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Parlement

Réforme du scrutin à Paris, Lyon et Marseille: le Sénat rejette massivement ce texte défendu par François Bayrou

Gérard Larcher au Sénat le 15 janvier 2025

Gérard Larcher au Sénat le 15 janvier 2025 - Bertrand GUAY / AFP

Les socialistes et la droite ont rejeté main dans la main la réforme du scrutin pour les municipales à Paris, Lyon et Marseille ce 3 juin au Sénat. Reste maintenant à savoir si François Bayrou, qui soutient cette évolution, assume d'aller au bras de fer avec la chambre haute.

Un échec sans surprise et sans appel. Les sénateurs se sont largement opposés ce mardi après-midi dans l'hémicycle à la réforme du scrutin des élections municipales à Paris, Lyon et Marseille en votant contre son principal article avec 217 voix contre et seulement 97 pour.

Depuis des semaines, la chambre haute dit massivement non à cette proposition de loi défendue par le député Renaissance Sylvain Maillard et soutenue par François Bayrou. La commission des lois au Palais du Luxembourg avait déjà donné le ton en avril dernier, en la rejettant largement grâce à l'addition des forces entre sénateurs LR et les élus socialistes, une unanimité rare au Sénat.

"Une anomalie démocratique"

L'objet de leur courroux: ce texte qui veut mettre fin au mode de scrutin particulier à Paris, Lyon et Marseille depuis 1982. Là où, dans toutes les autres communes, les électeurs votent à l'échelle de tout le territoire, les citoyens se prononcent arrondissement par arrondissement ou secteur par secteur dans ces trois grandes villes.

Concrètement, une partie des conseillers ainsi élus vont siéger au conseil municipal de la ville et élisent le futur maire. Mais la clef de répartition peut parfois aboutir à l'élection d'un édile qui n'est pas forcément celui pour lequel le plus grand nombre d'habitants a voté.

Ce fut par exemple le cas à Marseille en 1983. Le maire socialiste Gaston Defferre a été réélu alors qu'il avait obtenu au second tour 10.000 voix de moins que Jean-Claude Gaudin (LR).

De quoi convaincre le député Renaissance Sylvain de "mettre fin à cette anomalie démocratique". Avec un certain succès: à l'Assemblée nationale, en dépit de débats houleux, la réforme du mode de scrutin a été largement adoptée avec les voix de Renaissance, du RN et de LFI.

Crainte de perdre des sénateurs

Mais au Sénat, l'atmosphère n'a rien à voir. Les sénateurs étant élus par les élus locaux, tout changement dans leur mode de désignation impacte forcément le devenir des élus de la chambre haute.

De quoi inquiéter la droite mais aussi les socialistes qui y voient le risque de perdre des élus aux prochaines sénatoriales en septembre 2026. Quant aux macronistes, qui ne sont qu'une poignée au Sénat, impossible pour eux de peser dans le vote.

Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, pourtant en charge de l'organisation des élections dans son portefeuille ministériel, n'a même pas fait semblant. L'ancien président des sénateurs LR n'a pas voulu défendre le texte, pas plus que son ministre délégué François-Noël Buffet, ancien président de la prestigieuse commission des Lois au Sénat.

Tout comme à l'Assemblée, c'est le ministre des Relations avec le Parlement Patrick Mignola qui a tenté de convaincre les sénateurs, sans y parvenir.

Le spectre d'un bras de fer avec le Sénat

Reste désormais à connaître l'avenir de cette proposition de loi. François Bayrou peut toujours convoquer une commission mixte paritaire qui réunit sénateurs et députés pour tenter de trouver un accord. Si les parlementaires y parviennent, ce qui n'a rien d'évident, le texte reviendrait ensuite à l'Assemblée puis au Sénat, au risque que les sénateurs le rejettent à nouveau.

Autre option possible: convoquer une commission mixte paritaire et décider d'enjamber le Sénat en donnant le dernier mot à l'Assemblée nationale. La méthode comporterait le risque de se fâcher avec la chambre haute, une alliée précieuse face à une Assemblée nationale fragmentée tout en risquant de se mettre à dos la droite et ses ministres, à commencer par Bruno Retailleau, très opposé au texte.

Le jeu en vaudra-t-il la chandelle? La question est ouverte. La sénatrice Modem Isabelle Florennes a déjà expliqué ce mardi dans l'hémicycle que "la réforme se ferait sans le Sénat" si aucun accord n'aboutissait, cherchant à pousser ses collègues à mettre de l'eau dans leur vin.

Marie-Pierre Bourgeois