Mariage gay : pour ou contre, c’est déjà dépassé

Hervé Gattegno - -
Sur les questions de mœurs, et spécialement pour le droit de la famille, la loi ne peut pas être conçue comme une barrière entre ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. Elle doit s’adapter aux situations qui existent, qu’on peut approuver ou non mais qui résultent des évolutions de la société. C’est ce qui s’est passé sur le divorce, la majorité sexuelle, l’avortement… La famille ne s’est pas « décomposée » mais recomposée. La réalité d’aujourd’hui, c’est qu’il existe des couples homosexuels et que beaucoup ont déjà des enfants. La loi ne peut pas les nier, elle doit les protéger.
Un grand débat au Parlement et dans le pays n’est-il pas nécessaire ?
Bien sûr que si. Il y aura une majorité au Parlement pour la voter, puisque le PS et ses alliés y sont largement acquis. Mais le gouvernement a péché par excès de confiance – ou de naïveté. Comme sur le droit de vote des étrangers, il s’est fié à des sondages dont on sait bien que, sur ce type de sujet, ils sont toujours fluctuants. Surtout que les Eglises sont unanimes pour s’y opposer. Et que la droite est décidée à en faire des tonnes. Le débat aurait dû venir plus tôt, mais il aura lieu. Il sera corsé.
Une partie de la gauche et les associations d’homosexuels reprochent au gouvernement d’avoir écarté de la loi le recours à la procréation médicalement assistée pour les couples gays. Ont-ils raison de parler de « reniement » ?
Pas du tout. On peut considérer qu’il y aurait une logique à élargir le texte à la PMA, puisque la loi est fondée sur le principe d’égalité et que les couples hétérosexuels y ont accès (comme l’adoption). Mais on ne peut pas reprocher à François Hollande d’avoir trahi un engagement qu’il n’a pas pris. Son projet de candidat prévoyait le mariage et l’adoption, rien de plus. C’est le PS qui, dans ses propositions, allait au-delà – et il déposera des amendements en ce sens. En attendant, il ne faut pas voir des reniements partout – sur la TVA, oui ; sur la PMA, non.
L’UMP réclame le report du texte. Est-ce que c’est un thème sur lequel elle peut se rassembler ?
Sans doute, mais sur un terrain politiquement glissant. Le mariage gay est aussi un thème qui la rapproche du FN, qui plus est au moment où la campagne interne et le duel Copé-Fillon poussent à la radicalisation du discours. Même les centristes de l’UMP, qui se réfèrent aux valeurs du catholicisme, sont sur cette ligne – alors qu’ils ont des désaccords sur d’autres points. En revanche, les centristes de l’UDI, ceux de JL Borloo, plus attachés à la laïcité, peuvent être tentés de voter le texte. Ce serait une première. En fait de « décomposition » de la famille, ce serait même un début de recomposition politique…
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