sanitaire ont fait savoir qu'ils ne comptaient pas immédiatement abolir le port du masque. À titre d'exemple, le musée du Louvre demandera à ses visiteurs de garder cette protection, tandis que le groupe de cinémas UGC a envoyé un mail dans la soirée de mardi à ses abonnés allant dans le même sens.
"Ceinture et bretelle"
Cette prise de position du gouvernement a fait bondir plusieurs professionnels de santé, qui s'inquiètent du caractère prématuré de cette décision alors que plusieurs membres du gouvernement, dont le porte-parole Gabriel Attal, ont fait état ces dernières heures d'une "pente plus raide que toutes les précédentes."
Invitée ce mardi sur France Inter, l'épidémiologiste Dominique Costagliola, a fait état de sa "stupeur" après l'annonce de cet allégement.
"J’apprends avec stupeur qu’il n’y aura plus besoin du masque à l’intérieur. C’est une mauvaise idée. À l’heure où on est, il faudrait avoir ceinture et bretelle pour essayer de combattre cette épidémie et pas enlever certaines mesures pour en mettre en place d’autres", s'alarme-t-elle.
Elle est rejointe dans sa réflexion par Rémi Salomon, président de la Commission Médicale d'Établissement de l'AP-HP, qui sur les réseaux sociaux s'est lamenté de l'abandon progressif des gestes barrières par les Français. Début juillet, le Conseil scientifique avait déjà alerté sur "un relâchement massif".
"Il me semble que la dynamique de cette 4ème vague justifie que nous renforcions les gestes barrières, masque et distance à l'intérieur (respect des jauges, bien vite oubliées). Nous sommes encore une minorité à être complètement vaccinés, le virus peut encore faire très mal", martèle-t-il.
Faible risque?
Pour autant, d'autres professionnels de santé ont tenu à relativiser l'impact que l'abandon du port du masque dans les lieux soumis au pass sanitaire pourrait avoir.
Sur BFMTV, le professeur Bertrand Guidet, chef du service de médecine intensive réanimation à l’hôpital Saint-Antoine de Paris, rappelle que "soit les gens sont vaccinés, soit ils auront un test récent négatif, soit ils auront fait un Covid récent avec une période de convalescence. Le masque c’est en plus, alors qu’avant l’ère de la vaccination c’était le masque et les mesures de distanciation."
"A l’extérieur, ça paraît vraiment excessif, à l’intérieur ça va dépendre des conditions des locaux. C’est sûr que s’il y a encore des jauges, un contrôle strict à l’entrée, probablement que les masques c’est une mesure superfétatoire", ajoute-t-il.
Auprès de nos confrères de l'AFP, l'épidémiologiste Antoine Flahault, directeur de l'Institut de santé globale de l'Université de Genève, assure que "si le pass sanitaire est contrôlé, alors le niveau de risque (...) sera nettement réduit." De son côté, le président du Haut conseil de la santé publique Franck Chauvin a lui aussi estimé que si les contrôles étaient stricts, "le risque résiduel est très faible".
Cette annonce du gouvernement intervient alors que de nombreuses villes ont de nouveau imposé à leurs habitants de porter le masque dans certaines rues à l'image du Touquet, de Saint-Malo et de Cucq. Christian Estrosi, persuadé qu'il y aura une quatrième vague, a également annoncé de nouvelles mesures sanitaires pour Nice. Il souhaiterait, lui aussi, rendre de nouveau obligatoire le masque à l'extérieur.