La France doit s’incliner devant l’Histoire, pas devant l’Algérie

Hervé Gattegno - -
Il faut en finir avec ce débat à rallonge sur la mémoire et les regrets, qui fait de notre histoire une série d’ignominies dont il faudrait toujours s’excuser. François Hollande a évité le piège et c’est tant mieux. Attention : il a raison d’admettre que la colonisation fut une injustice, une oppression même ; mais il a raison aussi de ne pas céder à la bien-pensance en exprimant une « repentance » de la France – sans quoi on pourrait le faire aussi en Egypte pour Napoléon ! C’est la ligne qu’il a tracée avec la reconnaissance des massacres du 17 octobre 1961 : dire ce qui a été commis, reconnaître la part que l’Etat français y a pris. Ni plus ni moins. Donc s’incliner, oui, mais uniquement devant les faits.
Mais est-ce que c’est aux politiques de se mêler de l’histoire ? Est-ce que l’essentiel de cette période n’est pas déjà connu ?
Les archives sont loin d’être entièrement ouvertes. La responsabilité des gouvernants, c’est justement d’autoriser les recherches – pas d’en fixer les objectifs. François Hollande ne va pas seulement honorer la mémoire du mathématicien communiste Maurice Audin (arrêté, torturé et sans doute tué par l’armée française): il a donné ordre qu’on remette à sa veuve tous les documents militaire qui le concernent. C’est un geste important, vu d’Alger comme vu de Paris. Un geste plus honorable que les bras d’honneur de Gérard Longuet et Grégoire Collard à la TV, en réponse à des questions sur la reconnaissance des crimes du colonialisme…
Les Algériens peuvent-ils se contenter de discours et de symboles aussi finement dosés que ceux de François Hollande ? Plusieurs partis politiques algériens ont réclamé des excuses, voire des indemnités…
Il y a des jusqu’au-boutistes sur les deux rives de la Méditerranée. En France, le traumatisme de la guerre et l’influence des pieds-noirs pèse encore trop sur le traitement de la question algérienne. En Algérie, la vieille garde du FLN ne veut pas d’une réconciliation : elle vit dans un esprit de revanche, 50 ans après l’indépendance qui était pourtant sa victoire. Et les islamistes encore moins, qui poussent à la radicalisation. Officiellement, les autorités algériennes ne demandent pas de repentance. Bouteflika n’a parlé que de « tirer les enseignements de l’expérience passée » et d’« un partenariat toujours perfectible ». Même si c’est à lire au 3è degré, il n’y pas de raison d’être plus royaliste que le roi…
En réalité, est-ce que ce ne sont pas les intérêts économiques qui forment la toile de fond de toute cette controverse ?
Bien sûr. L’Algérie est riche grâce au gaz et au pétrole mais c’est un pays qui manque cruellement d’équipements, d’infrastructures – donc un marché fécond pour nos entreprises. Raison de plus pour souligner que ce n’est pas la faute de la France si l’Algérie a tant de retard dans l’éducation, la santé, les transports ; si sa démocratie est sous-développée et son régime gangréné par la corruption. Disons-le clairement : tourner la page du colonialisme, ce serait aussi permettre l’instauration d’une entraide commerciale – à défaut d’une entente cordiale. L’Algérie et la France ont tout intérêt à échanger autre chose que des souvenirs et des reproches.
Ecoutez ici le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce jeudi 20 décembre.