"Nadine Morano, j’aime votre cause, car j’aime les causes perdues"

Comme le veut la tradition, l’invitée y est quelque peu malmenée. - -
La conférence Berryer, ça se mérite. On ne s’y pose pas comme ça, au dernier moment, comme une fleur. Non, même arrivé avec deux heures et demie d’avance, on est relégué dans un coin de la mezzanine de la 1re chambre de cour d'appel, les fesses sur la moquette.
Ce jeudi 6 décembre, l’invité de marque qui préside la joute oratoire au Palais de justice de Paris est particulièrement attendu par le peuple de Berryer, drapé de cahemire. Habituée à la castagne, verbale, tout du moins, au "tweet-clash" et à l’apostrophe, Nadine Morano allait devoir sortir, ce soir, les muscles, montrer de quel bois elle se chauffe.
Et elle avait tout prévu : "Je me suis habillée de rouge comme ça si le sang coule, ça ne se verra pas." Et bien de sang, seules quelques petites gouttes ont été versées ce soir.
"Vous connaissez Renaud ?"
C’est Pierre Darkanian, le quatrième secrétaire de la conférence, qui débute.
Comme le veut la tradition, l’invitée y est quelque peu malmenée : de nombreuses allusions à la vulgarité que certains lui attribuent, au fameux lipdub qui a contribué à la révéler au monde… Chaque petit événement qui a placé l’ancienne ministre au centre des discussions y passe : "Vous faisiez du bon boulot paraît-il, avant d’être connue. Marche à l’ombre, Nadine ! (C’est une chanson de Renaud, vous connaissez, Renaud ? )"
Mais la critique reste gentille. Entre deux "J’aime votre cause, Nadine, car j’aime les causes perdues" et "Vous êtes comme tout le monde, Nadine : tout le monde dit des conneries", l’orateur admet lui-même, avec ironie, que l’exercice est perdu d’avance : "Cracher sur vous serait tellement novateur !"
Mais, en hôte bienveillant, il passe finalement autant de temps à ironiser sur ceux qui critiquent Nadine Morano que sur l’invitée elle-même.
"Osons, puisque c'est à ça qu'on vous reconnaît !"
En revanche, il n'économise pas son énergie pour la mettre en condition : "Osons, puisque c’est à ça qu’on vous reconnaît !" Dans cette enceinte où l’on peut dire absolument tout ce qu’on veut pourvu qu’on le dise avec style, il faut chasser loin le politiquement correct et en appeler aux pulsions les plus profondes.
Reste que "Nadine", comme tout le monde l’appelle, ne donne pas vraiment le change quand vient son tour. Dans sa réponse policée au quatrième secrétaire, on a appris qu’elle était allée aux toilettes avant la séance et qu’elle s’était faite belle pour l’occasion, mettant son coiffeur à contribution.
Puis, on comprend bien qu’elle n’aime pas François Hollande et son gouvernement "tellement mauvais qu’on se demande quand est-ce que les Français pourront se raser la barbe", (elle fait référence aux Belges qui avaient décidé de se laisser pousser la barbe tant que la crise politique de leur pays n’était pas résolue).
"Marine... euh, Nadine !"
L’ancienne ministre en profite également pour régler quelques comptes. Les guignols : "Je suis beaucoup mieux en vrai que cette marionnette recyclée".
Essuyant les allusions graveleuses traditionnelles de cette réunion, Nadine Morano provoque parfois un silence un peu gêné dans la salle, parlant par exemple de rééducation du périnée après trois accouchements. Mais que diable, tout le monde a bien le droit de rater sa prestation !
Femme politique un jour, femme politique toujours : le problème, au final, est qu’elle n’a pas su laisser au vestiaire ses oripeaux partisans, oublier le message politique qu’elle a pour tâche de professer quotidiennement, et de la même manière qu'elle le fait tous les jours. En témoigne la conclusion de sa prise de parole, qui reprend l'un des thèmes du jour : "Pour sauver l'UMP, Fillon nous à Copé !"
Bref, Nadine est allée au charbon pendant que les bretteurs de l’art oratoire ont, de leur côté, sauvé la soirée.
|||Joute oratoire
La conférence Berryer est organisée chaque mois au palais de justice de Paris. C'est une joute oratoire : deux thèmes sont choisis pour deux candidats, jugés et critiqués par un jury de 12 secrétaires, jeunes avocats et orateurs hors pairs. Chaque conférence comporte un invité de marque.