Droit des étrangers: les députés examinent le projet de loi, la droite à l'offensive

Le socialiste Erwann Binet sera rapporteur du texte sur le droit des étrangers - Jacques Demarthon - AFP
Les députés examinent à partir de ce lundi le projet de loi "droit des étrangers", dont la mesure phare est la création d'un titre de séjour pluriannuel, pour éviter aux étrangers en règle des passages répétés et anxiogènes en préfecture.
Ce texte, qui traite également des reconduites à la frontière, succède à la réforme de l'asile qui vient juste d'être adoptée par le Parlement. Il sera soumis au Sénat à l'automne pour une adoption définitive avant Noël. Environ 2,5 millions d'étrangers extracommunautaires - dont 60% viennent d'Algérie, du Maroc, de Turquie et de Tunisie - disposent d'un titre de séjour en France. Si 1,8 million d'entre eux ont la carte de résident de dix ans, les autres doivent affronter "un véritable parcours administratif du combattant", reconnaît le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve.
"Nous soumettons des centaines de milliers d'étrangers à environ une dizaine de passages par an en préfecture. Comment s'intégrer quand on court de titre précaire en titre précaire?", s'interroge-t-il.
Pour diminuer ces allers-retours, le projet de loi propose la création de titres de séjour d'une validité de deux à quatre ans et qui seraient délivrés après un premier titre d'un an. Ces personnes pourraient ensuite demander la carte de résident.
Renforcer la lutte contre la fraude
Contrepartie de ces mesures, le projet de loi veut renforcer la lutte contre la fraude aux titres de séjour en donnant la possibilité aux préfets d'obtenir des données des autres administrations et de certaines personnes privées (banques, etc). En commission, le rapporteur Erwann Binet (PS) a cependant réécrit l'article, en faisant intervenir la Cnil et le Conseil d'Etat sur les informations susceptibles d'être transmises, mais il reste contesté par les écologistes et le Front de gauche.
Le gouvernement voudrait aussi convaincre les députés PS de faciliter les reconduites à la frontière pour les déboutés du droit d'asile par des délais de recours plus brefs que pour le droit commun. En revanche, concernant les étrangers en situation irrégulière enfermés en centre de rétention, le gouvernement donnera son aval à la demande des députés PS de rétablir l'intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) au bout de 48 heures et non plus de cinq jours comme depuis 2011. Cela pose la question du maintien de l'intervention du juge administratif qui est habituellement saisi par les associations pour contester un placement en rétention, et qui fera l'objet d'amendements.
Le texte donne d'ailleurs la priorité à l'assignation à résidence, moins coercitive, sur la rétention, sauf lorsqu'il n'y a pas de garantie de représentation. Les forces de l'ordre pourront en contrepartie conduire sous la contrainte les personnes au consulat pour obtenir les laissez-passer nécessaire à leur expulsion.
Le Républicains présentent un contre-projet
Pour Erwann Binet, ces mesures devraient diminuer les interminables files d'attente dans certaines préfectures qui montrent que "la France est un pays d'immigration" mais "qui ne l'assume pas" car cet "accueil indigne" était jusqu'il y a peu "politiquement voulu".
Si ce texte sera soutenu par l'ensemble des groupes de gauche, l'orateur du groupe Les Républicains (ex-UMP) Guillaume Larrivé juge ces "micro-mesures" à "contre-sens" et défendra dans l'hémicycle un "contre-projet politique". "Le gouvernement va augmenter encore l'immigration", a regretté le député de l'Yonne ce lundi sur France 2. "Pour l'essentiel, ce texte va dans la mauvaise direction", regrette celui qui propose "que l'Assemblée définisse chaque année des plafonds d'immigration" pour arrêter une "vague qui aujourd'hui est complètement déferlante". D'après Le Figaro, il devrait présenter une motion de rejet du projet et le député Thierry Mariani demandera un renvoi en commission.
"Je n'ai rien contre l'instauration d'une carte de séjour pluriannuelle, qui est présentée comme la mesure phare du projet: les autorisations actuelles étant systématiquement reconduites, sauf exceptions rarissimes, c'est une facilitation administrative. En revanche, des mesures sur lesquelles le ministère de l'Intérieur s'est bien gardé de communiquer me paraissent totalement aberrantes", a expliqué Thierry Mariani au quotidien.