Hollande, la rigueur et le cynisme

Hervé Gattegno - -
C’est entendu, François Hollande a fixé un programme d’austérité radicale. Ce qu’il faut noter, c’est qu’il dit que la lutte contre les déficits n’est pas une obligation mais une « conviction ». C’est une façon de se poser en héritier de la gauche gestionnaire – celle de Mendès, Rocard et Delors. Quand il annonce « l’effort budgétaire le plus important depuis 30 ans », il se réfère à 1982-83 : le moment où François Mitterrand et Pierre Mauroy amorcent « le tournant de la rigueur », abandonnent la politique de relance, dont le fiasco menace l’économie française, et optent pour une politique libérale qui maintient la France dans l’Europe. La référence est tout sauf gratuite – et d’ailleurs elle va coûter cher…
Par conviction ou par nécessité, de toute façon, est-ce qu’il n’était pas condamné à faire de l’austérité budgétaire une priorité ?
Peut-être. Mais d’abord, il ne suffit pas de le dire pour le démontrer. Surtout, il faut croire qu’il n’était pas sûr d’en convaincre les Français puisqu’il ne l’a jamais dit aussi clairement durant la campagne. C’est là qu’intervient le cynisme. Contrairement à Mitterrand et Mauroy, François Hollande n’a jamais misé sur les réformes sociales. Il savait que la situation imposait une purge et il a fait le choix calculé de le masquer durant la campagne pour ne pas compromettre son élection. Donc il a fait primer le réalisme sur l’idéalisme. Mais il a aussi sacrifié la morale politique à l’efficacité électorale. Ça ne fait pas de lui le plus mendésiste des socialistes…
Est-ce qu’il a carrément renoncé à mener une politique « de gauche » ?
Idéologiquement, c’est assez confus : les moyens qu’il propose – sur le droit du travail, la fiscalité, le tour de vis dans la fonction publique – sont ceux d’une social-démocratie sévère. En tout cas, ce n’est sûrement pas comme cela que l’électorat populaire voyait le « réenchantement du rêve français » qu’il avait promis. Avec l’agenda 2014 de F. Hollande, le « changement » n’est plus pour « maintenant » mais pour plus tard. Economiquement, c’est peut-être un mal nécessaire. Politiquement, la déception qu’il va causer profitera plus au FN et à Jean-Luc Mélenchon qu’aux socialistes. Il ne faudra pas s’en étonner, encore moins s’en plaindre.
S’il n’est ni l’héritier de Mendès ni de François Mitterrand, est-ce que François Hollande a un modèle à gauche ?
A gauche, non. Si on observe la façon dont il a délibérément choisi de conduire son élection pour mener résolument une politique différente de celle qu’il avait promise, le seul équivalent sous la Vè République, c’est Jacques Chirac. Le Chirac de 1995, qui fait campagne contre la « fracture sociale » et qui impose dès qu’il est au pouvoir une politique de rigueur. Lui aussi avait vite chuté dans les sondages. Mais il a quand-même été réélu en 2002 – dans les circonstances que l’on sait et pour un second mandat désastreux. Si la politique ne se juge qu’au résultat des élections, François Hollande peut se dire qu’il est sur la bonne voie. Il est peut-être le seul.
Pour écouter Le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce mardi 11 septembre, cliquez ici.