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Parti socialiste

Les assistants parlementaires victimes du tour de vis du PS

Jamais présents dans l'hémicycle, jamais face aux caméras, les assistants parlementaires travaillent dans l'ombre du Palais Bourbon

Jamais présents dans l'hémicycle, jamais face aux caméras, les assistants parlementaires travaillent dans l'ombre du Palais Bourbon - -

Les collaborateurs des élus du groupe socialiste n'ont plus l'autorisation d'assister aux réunions du mardi. Derrière la grogne d'être privé d'un "moment utile au travail" pointe un problème de considération de leur tâche. Et l'absence de statut propre aux assistants parlementaires.

Les socialistes de l'Assemblée nationale ont décidé de serrer les rangs. De mettre fin aux couacs qui fragilisent François Hollande. Un document, publié par Le Monde, rédigé par Bruno Le Roux, chef de file des députés PS, à l’attention des élus de son groupe, est venu le confirmer vendredi. Deux mots d’ordre émergent du texte: autorité et collectif. Victimes collatérales de ce virage à 180 degrés: les assistants ou collaborateurs parlementaires.

Une partie d'entre eux – près de la moitié selon des estimations – s’était offusquée mardi de se voir refuser l’accès à la réunion du groupe où est venu s’exprimer le Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Sur Twitter notamment, le hashtag #moicollab a recensé frustration, colère et déception face à si peu de considération. Bruno Le Roux a rencontré les frondeurs mercredi, en fin d’après-midi, mais les "collabs" n’ont pas obtenu gain de cause. Ils découvrent désormais la situation de leurs collègues de l’opposition, qui n'y ont jamais assisté.

"L’UMP a ses propres mœurs", précise Gaël Brustier, politologue et proche de l’aile gauche du parti. "La conception socialiste du collaborateur sous-entend des relations intenses. De nombreux élus - Manuel Valls, Benoît Hamon - ont été eux-mêmes assistants, et nombreux sont ceux qui ont ou ont eu des fonctions au sein de l’appareil du parti. Cette décision marque la fin d’une tradition à gauche".

"La température politique du moment"

Officiellement, les réunions seraient plus calmes sans eux. Les fuites aussi seraient moins systématiques. "Cet argument est éculé", s’étouffe une collaboratrice. "Comme si les députés avaient besoin de nous pour parler à la presse". Un article du Monde, "Au grand marché de l’Assemblée", illustre les codes en vigueur dans la salle des Quatre-Colonnes, où presse et élus se rencontrent pour du "on", du "off" et beaucoup de "petites phrases".

Une autre assistante parlementaire ne comprend pas vraiment la grogne qui a gagné ses collègues, tout en reconnaissant que les réunions de groupe "pouvaient aider le travail quotidien" car elles permettaient de "voir les gens", mais affirme dans la foulée que "jamais aucune décision n’y est prise". A ce propos, Bruno Le Roux prévoit davantage de votes internes le mardi matin. Un député écouté serait ainsi moins enclin à s'épancher. Entre autres tâches, l’assistant parlementaire rédige le texte des interventions de son élu, et lui prépare des notes, à la manière d'un membre de cabinet ministériel.

"J’aimais ces réunions car c’était l’opportunité de prendre la température, de sonder l’ambiance politique du moment", raconte un ex, parti vers d’autres horizons. "Si votre député travaille sur un texte précis, c’est aussi l’opportunité d’assister à l’audition de ministres", ajoute-t-il.

Mieux lotis au Sénat

"Chacun doit rester à sa place et il est normal qu’il y ait une hiérarchie", tranche pour sa part une collaboratrice qui a préféré rester à l’écart, jugeant la fameuse réunion "utile mais pas essentielle". Pour elle, le débat est ailleurs. Et notamment dans le statut accordé à l’assistant parlementaire. Il est moins intéressant par exemple qu'au Sénat ou qu'au Parlement européen. "Je ne vous parle pas de l'Allemagne ou de la Grande-Bretagne", glisse un mécontent.

Les chiffres? Pour rémunérer ses assistants, chaque parlementaire dispose de 9.138 euros brut mensuels à l'Assemblée nationale, avec un maximum de 5 collaborateurs contre une somme de 7.500 euros brut au Sénat mais pour un encadrement des salaires et des avantages - CE, vacances - supérieurs. A Bruxelles ou à Strasbourg le montant des aides grimpe à 15.496 euros.

"Ce débat-là n’est pas un caprice", martèle un collaborateur qui sait que la décision a été prise de revenir à de meilleures intentions. Quitte à ronger son frein. Car tous reconnaissent unanimement leur "devoir de réserve", leur "rôle de discrétion", leur "travail de l'ombre". Au sein du groupe socialiste, on entend - enfin - laver son linge sale en famille, assistants parlementaires – ou collaborateurs – inclus. Eux, sont déjà habitués aux corvées.

Samuel Auffray