Oui, Ayrault s'est couché devant Mittal

Hervé Gattegno - -
On a compris pourquoi Matignon ne voulait pas publier ce fameux accord : c’est qu’il contient des dispositions qui confirment les craintes des salariés de Florange – et même d’autres qui vont au-delà. C’est vrai qu’il n’y aura pas de plan social (et 629 emplois, ce n’est pas rien). Mais en réalité, la belle négociation dont Jean-Marc Ayrault s’est félicité, elle marque surtout la démission de l’Etat face à un industriel qui dicte ses conditions. On voulait savoir de quel métal est faite la politique industrielle du gouvernement ; on sait maintenant qu’elle n’est pas en acier… mais en fer blanc.
Mais dans une négociation, chaque partie fait des concessions… Qu’est-ce qui permet d’affirmer que le gouvernement aurait cédé plus que Mittal ?
Les 2 pages de l’accord – c’est bref, mais assez pour comprendre. On y découvre que les 180 millions d’investissement sur 5 ans arrachés de haute lutte à Mittal (ou présentés comme tels…) ne sont en fait que 53 millions pour la modernisation de l’usine – le reste correspond à la dépense annuelle d’entretien du site. Donc c’est une présentation en trompe-l’œil, que le gouvernement a signé en connaissance de cause. Surtout, il est acté qu’au moins 1 des 2 hauts fourneaux de Florange est arrêté définitivement – et le texte laisse un doute sur l’un de ceux de Dunkerque. C’était le point de départ des discussions avec Mittal. Eh bien c’est aussi le point final. Il n’a pas bougé d’un iota.
Il y aussi cette clause secrète divulguée lundi sur RMC, au sujet de l’usine de Basse-Indre, dans la circonscription de Jean-Marc Ayrault. Matignon a démenti. Qu’en est-il exactement ?
Il y a plus de fumée dans les explications du Premier ministre qu’il n’en sort des fumées de Florange. Mais ce qu’on comprend bien, c’est que Mittal a proposé, pour maintenir l’activité à Florange, d’y regrouper la production d’emballage de 2 autres usines : une en Lorraine (Ebange) et une près de Nantes (Basse-Indre). C’est ce point qui a motivé une négociation particulière, que Matignon a bel et bien conduite en solo – Arnaud Montebourg était écarté du dossier. Ce qui a débouché sur une clause de l’accord qui garantit le maintien des effectifs dans l’usine nantaise – mais uniquement là-bas. Donc Jean-Marc Ayrault a peut-être démenti… mais ça n’empêche qu’il a menti.
Le gouvernement peut-il quand-même espérer tirer un bénéfice politique de ce demi-sauvetage de l’usine de Florange ?
Probablement pas. C’est un accord qui ne profite ni à Mittal, qui voulait arrêter les frais, ni aux syndicats qui s’inquiètent toujours, ni au gouvernement, qui s’est divisé au grand jour. Aurélie Filipetti a même dit hier que « la parole de Mittal ne vaut rien » – ça veut dire que l’accord conclu avec lui ne vaut pas beaucoup plus… Arnaud Montebourg espérait réveiller un espoir avec l’idée de nationalisation temporaire. Mais le chœur des experts, des sachants et des lobbyistes en tous genres a imposé la ligne « raisonnable » : celle qui consiste à laisser Florange aux mains d’un industriel qui n’en veut plus plutôt que d’aider un repreneur qui en veut à la relancer, fut-ce avec une part de fonds publics. C’est le choix d’un réalisme qui ressemble énormément à du défaitisme.
Ecoutez ici le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce mercredi 5 décembre.