Futur gouvernement, alliances... Comment le Nouveau Front populaire se divise face à Macron

Jean-Luc Mélenchon et Olivier Faure à Caen le 3 juin 2022 - Sameer Al-DOUMY / AFP
Le Nouveau Front populaire implosera-t-il? Depuis la chute de Michel Barnier, la gauche qui était parvenue à sceller une nouvelle alliance à la faveur des législatives surprises de l'été dernier, semble sur le point d'éclater. En cause: les points de vue divergents sur la sortie de crise politique.
Une partie de la gauche a déjà choisi et espère contraindre Emmanuel Macron à nommer l'un des leurs. C'est le cas des socialistes et des écologistes présents autour de la table ce mardi après-midi avec le chef de l'État.
"Le NFP, pas le sujet du jour mais de demain"
La France insoumise, elle, n'a pas été invitée aux discussions et s'en satisfait, continuant d'appeler le chef de l'État à la démission.
"Plusieurs choses se jouent: le positionnement que chacun veut prendre par rapport aux électeurs d'abord et puis le ton que l'on veut donner au bras de fer avec Macron. Veut-on qu'il souhaite amical ou plutôt brutal? C'est la question", détaille un sénateur socialiste auprès de BFMTV.com.
"L'alliance avec le NFP n'est pas le sujet aujourd'hui mais de demain", analyse encore ce parlementaire
Et parmi les premiers à jouer leur partition, on trouve notamment les socialistes. Si le groupe des députés PS a voté presque à la quasi-unanimité la censure qui a renversé Michel Barnier la semaine dernière, la macronie croit toujours qu'elle peut arrimer une partie de ses troupes à son destin politique.
Une coalition gouvernementale qui tiendrait avec les socialistes
Il faut dire que les députés socialistes sont désormais 66, soit seulement 5 de moins que La France insoumise. Du côté de la macronie, certains ont même sorti la calculette.
En additionnant les voix du camp présidentiel, celles de LR, des députés LIOT et des socialistes, cette coalition rassemblerait 299 députés - soit 10 de plus que la majorité absolue.
De quoi pousser Emmanuel Macron à les inviter à l'Élysée dès lundi, sans les autres composantes de la gauche. Bien conscient que la gauche pèsera plus lourd face au chef de l'État avec d'autres forces, Olivier Faure exige du chef de l'État que ses camarades communistes et écologistes soient autour de la table. Une demande acceptée qui le pousse alors à pousser son avantage.
"Nous revendiquons que le Premier ministre soit de gauche", a ainsi avancé Olivier Faure avant son rendez-vous à l'Élysée, en précisant que se dire "ouvert au compromis" dans ce seul cas.
Comprendre: les socialistes n'accepteront de rentrer dans un gouvernement qu'à la seule condition d'avoir un chef du gouvernement de gauche.
"On revient au centre du jeu"
"Je ne suis pas sûr qu'il y croit vraiment lui-même. Je doute vraiment que Macron finisse par nommer quelqu'un de gauche alors que s'il souhaitait le faire, c'était cet été", résume un élu socialiste.
"Mais ça nous donne l'avantage de nous montrer dans une posture d'ouverture, toujours prêt à exercer le pouvoir tout en disant qu'on n'y va pas si c'est pour faire du Barnier ou du Attal. Et on revient aussi au centre du jeu", continue ce député.
Et puis, alors que le congrès du PS approche et que certains critiquement vertement la ligne d'Olivier Faure, jugée pas assez éloignée de celle de La France insoumise, la manœuvre ne peut pas faire de mal.
"Une question de crédibilité"
Même topo pour Marine Tondelier, la patronne des Écologistes, qui, devant les grilles de l'Élysée a assuré venir "discuter" avec Emmanuel Macron sans naïveté". Sans vraiment sembler vraiment croire à ce que l'issue des discussions soit positive pour la gauche en citant notamment l'exemple des Rencontres de Saint-Denis, qui, après plus de 12 heures de débat entre chefs de partis n'avait guère eu de conséquence politique.
"On ne peut pas ne pas être un interlocuteur présidentiel. C'est une question de crédibilité pour nous mais évidemment qu'on n'est pas béni oui-oui et au moins, on est d'accord entre nous", décrypte un député écologiste.
"Nous ne trahirons jamais pour des postes"
La pique vise directement les communistes. Il faut dire que les attentes de Fabien Roussel sont relativement basses. Le patron des communistes a expliqué dès lundi qu'un Premier ministre de gauche était "préférable" mais pas "un préalable" à une éventuelle entrée d'élus PCF.
Quant à l'abrogation ou la suspension de la réforme des retraites, toujours centrale pour les écologistes et les socialistes en cas d'accord, elle ne semble plus capitale pour Fabien Roussel. L'ex-député du Nord s'est contenté d'évoquer "une conférence sociale" pour poser le sujet sur la table, suscitant la colère d'une partie de ses propres troupes.
De quoi donner au passage un argument en or à La France insoumise, qui ne croit en aucun cas à un vrai changement d'orientation d'un futur gouvernement.
"Nous, insoumis, nous ne trahirons jamais la parole donnée pour des postes" ministériels, a tancé la présidente des députés LFI Mathilde Panot mardi lors d'une conférence de presse.
"Ceux qui vont" voir Macron "se font balader"
Du côté de LFI, on continue de mettre la pression sur Emmanuel Macron et sa très hypothétique démission si la crise politique ne trouve finalement pas d'issue.
"Il n'y a rien à négocier, ceux qui vont aux négociations se font balader et tout le monde le sait très bien", traduit un collaborateur du groupe LFI
Traduction plus franche de Jean-Luc Mélenchon lors d'un meeting en Ille-et-Vilaine lundi soir: "Se rendent-ils compte de la contre-performance de ce qu'ils font? Emmanuel Macron les instrumentalise et gagne des points à chaque heure qui passe", s'est agacé l'ex-candidat à la présidentielle.
"On a besoin que le NFP se maintienne"
Avec en ligne de mire le risque d'une rupture politique en cas de nouvelles législatives qui verrait chacun des partenaires du NFP reprendre ses billes.
"Si le NFP est détruit par le ralliement à Macron de nos partenaires, on sait ce que ça nous coûtera. On a besoin que le NFP se maintienne", a averti Jean-Luc Mélenchon devant des journalistes mardi.
Mais est-ce vraiment l'intérêt de la gauche dans son ensemble de reprendre ses billes et de partir séparement aux législatives en cas de nouvelle dissolution à l'été prochain? La question est ouverte.
"C'est du théâtre"
Olivier Faure a certes fait montrer la pression ce mercredi sur BFMTV. "Plus Jean-Luc Mélenchon crie, moins on l'entend", a tancé le patron du PS sur notre antenne, tout en assurant "ne pas chercher la rupture".
"C'est un peu du théâtre tout ça. Il y a un intérêt réciproque très bien compris. Le NFP nous a permis collectivement de gagner plus de sièges si on ne parlait pas trop de Mélenchon bien sûr", remarque un élu socialiste.
Quant au fond du programme commun de la gauche, les motifs d'accord restent très nombreux, de l'augmentation du SMIC à 1.800 euros net au retour de l'ISF.
"On reste toujours d'accord sur l'essentiel", résume le député écologiste Benjamin Lucas-Lundy. Lors des débats budgétaires à l'Assemblée ces dernières semaines, rares ont été les divergences dans les votes des députés NFP. L'élastique peut encore s'étirer sans casser.