Nous n’avons pas de leçon à donner aux Italiens !

Hervé Gattegno - -
La situation italienne est caricaturale mais il ne faut pas s’en tenir à la dramatisation ou à la folklorisation : soit l’Europe serait au bord du chaos et il faudrait vite un nouveau vote ; soit ces incorrigibles Italiens ont abusé du Chianti et cédé à leur penchant pour les démagogues. En fait, l’équation italienne a de quoi faire réfléchir bien au-delà de ses frontières. Elle montre qu’une crise morale ajoutée à une crise économique produit une crise politique. Donc il y a à la fois une menace et un message. Pour l’Europe et aussi pour la France.
Ce qui s’est passé, dimanche en Italie, pourrait se reproduire en France ?
Il y a des traits communs. Les Italiens ont rejeté la politique européenne : en votant Grillo et Berlusconi (53% à eux 2), ils ont sanctionné le système technocratique de Bruxelles – dont Mario Monti est le produit et le symbole. C’est un état d’esprit qui gagne aussi en France : il n’y a qu’à voir les scores du FN et de Jean-Luc Mélenchon et la montée des idées protectionnistes au PS et à l’UMP. Sauf qu’il n’y a pas eu d’élection chez nous pour le mesurer. Au passage, notons que s’il y en avait, notre système électoral nous protège d’un blocage à l’italienne. Les inconditionnels de la proportionnelle feraient bien d’y songer…
Il paraît clair aussi que les électeurs italiens ont voulu donner un coup d’arrêt à la politique d’austérité de Mario Monti. Est-ce que c’est, là aussi, quelque chose qui pourrait arriver en France ?
Oui – et dans toute l’Europe ! Le FMI lui-même, l’expert-comptable en chef de l’économie mondiale, a reconnu qu’il avait sous-estimé l’impact négatif de l’austérité sur la croissance. C’est aussi le cas de Mario Monti : sa grande popularité chez les dirigeants européens et sur les marchés l’a conduit à une impopularité abyssale dans son pays. Les Italiens ont fait des concessions, ils ont eu la récession (8 millions de pauvres, 38% de jeunes au chômage…), Monti a imposé une purge et à la fin, c’est lui-même qui a été purgé. C’est la limite du gouvernement des experts : il ne résiste pas… à l’expertise. Ni à la démocratie.
Est-ce qu’on peut déduire de la performance de Beppe Grillo (23,8%), une forme de rejet de la politique traditionnelle ?
C’est sûr. Qu’on l’appelle populisme, poujadisme, extrémisme, le vote anti-système prospère d’autant plus que les partis de gouvernement multiplient eux-mêmes les promesses intenables – ce qu’ont fait François Hollande et Nicolas Sarkozy à la présidentielle – il n’y a pas que le mouvement 5 étoiles qui promette la lune… Bien sûr, Grillo fait penser à Coluche, qui avait affolé toute la classe politique, il y a 30 ans, en montant jusqu’à 15% dans les sondages – et qui disait : « J’arrêterai de faire de la politique quand les politiques arrêteront de nous faire rire. » Grillo n’est pas Coluche – il n’est ni aussi drôle, ni aussi désintéressé. Mais les politiques, dans toute l’Europe, ne font plus rire personne.
Ecoutez ici le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce mercredi 27 février.