BFMTV
Politique

Nous n’avons pas de leçon à donner aux Italiens !

Hervé Gattegno

Hervé Gattegno - -

Les élections en Italie ont été marquées par la percée du parti anti-européen de l’humoriste Beppe Grillo et le retour de Silvio Berlusconi. Aucune majorité ne se dégage et ce blocage inquiète toute l’Europe.

La situation italienne est caricaturale mais il ne faut pas s’en tenir à la dramatisation ou à la folklorisation : soit l’Europe serait au bord du chaos et il faudrait vite un nouveau vote ; soit ces incorrigibles Italiens ont abusé du Chianti et cédé à leur penchant pour les démagogues. En fait, l’équation italienne a de quoi faire réfléchir bien au-delà de ses frontières. Elle montre qu’une crise morale ajoutée à une crise économique produit une crise politique. Donc il y a à la fois une menace et un message. Pour l’Europe et aussi pour la France.

Ce qui s’est passé, dimanche en Italie, pourrait se reproduire en France ?

Il y a des traits communs. Les Italiens ont rejeté la politique européenne : en votant Grillo et Berlusconi (53% à eux 2), ils ont sanctionné le système technocratique de Bruxelles – dont Mario Monti est le produit et le symbole. C’est un état d’esprit qui gagne aussi en France : il n’y a qu’à voir les scores du FN et de Jean-Luc Mélenchon et la montée des idées protectionnistes au PS et à l’UMP. Sauf qu’il n’y a pas eu d’élection chez nous pour le mesurer. Au passage, notons que s’il y en avait, notre système électoral nous protège d’un blocage à l’italienne. Les inconditionnels de la proportionnelle feraient bien d’y songer…

Il paraît clair aussi que les électeurs italiens ont voulu donner un coup d’arrêt à la politique d’austérité de Mario Monti. Est-ce que c’est, là aussi, quelque chose qui pourrait arriver en France ?

Oui – et dans toute l’Europe ! Le FMI lui-même, l’expert-comptable en chef de l’économie mondiale, a reconnu qu’il avait sous-estimé l’impact négatif de l’austérité sur la croissance. C’est aussi le cas de Mario Monti : sa grande popularité chez les dirigeants européens et sur les marchés l’a conduit à une impopularité abyssale dans son pays. Les Italiens ont fait des concessions, ils ont eu la récession (8 millions de pauvres, 38% de jeunes au chômage…), Monti a imposé une purge et à la fin, c’est lui-même qui a été purgé. C’est la limite du gouvernement des experts : il ne résiste pas… à l’expertise. Ni à la démocratie.

Est-ce qu’on peut déduire de la performance de Beppe Grillo (23,8%), une forme de rejet de la politique traditionnelle ?

C’est sûr. Qu’on l’appelle populisme, poujadisme, extrémisme, le vote anti-système prospère d’autant plus que les partis de gouvernement multiplient eux-mêmes les promesses intenables – ce qu’ont fait François Hollande et Nicolas Sarkozy à la présidentielle – il n’y a pas que le mouvement 5 étoiles qui promette la lune… Bien sûr, Grillo fait penser à Coluche, qui avait affolé toute la classe politique, il y a 30 ans, en montant jusqu’à 15% dans les sondages – et qui disait : « J’arrêterai de faire de la politique quand les politiques arrêteront de nous faire rire. » Grillo n’est pas Coluche – il n’est ni aussi drôle, ni aussi désintéressé. Mais les politiques, dans toute l’Europe, ne font plus rire personne.

Ecoutez ici le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce mercredi 27 février.

Hervé Gattegno