La stratégie de François Hollande validée

Le premier tour des législatives a validé la stratégie de François Hollande sans lever les incertitudes sur l'ampleur de la majorité dont il pourra disposer au soir du 17 juin à l'Assemblée nationale. /Photo d'archives/REUTERS - -
par Emmanuel Jarry et Yann Le Guernigou
PARIS (Reuters) - Le premier tour des élections législatives a validé dimanche la stratégie du président socialiste François Hollande sans lever les incertitudes sur l'ampleur de la majorité dont il pourra disposer au soir du 17 juin à l'Assemblée nationale.
Depuis son entrée en fonction, le 15 mai, le nouveau chef de l'Etat a multiplié les gestes en direction de son électorat -réduction symbolique de 30% de son traitement et de celui des ministres, hausse de 25% de l'allocation de rentrée scolaire et confirmation du retour partiel à la retraite à 60 ans.
Il s'est en revanche gardé de dévoiler ses batteries en ce qui concerne les mesures douloureuses, notamment en matière fiscale, qui sont attendues pour tenir les engagements de la France en matière de réduction de ses déficits publics.
S'il a appelé solennellement, avant le scrutin, les Français à lui donner une majorité "solide, large et cohérente", il a laissé le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, et la première secrétaire du PS, Martine Aubry, conduire la campagne.
"Je n'ai pas à être un acteur de la campagne, je ne veux pas l'être", a-t-il confié à des journalistes.
A droite, l'UMP, condamné à l'opposition, limite les dégâts mais est de nouveau plongée dans le débat récurrent de ses rapports avec le Front national, qui risque de diviser le parti de l'ex-président Nicolas Sarkozy.
ABSTENTION RECORD
Un mois après l'élection de François Hollande, ce premier tour des législatives a confirmé les craintes concernant l'abstention, qui bat de nouveaux records, à plus de 40%, et réduit le nombre de triangulaires, ce qui devrait permettre à la droite de sauver quelques sièges de plus au second tour.
A gauche, aucun des 25 ministres en lice ne semble en danger. Au moins six sont d'ores et déjà élus, dont Jean-Marc Ayrault et le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius.
Les projections en nombre de sièges effectués par les instituts de sondage écartent définitivement le scénario d'une cohabitation avec un gouvernement de droite et promettent une majorité confortable au nouveau chef de l'Etat.
Crédités de 283 à 329 sièges, le PS et ses alliés radicaux de gauche ne sont certes pas assurés de pouvoir se passer des Verts pour constituer une majorité absolue -soit au moins 289 députés sur 577. En revanche, l'hypothèse d'un gouvernement otage du Front de gauche semble quelque peu s'éloigner.
Contrairement à leurs espoirs, ni Europe Ecologie-Les Verts ni le Front de gauche n'ont la garantie d'avoir un groupe parlementaire dans la prochaine assemblée.
Deux facteurs peuvent jouer en faveur d'une majorité suffisamment large, à défaut d'être absolue, du PS et de ses alliés radicaux de gauche pour ne pas être excessivement dépendante de la bonne volonté des Verts et des futurs élus communistes et "mélenchonistes".
Le premier est la nouvelle montée des périls en Europe et dans la zone euro, avec une Espagne contrainte de faire appel à ses partenaires pour sauver ses banques et des élections grecques incertaines dimanche prochain.
LE PARI PERDU DE MÉLENCHON
Pour Stéphane Rozès, ce contexte est de nature à entraîner un "réflexe légitimiste" des électeurs en faveur du PS.
"Ce qui joue en faveur de la majorité absolue, c'est la conscience que la crise est grave et que le gouvernement a besoin d'avoir les coudées franches pour redresser le pays", explique le président de la société de conseil CAP.
Le deuxième facteur est la défaite du leader du Front de gauche, à Hénin-Beaumont, dans le Pas-de-Calais, face à la présidente du Front national, Marine Le Pen - un échec qui réduit à néant les espoirs de Jean-Luc Mélenchon de jouer un rôle influent dans le futur Parlement.
Le Front national, qui est en mesure de remporter jusqu'à trois sièges, selon les instituts de sondage, voire le double, selon ses stratèges, pourrait gagner son pari de revenir à l'Assemblée nationale après 26 ans d'absence.
L'UMP et ses alliés centristes et divers droite, crédités de 210 à 263 sièges par les instituts de sondage, vont devoir dès lundi prendre des décisions politiquement délicates dans les quelques circonscriptions où leurs candidats, éliminés, laissent face à face un prétendant de gauche et un FN.
Tout en se défendant de toute vélléité de conclure un accord ou une alliance avec le parti d'extrême droite, le secrétaire général de l'UMP, Jean-François Copé, et l'ancien ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, n'ont pas levé dimanche soir toutes les ambiguïtés sur un sujet qui sera au coeur d'une réunion du bureau politique de leur formation, lundi après-midi.
Jean-François Copé a ainsi dit sur TF1 qu'il se demandait s'il fallait "soutenir des candidats socialistes" qui recueilleraient des voix de "l'extrême gauche de M. Mélenchon" -
"Je n'en suis pas sûr. On en débattra demain", a-t-il ajouté.
Le PS aura aussi des cas de conscience, comme dans la 3e circonscription du Vaucluse, où la nièce de Marine Le Pen, Marion Maréchal-Le Pen, est arrivée en tête avec plus de quatre points d'avance sur le candidat UMP mais où le Parti socialiste est en mesure de se maintenir sans espoir de l'emporter.
Les législatives de 2007 ont enfin montré que des inflexions sensibles pouvaient intervenir entre les deux tours: malgré l'élection confortable de Nicolas Sarkozy à l'Elysée le 6 mai 2007, la droite avait obtenu une majorité bien moins large que prévue par les instituts de sondage à l'Assemblée.
Edité par Yves Clarisse