En action, François Hollande prend le risque de la désillusion

S'il est encore tôt pour savoir comment les Français ont jugé la prestation télévisée de leur président, ils ont pu constater son changement de ton : un volontarisme teinté de gravité assumé à l'Elysée. /Photo prise le 9 septembre 2012/REUTERS/Kenzo Tribo - -
par Elizabeth Pineau
PARIS (Reuters) - François Hollande prend un risque politique en se plaçant en "première ligne" pour faire accepter un "agenda du redressement" à des Français qui devront attendre un an pour espérer voir s'inverser la courbe du chômage tout en payant plus d'impôts.
S'il est encore tôt pour savoir comment les Français ont jugé la prestation télévisée de leur président, ils ont pu constater le changement de ton de celui qu'ils ont élu le 6 mai, un volontarisme teinté de gravité assumé à l'Elysée.
"On doit être dans l'offensive. Le président ne décide pas en fonction du facteur 'risque'", explique-t-on dans l'entourage présidentiel. "Ça met la pression sur tout le monde, à commencer par lui-même, mais également sur l'ensemble de l'exécutif".
Face aux inquiétudes palpables sur le terrain et dans les sondages de popularité, le chef de l'Etat "voulait démontrer que sa vision était claire, on pensait qu'il y avait besoin de clarification de sa part".
François Hollande, qui a dit sa volonté de rendre des comptes "régulièrement" devant les Français "prend l'engagement et il assume", ajoute-t-on encore dans le giron présidentiel. "Il y a une pression, une responsabilité d'autant plus lourde que le contexte est grave".
En se donnant deux ans pour réussir, le président repousse l'échéance face à des Français impatients mais non dénués d'espoir, puisque les sondages montrent qu'une grande partie d'entre eux pense que l'Etat peut contribuer à améliorer la situation.
La déception serait d'autant plus grande si les résultats n'étaient pas au rendez-vous.
"Les mesures financières sont acceptées si elles sont justifiées par de la justice sociale, avec des résultats dans la durée", prévient François Miquet-Marty, de l'institut Viavoice. "S'ils ne sont pas au rendez-vous dans un an ou deux, les Français seraient comme des clients insatisfaits d'une prestation de service : le retour de bâton serait violent pour l'exécutif".
"JE NE DIRAIS PAS QU'IL SE 'SARKOZYSE'"
L'ancien Premier ministre François Fillon juge pour sa part impossible une inversion de la courbe du chômage d'ici un an, condamnant François Hollande à décevoir ses concitoyens.
"Dans deux ans, il y aura du chômage supplémentaire et on sera en récession", a-t-il prédit lundi sur Europe 1.
La fermeté de François Hollande, qui s'est placé en "première ligne" du "combat" pour le pays, appelle la comparaison avec le style très direct son prédécesseur, Nicolas Sarkozy.
Ce dernier avait en son temps promis le retour du plein emploi à la fin de son quinquennat, une ambition dynamitée par la crise.
"Je ne dirais pas que François Hollande se 'sarkozyse', tempère François Miquet-Marty, qui voit "davantage de différences que de points communs" entre les deux hommes.
"François Hollande donne un agenda, une échéance, une projection sur deux ans, ce qui lui permet de sortir du slogan de campagne 'le changement c'est maintenant'. Nicolas Sarkozy était plus réactif à l'actualité, sur la sécurité par exemple".
"Les deux sont dans l'action, mais François Hollande prône une mise en oeuvre dans la durée", ajoute le politologue. "Il n'est pas dans l'immédiateté et l'hypermédiatisation, comme l'était Sarkozy".
Le style Hollande aura son utilité pour faire aboutir les très délicates négociations sur la réforme du temps de travail.
"Je pense qu'effectivement un social-démocrate bon teint comme Hollande est mieux placé pour faire passer certaines choses que ne pouvait l'être Sarkozy", estime Jacques Capdevielle, chercheur au Cevipof.
Le chef de l'Etat n'est pas allé très loin sur ce thème lors de son intervention, et n'a fait qu'effleurer certains autres, comme l'Europe, le pouvoir d'achat ou la deuxième partie de son quinquennat.
Autant de sujets qu'il pourra aborder à l'occasion de sa première grande explication de texte : une conférence de presse envisagée le mois prochain.
Avec Julien Ponthus et Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse