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"Pas de complaisance": Macron répond aux critiques avant de recevoir à Paris le président syrien

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Le président syrien par intérim Ahmad al-Chareh est attendu à Paris ce mercredi 7 mai, son premier déplacement en Europe depuis la chute du régime de Bachar al Assad.

Une visite officielle et une levée de boucliers à droite. Emmanuel Macron accueille mercredi 7 mai à Paris le président syrien Ahmad al-Chareh pour une première visite controversée en Occident, et lui demandera, à cette occasion, de châtier les responsables d'"exactions" qui ternissent l'image de la coalition islamiste au pouvoir depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre.

Le président français est vivement critiqué par la droite et l'extrême droite françaises pour l'invitation faite à cet homme au passé jihadiste, qu'il reçoit dans l'après-midi à l'Élysée avant une rare conférence de presse conjointe.

"Une lourde erreur"

"Stupeur et consternation", a réagi la leader du Rassemblement national Marine Le Pen, décrivant le président syrien comme "un jihadiste passé par Daech et Al-Qaïda" et dénonçant à l'Assemblée nationale mardi "une provocation" du chef de l'État.

"Une lourde erreur", a renchéri le chef des députés Les Républicains Laurent Wauquiez. Pour Éric Ciotti, l'invitation d'Ahmad al-Chareh est "une faute lourde et un véritable scandale".

Pour d'autres, la visite du président syrien par intérim est nécessaire. "Il a absolument raison de l'inviter et de le recevoir. C'est évidemment un risque politique, mais c'est un gain diplomatique pour la France", explique sur BFMTV Wassim Nasr, journaliste France 24, spécialiste des mouvements jihadistes.

Il rappelle que "tout le monde tend la main à Ahmad al-Chareh, en premier lieu les Russes. Vladimir Poutine l'a appelé deux fois. Les seuls à envoyer une aide matérielle importante à la Syrie d'Ahmad al-Chared, aujourd'hui, ce sont les Russes", notamment du blé, de pétrole et de l'argent.

Ahmad al-Chareh "n'est pas un libéral, c'est un conservateur", concède le spécialiste, "mais qui a renoncé à tout ce qui est jihad global et terrorisme" et tente de "calmer les tensions" dans le pays.

"Pas de complaisance"

Des massacres qui ont fait 1.700 morts, majoritairement alaouites, dans l'ouest du pays en mars, de récents combats avec des druzes, et des sévices documentés par des ONG ont soulevé des doutes sur la capacité des nouvelles autorités à contrôler certains combattants extrémistes qui leur sont affiliés.

En le recevant, Emmanuel Macron espère contribuer à accompagner dans la bonne voie la transition vers "une Syrie libre, stable, souveraine et respectueuse de toutes les composantes de la société syrienne", a dit mardi l'Élysée à l'AFP.

Mais la présidence française a balayé toute "naïveté", assurant connaître "le passé" de certains dirigeants syriens et exiger qu'il n'y ait "pas de complaisance" avec les "mouvements terroristes".

Le chef de l'État demandera donc à son invité "de faire en sorte que la lutte contre l'impunité soit une réalité" et que "les responsables d'exactions contre les civils" soient "jugés", a ajouté son entourage lors d'un échange avec la presse.

"Notre demande, c'est celle d'une protection de tous les civils, quelle que soit leur origine et quelle que soit leur religion", a-t-on insisté de même source.

"Tapis rouge pour Daech"

L'Élysée a évoqué la "préoccupation particulièrement forte" de la France de "voir resurgir des confrontations interconfessionnelles extrêmement violentes" en Syrie, notamment avec les "massacres" sur la côte alaouite et les "violences à destination de la communauté druze dans le sud de Damas".

"Ne pas engager le dialogue avec ces autorités de transition", "ce serait être irresponsable vis-à-vis des Français et surtout ce serait tapis rouge pour Daech", a aussi estimé le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot sur RTL. Selon lui, "la lutte contre le terrorisme, la maîtrise des flux migratoires, la maîtrise des trafics de drogue", ainsi que "l'avenir du Liban" voisin, "tout cela se joue en Syrie".

Depuis qu'elle a pris le pouvoir en décembre, la coalition islamiste dirigée par Ahmad al-Chareh tente de présenter un visage rassurant à la communauté internationale qui l'exhorte à respecter les libertés et protéger les minorités. En jeu, la levée des sanctions imposées au pouvoir de Bachar al-Assad, qui pèsent lourdement sur l'économie du pays, exsangue après 14 années de guerre civile, avec, selon l'ONU, 90% des Syriens vivant sous le seuil de pauvreté.

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16:06

Le président al-Chareh, longtemps chef rebelle du groupe Hayat Tahrir al-Sham issu de l'ex-branche d'Al-Qaïda en Syrie, est lui-même toujours visé par une interdiction de voyager de l'ONU. Paris a dû demander une dérogation auprès des Nations unies pour permettre sa venue.

Mais si elle a soutenu la levée de certaines sanctions sectorielles de l'Union européenne, et juge que les mesures punitives américaines "pèsent sur la capacité des autorités de transition à se lancer dans une logique de reconstruction et à attirer des investissements étrangers", la France estime que le moment n'est pas encore venu de retirer le dirigeant syrien de la liste des sanctions du Conseil de sécurité de l'ONU.

Lucie Valais avec AFP