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Politique

Hollande : « Gare aux effets pervers ! »

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François Hollande, premier secrétaire du Parti Socialiste, évalue sans concession les réformes engagées par le gouvernement.

J-J B : Des parlementaires UMP trouvent qu’il y a trop d’hommes et de femmes de gauche autour du Président de la République. Vous êtes d’accord avec ça ?
F H : Je crois que cette démarche d’ouverture, puisque ça avait été le mot choisi par Nicolas Sarkozy, n’est finalement pas bonne pour la démocratie. Parce que les Français ont voté. Is ont choisi une majorité, ils ont mis la gauche dans l’opposition. C’est donc normal que la majorité puisse appliquer sa politique et que la gauche puisse la contester, pour demain être en situation de gouverner. Quand on essaie de confondre les lignes, de faire perdre les références, plus personne ne s’y retrouve.

J-J B : Que dites vous à Jack Lang qui rêve d’aller participer à une mission, voire même, peut-être, d’entrer au Gouvernement ?
F H : S’il est d’accord avec la politique actuelle, qu’il y aille.

-J B : S’il y va, il sera exclu du PS ?
F H : Comme les autres… Ce n’est même pas la peine d’en parler, cela va de soit. Si l’on va en dehors de sa famille politique, on se met forcément à côté de l’engagement. Mais nous n’en sommes pas là, je n’ai pas encore entendu Jack Lang aller aussi loin qu’on le dit.

J-J B : Le président de la République qui se rend à Neuilly pour introniser son porte parole pour les prochaines municipales, ça vous a fait réagir ?
F H : Ça m’a amusé. Neuilly-sur-Seine n’était pas connu comme une ville contestatrice des orientations du Président de la République. Et là on avait presque l’impression d’une émeute, d’une manifestation, parce que Nicolas Sarkozy, comme un prince qui gouverne, était venu adouber l’un pour écarter l’autre. Ça ne faisait visiblement pas plaisir aux militants mais au-delà de cette anecdote je pense qu’il y a un moment où il faut réaliser que quand on est président de la République, on ne peut pas se mêler de tout.

J-J B : Les heures supplémentaires défiscalisées sont mises en route aujourd’hui. Cette mesure est elle une bonne idée ?
F H : Je pense qu’il faut que toute la France travaille plus, on a besoin de davantage de travail et ça c’est un fait. Si l’on veut avoir plus d’activité économique et plus de croissance, il faut qu’on travaille tous plus. La première exigence, c’est aujourd’hui de faire travailler tous ceux qui travaillent peu ou pas. Tant mieux si, notamment dans les PME, les salariés vont être rémunérés non plus 10% de plus en heures supplémentaires mais 25%. Il s’agit d’un progrès, d’une forme de généralisation des heures supplémentaires. En revanche si c’est au détriment de l’emploi, alors cette mesure peut avoir des effets pervers. C'est-à-dire si l’on fait travailler plus ceux qui sont dans l’emploi et que c’est au détriment de l’embauche, l’économie française n’y gagnera pas.

J-J B : Vous croyez donc que cette loi aura un effet pervers ?
F H : Elle peut en avoir un. Si la tentation pour des chefs d’entreprises, c’est de faire payer par l’Etat la sur-rémunération des heures supplémentaires à travers les exonérations de cotisation sociale et les baisses d’impôts. Si ces chefs d’entreprises préfèrent faire faire des heures supplémentaires plutôt que d’embaucher, on verra rapidement que la France, globalement, ne travaillera pas autant qu’il serait souhaitable.

J-J B : Dans l’entreprise, celui qui va faire des heures supplémentaires gagnera plus, donc consommera plus ?
F H : S’il avait déjà des heures supplémentaires et qu’il était dans une grande entreprise, il avait déjà sa rémunération de 25% supplémentaires. Il va donc gagner maintenant l’équivalent de ce qu’il paie en cotisations sociales. Il y aura donc un petit plus pour lui.

J-J B : Est-ce que vous pensez que c’est un pari tenu par le gouvernement et pensez vous qu’il sera perdu ?F H : C’est un pari qui est déjà coûteux puisqu’il va coûter 6 milliards d’euros à l’Etat. Je ne suis pas là pour dire qu’il va être perdu, on va voir. J’ai donné mes arguments. Ça va être aussi une formidable usine à gaz, tout le monde le dit. Pour beaucoup de chefs d’entreprises, ça va être beaucoup de paperasses, de compte-rendu à donner, de vérifications. Paradoxalement, beaucoup de chefs d’entreprises ne sont pas favorables à cette mesure. On va donc voir. Laissons cette mesure se faire et on constatera ensuite. Je crois que c’est notre rôle que d’évaluer ce dispositif. Pour l’instant je l’estime coûteux, peu productif et même avec des effets pervers.

J-J B : Vous dites « il faut faire des économies partout où c’est possible ». Ça veut dire même dans la fonction publique ?
F H : Là où il y a des administrations qui n’ont plus à servir le public avec le même effectif.

J-J B : Et comment fait-on ?
F H : Chaque année on va avoir 70 000 à 80 000 fonctionnaires qui vont partir en retraite, donc on peut recruter des fonctionnaires là où l’on en a le plus besoin, soit l’éducation, la sécurité, la justice par exemple.

J-J B : Donc on ne remplace pas un fonctionnaire sur deux qui part à la retraite ?
F H : Ça n’a aucun sens par rapport aux besoins du service public. Dans certaines administrations, il faut recruter plus et dans d’autres, moins. Je ne suis pas du tout pour ces méthodes d’affichage où d’ailleurs on ne tient pas l’objectif. Puisque vous avez dit un fonctionnaire sur deux et maintenant on nous dit un sur trois. Je pense qu’il faut simplement regarder où sont les besoins. Je crois qu’aujourd’hui il faut bien mesurer ce qu’est le handicap principal de l’économie française : la compétitivité des entreprises. On a plus 30 milliards d’euros de déficit de balance commerciale. Il faut donc mettre véritablement le paquet sur la recherche, l’innovation, l’investissement des entreprise. Si nous avions pu, nous la gauche, nous aurions baissé l’impôt sur les sociétés pour les entreprises qui investissent.

J-J B : Il y a une grève annoncée dans les transports SNCF et RATP pour le 18 octobre, est ce que vous soutenez ce mouvement d’action ?
F H : Si ce mouvement d’action est pour dire qu’il faut une négociation poussée entreprise par entreprise, c’est un mouvement qui mérite d’être entendu et soutenu. Si en revanche, c’est pour dire qu’ils ne veulent pas de réforme, alors je pense que ce mouvement ne pourra pas être entendu. Mais j’ai cru comprendre que les syndicats étaient aujourd’hui plutôt sur négociation et pénibilité comme critères.

J-J B : Donc vous vous associez à cette grève ?
F H : Nous n’avons pas à nous associer, nous sommes un parti politique.

J-J B : Si vous étiez au gouvernement, est-ce que vous auriez supprimé les 35 heures ?F H : Non, puisque nous les avons introduites. On aurait surtout essayer de négocier au mieux entreprise par entreprise. Sur les PME, je pense qu’il faut un mode de gestion des 35 heures différent. Le gouvernement a procédé autrement puisqu’il a considéré qu’il fallait détaxer et ne plus avoir de cotisations sociales sur les heures supplémentaires. C’est un système coûteux qui ne va pas spécialement arranger les PME.

J-J B : La réforme des institutions : est-ce que les parlementaires qui ne sont pas suffisamment présents à l’Assemblée Nationale ou au Sénat doivent être sanctionnés ?F H : Oui, ça ne me parait pas être le fond de la réforme mais c’est un ajustement qui doit être fait.

J-J B : On sait que vous êtes, comme François Bayrou, favorable à une proportionnelle partielle aux législatives. A quoi a servi la rencontre avec François Bayrou et qui a pris l’initiative ?
F H : C’est lui. L’intérêt de cette rencontre c’est que nous sommes en capacité, le Parti Socialiste et le MoDem, de bloquer la réforme si elle ne va pas dans le sens souhaité puisqu’il faut une majorité des 3/5ème pour qu’un texte soit adopté par le Parlement réuni en Congrès. Tous ceux qui voudront nous rejoindre sur la question de la réforme institutionnelle seront les bienvenus. Et cela pour exiger trois points essentiels : pas de renforcement des pouvoirs du président de la République, en revanche élargir les droits du Parlement et ceux des citoyens. Nous voulons faire qu’il y ait ces trois avancées. En plus sur le mode du scrutin, le Parti Socialiste est favorable à ce qu’on introduise une dose minime de proportionnelle pour que tous les courants de pensée, qu’on les aime ou qu’on ne les aime pas, soient présents à l’Assemblée Nationale. En revanche je ne suis pas d’accord avec François Bayrou sur les municipales.

J-J B : Et pourquoi ?
F H : Parce qu’il faudrait que François Bayrou choisisse, or il ne le fait pas. Il est encore porté par l’idée de sa candidature en 2012.

J-J B : Il ne pense qu’à ça ?
F H : Oui mais il en a le droit, il n’est pas le seul. Moi je ne pense pas qu’à ça mais j’y pense. Car il ne faut pas perdre de tête les élections à venir. J’ai pour objectif d’y figurer et éventuellement de gagner la partie. Mais on n’est pas en 2012.

J-J B : Est-ce que vous pensez que Dominique Strauss-Kahn pourra revenir pour être candidat en 2012 ?F H : Je voudrais d’abord saluer ce qu’a été sa démarche : vouloir servir les intérêts de la planète. Il pourra revenir même s’il s’est engagé pour cinq ans.

J-J B : Plus d’école le samedi en primaire et bientôt au collège, vous êtes favorable à cette idée ?
F H : Pas comme elle est annoncée. D’un point de vue philosophique, il y a un véritable paradoxe entre ce que dit Nicolas Sarkozy soit « travailler plus » et ce qui est mit en place dans les écoles à savoir faire travailler moins les enfants. Et si l’on supprime des heures aux élèves, on supprime des postes aux enseignants. Donc ce qui est apparemment une facilité est en fait une diminution de l’encadrement des enfants. Notamment de ceux qui sont le plus en difficulté.

La rédaction-Bourdin & Co