Reconnaissance d'un État palestinien: les mairies ont-elles le droit d'afficher le drapeau palestinien comme le souhaite Olivier Faure?

Le patron du Parti socialiste Olivier Faure a appelé ce lundi 15 septembre à hisser le drapeau palestinien sur les mairies le 22 septembre prochain, jour de la reconnaissance de la Palestine par la France, suscitant l'indignation à droite du champ politique et dans la communauté juive. Les mairies auront-elles le droit de faire flotter ce drapeau rouge, vert, noir et blanc? Un flou juridique persiste.
Ces derniers mois, des tribunaux ont ordonné aux mairies de Gennevilliers (Hauts-de-Seine), Mitry-Mory (Seine-et-Marne), Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) ou encore Besançon (Doubs) de retirer des drapeaux palestiniens hissés, sur ou devant, leur hôtel de ville.
"Opinions politiques, religieuses ou philosophiques"
Les tribunaux administratifs, compétents en la matière, se sont basés pour rendre leur décision sur une jurisprudence émise par le Conseil d'État en 2005. La juridiction administrative suprême s'était prononcée sur la pose d'un drapeau indépendantiste martiniquais sur le fronton de la mairie de la commune de Saint-Anne.
"La circonstance que le principe de neutralité des services publics s'oppose à ce que soient apposés sur les édifices publics des signes symbolisant la revendication d'opinions politiques, religieuses ou philosophiques", avait alors décrété le Conseil d'État.
Le ministre de l'Intérieur démissionnaire, Bruno Retailleau, a brandi ce principe de neutralité des services publics en réponse au patron du PS. "Je rappelle à M. Olivier Faure que la justice administrative a ordonné récemment, et à plusieurs reprises, le retrait de drapeaux palestiniens du fronton de mairies, au motif qu'ils portaient gravement atteinte au principe de neutralité des services publics", a-t-il déclaré sur X.
Si le principe de neutralité des services publics et bien inscrit dans le code général de la fonction publique, aucune loi ne vient régir le pavoisement des mairies. Il n'est même pas obligatoire pour les édiles d'arborer sur leur bâtiment le drapeau français et européen. Même si l'usage l'exhorte.
Dans le guide du protocole à l'usage des maires édité par le ministre de l'Intérieur datant de 2020, il est indiqué que le "pavoisement des édifices publics n’est pas obligatoire. Toutefois, l’usage républicain veut que le drapeau national orne de manière permanente la façade des bâtiments publics".
En 2023, une proposition de loi visant à rendre obligatoire le drapeau français et européen pour les mairies de plus de 1.500 habitants a été adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale. Mais cette proposition de loi est depuis bloquée au Sénat, la chambre haute n'ayant pas encore procédé à sa première lecture.
Un maire dénonce un "deux poids, deux mesures"
Le maire communiste de Gennevilliers, Patrice Leclerc, enjoint par la justice en juin dernier de retirer le drapeau palestinien hissé sur le parvis de sa mairie après une requête du préfet, a pointé du doigt "deux poids, deux mesures".
"Le drapeau israélien a flotté sur le fronton de plusieurs villes des Hauts-de-Seine, sans remarque de l’État, et depuis plus de 19 mois à Antony à l’instar de Nice sans remarque pendant ce temps", a souligné l'édile dans un communiqué.
"Les maires qui ont hissé le drapeau de l'État d'Israël n'ont pas été attaqués au tribunal depuis plus de 19 mois par les préfectures. Quand on hisse le drapeau palestinien, nous sommes attaqués au tribunal dans les deux jours", a-t-il également dénoncé.
En juin 2024, le tribunal administratif de Nice, saisi non pas par la préfecture mais par trois acteurs associatifs niçois, avait jugé qu'il n'y avait pas d'urgence à retirer les drapeaux israéliens sur la façade de la mairie. Un an plus tard, le 26 juin dernier, la justice administrative, saisie en urgence par des militants propalestiniens, a ordonné à la mairie de Nice de retirer les drapeaux israéliens de sa façade.
Les juges ont estimé que le maire Horizons, Christian Estrosi, voulait cantonner ce geste "à un symbole de soutien aux otages israéliens détenus par le Hamas, organisation terroriste pour l’Union européenne".
Mais que "ce pavoisement, eu égard à sa persistance dans le temps, à l’ampleur prise par le conflit au Moyen-Orient et aux tensions mondiales existantes, ne peut être regardé comme un unique symbole de soutien aux otages mais doit être regardé comme un soutien à l’État israélien et donc comme la revendication d’une opinion politique".
Quid des drapeaux ukrainiens?
La question s'est aussi posée pour les drapeaux ukrainiens hissés par plusieurs mairies françaises depuis l'invasion russe de février 2022. En décembre 2024, le tribunal administratif de Versailles avait jugé que "la mise en place d’un tel drapeau était possible et n’était pas contraire au principe de neutralité car il s’agit en réalité d’une marque de solidarité et non d’un message politique".
La justice avait toutefois imposé au maire de Saint-Germain-en-Laye de retirer ce drapeau ukainien car un édile "n’a pas le pouvoir de décider seul de mettre le drapeau sur la façade". Il doit obtenir une délibération du conseil municipal.
Le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a agité sur X la jurisprudence sur les drapeaux ukrainiens pour défendre son idée face à Bruno Retailleau.
"Pour le drapeau palestinien le 22 septembre, l'idée est juridiquement justifiée puisqu’elle s'appuie sur le choix national de la reconnaissance de la Palestine par le président de la République et n'est accompagnée d'aucun autre message politique", justifie Olivier Faure. "Mais pour être certain de vous comprendre: est-ce le drapeau qui vous gène (l’accessoire) ou la décision prise par le chef de l’État (l’essentiel)?", lance-t-il au patron des LR.