Il ne faut pas plus de prisons mais… moins de prisonniers !

Hervé Gattegno - -
Ce n’est pas de l’idéalisme, mais une position qui concilie l’humanisme et le pragmatisme. Le tout répressif n’est pas une solution : il y a de plus en plus de prisonniers et de moins en moins de crédits. Construire des prisons, c’est aussi efficace pour améliorer la sécurité qu’allonger la durée de cotisation pour sauver les retraites : il faut recommencer tous les 5 ans ! D’autant que les Français sont toujours d’accord pour qu’on crée des prisons mais jamais à côté de chez eux. Pour sortir de l’hypocrisie, il faut admettre que l’Etat n’a pas besoin de plus de prisons… mais de moins de prisons, en meilleur état.
Mais c’est une solution à moyen ou à long terme : dans l’immédiat, que ferait-on des prisonniers déjà incarcérés et des nouveaux condamnés ?
Comme son nom l’indique, la politique pénale est une politique – elle repose sur des choix. Il ne s’agit pas de relâcher tout le monde ni de fermer les tribunaux. Au contraire, il faut une répression effective : favoriser les peines de substitution, la probation, le bracelet électronique – comme l’a préconisé Christiane Taubira. Et aller plus loin : remplacer la prison par des amendes dans les cas les moins graves ; pour les auteurs de délits, réserver l’incarcération aux récidivistes. Et affirmer une fois pour toutes le principe qu’on ne peut être emprisonné sans avoir été jugé – c’est le cas d’un tiers des détenus !
La garde des sceaux, Christiane Taubira, s’était fixé pour objectif de faire baisser le nombre de détenus. Qu’est-ce qui ne marche pas ?
1. La population augmente chaque année, donc la population carcérale aussi. 2. Les magistrats subissent la pression de la société qui réclame plus de répression. Quand un délinquant relâché récidive, c’est le juge qui est accusé. La tentation est de garder le plus grand nombre. 3. Les peines planchers, votées sous Nicolas Sarkozy, ont mécaniquement allongé la durée d’incarcération. François Hollande a promis de les abolir, mais on n’a rien vu. Le drame, c’est que la surpopulation carcérale est devenue l’indice d’une politique de sécurité efficace. Du coup, aucun pouvoir ne veut s’y attaquer, de peur d’avoir l’air laxiste. La gauche et la droite sont – si on peut dire – prisonnières de ce cliché.
Mais il y a aussi une donnée objective : l’augmentation de la délinquance. Il faut bien traiter ce phénomène, prononcer des condamnations !
Bien sûr. Mais nous sommes dans un pays où l’on réfléchit à une loi pour interdire la fessée mais où l’on veut toujours aggraver les sanctions pénales. Notre système est basé sur une application faussée du principe de « tolérance zéro », qui ne veut pas dire qu’on est très sévère dès le plus petit délit mais que toute infraction est punie d’une façon ou d’une autre. En réalité, il ne faudrait plus seulement « surveiller et punir » comme disait le philosophe Michel Foucault, qui a beaucoup écrit sur la prison, mais relâcher plus et enfermer moins. Toujours plus de prison, ce n’est pas la tolérance zéro ; c’est le degré zéro de la politique pénale.
Ecoutez ici le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce mercredi 19 juin.