Réau, la prison où les criminels font la loi

Cellules de la prison de Réau, en Seine-et-Marne. - -
A la prison de Réau, c’était opération portes ouvertes pour les détenus. Un rapport d'inspection dénonce un véritable laxisme dans cet établissement de Seine-et-Marne. Laxisme, qui plus est, dans le quartier maison centrale (QMC), section de l'établissement dédiée aux détenus considérés comme les plus dangereux, et qui accueille actuellement 28 détenus. L'inspection avait été diligentée après la tentative, par deux détenus, de faire sauter une porte de la cour de promenade le 10 mars dernier. Parmi eux figurait Smaïn Ait Ali Belkacem, l'un des auteurs des attentats de 1995 en France.
Laisser les portes ouvertes pour « apaiser les tensions »
« C'est une tolérance de la direction locale. Pour "apaiser" les tensions, on leur avait dit qu'à certains moments, (les gardiens) pouvaient laisser ouvertes les portes et laisser les détenus communiquer entre eux », explique Christophe Dorangeville, délégué CGT-Pénitentiaire d’Ile-de-France. Des portes ouvertes, mais pas seulement, comme le raconte sur RMC Jean-François Forget, secrétaire général de l'UFAP-UNSA Justice : « Ce sont des détenus qui pouvaient disposer d'horaires adéquats pour que leur famille puisse venir les visiter, qui avaient des passe-droits concernant leurs fouilles. C'étaient des détenus qui pouvaient avoir des rapports intimes avec des détenues femmes. Le problème il n’est pas de se faire ou pas des câlins, c'est qu'à partir du moment où vous rentrez dans ce genre de compromission, ça devient extrêmement dangereux. Il ne faut pas s'étonner qu'on ait eu le 10 mars dernier cette double tentative d'évasion avec explosif de la part d'un des plus grands terroristes que la France ait eu à arrêter ». « Enfin franchement, on ne parle pas de n'importe quel profil de détenu là !», s'emporte-t-il.
« Au ministère de la Justice, la politique c'est d'alléger la sécurité »
Selon une source syndicale, les dysfonctionnements seraient, pour partie, dus à une rivalité entre dirigeants du centre pénitentiaire. Le chef d'établissement, a d’ailleurs été remplacé, début janvier. Reste que ces pratiques ne seraient pas exceptionnelles mais assez répandues selon David Deams, délégué FO-pénitentiaire : « Ce mode de fonctionnement n'est pas rare. Nos directions donnent des consignes informelles pour alléger un peu le dispositif de sécurité. C'est une constatation, dans les centrales, l'application du règlement intérieur n'est pas suivie à la lettre. Parce qu'au niveau de la direction de l'Administration pénitentiaire ou au niveau du ministère de la Justice, la politique c'est d'alléger la sécurité et la discipline au sein des structures pour permettre une certaine forme de "liberté". Il y a un gros décalage entre le discours officiel et ce que l'on nous demande de faire de façon officieuse ».