Contrats dans la Défense et l'énergie, guerre à Gaza... Les enjeux de la visite d'Emmanuel Macron en Indonésie

Le président indonésien Prabowo Subianto (au centre) montre à Emmanuel Macron où se tenir alors qu'ils posent pour des photos au palais Merdeka à Jakarta le 28 mai 2025. - Ludovic Marin / AFP
Une "stratégie indo-pacifique" et une troisième voix française chez le chantre historique des non-alignés: Emmanuel Macron va défendre ce mercredi 28 mai en Indonésie sa posture de "puissance d'équilibre" entre les États-Unis et la Chine lors de la deuxième étape de sa tournée en Asie du Sud-Est.
Arrivé à Jakarta mardi soir depuis le Vietnam, le président français a été reçu par son homologue Prabowo Subianto avant de rencontrer des investisseurs et des étudiants indonésiens. Jeudi, il se rendra à Yogyakarta où il visitera le temple bouddhiste de Borobudur.
Une relation "à la fois très stratégique et amicale"
"Je suis impatient de rencontrer de nouveau mon frère le président Prabowo Subianto, un bon ami", a déclaré Emmanuel Macron à sa descente d'avion mardi soir, accueilli par le ministre des Affaires étrangères Sugiono et le ministre de la Défense Sjafrie Sjamsoeddin.
"La relation avec votre pays est à la fois très stratégique et amicale", a ajouté le président français, qui s'est dit "très heureux d'être en Indonésie, un pays que j'aime".
Des déclarations d'amitié malgré le passé sulfureux du président Prabowo. Ancien militaire et homme d’affaires, Prabowo Subianto est le gendre de l'ancien dictateur Suharto, mort en 2008, et ancien commandant des forces spéciales. Il est impliqué dans de multiples exactions au Timor Oriental, en Papouasie ou encore lors des manifestations anti-Suharto de 1998.
"Nous, on n'a pas vraiment à nous mêler des questions de politique intérieure. On regarde les faits: on est dans une démocratie. Il a été élu", répond l'Élysée à BFMTV. Depuis 2004, il a toujours participé au processus démographique indonésien. La question de son passé ne se pose pas tellement".
Et la présidence d'ajouter: "Le président de la République a en effet noué une relation extrêmement proche. Il a un désir et une administration pour notre pays. Le président de la République française veut en quelque sorte lui rendre l’appareil".
Des contrats de défense et dans les minerais?
Emmanuel Macron espère traduire son positionnement en contrats pour les entreprises de son pays, notamment en matière de défense, énergie et minerais critiques, dans une région en quête à la fois de partenaires face aux taxes douanières américaines de Donald Trump, mais aussi d'une juste distance à l'égard de l'imposant voisin chinois.
L'Élysée espère engranger des contrats et accords notamment dans les domaines de la défense, de l'énergie et des minerais critiques. Paris entend renforcer sa coopération dans les armements avec le président Prabowo Subianto, ancien ministre de la Défense, alors que l'Indonésie s'est fournie par le passé notamment en Russie pour ses avions de chasse. "En 5 ans on est devenu le premier partenaire défense avec l'Indonésie", fait valoir l'Élysée auprès de BFMTV.
Le nouveau directeur général d'Eramet Paulo Castellari fait ainsi parie de la délégation française pour tenter d'obtenir de Jakarta un relèvement du permis de production dans la plus grosse mine du monde de nickel. L'énergie est aussi un enjeu, l'Indonésie souhaitant se convertir rapidement au nucléaire pour répondre à la demande croissante d'électricité.
La question de Gaza en toile de fond?
En toile de fond, un autre enjeu pour la France: tenter d'embarquer un tant soit peu le pays à majorité musulmane le plus peuplé au monde dans sa volonté de faire avancer la "solution à deux États" lors d'une conférence à l'ONU en juin sur le conflit israélo-palestinien.
L'Indonésie est l'un des trois pays de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean) à ne pas avoir de relations avec Israël. Or Emmanuel Macron, dans sa "détermination" à reconnaître un Etat de Palestine, potentiellement dès juin, espère en contrepartie obtenir des gages des pays arabo-musulmans.

"Gaza est un sujet de politique étrangère et intérieure", déclare l'Élysée. "On est en train de travailler à une expression commune. Ce sera la première fois que l’Indonésie s’exprimera avec un pays occidental sur Gaza. Un pays qui ne reconnaît pas Israël. Perspective d’une conférence à New York".
Et d'ajouter: "L'objectif est d'essayer de créer une dynamique. Après, on n'aura pas tout aujourd’hui. Nous sommes dans un pays extrêmement sensible à la question palestienne. Tous les pas que l’un pourra faire en signe d’une reconnaissance mutuelle sont un pas de géant dans le contexte actuel".
Et l'Ukraine dans tout ça?
La question de la guerre en Ukraine sera également mentionnée lors des échanges. "On est avant tout sur échanges avec Américains et Européenns. Mais le chef de l'État en parlera plus à Singapour", précise-t-on. Au Vietnam, à l'entame de cette tournée de six jours qu'il conclura vendredi à Singapour, Emmanuel Macron a présenté la France en "puissance de paix et d'équilibres", soucieuse d'un ordre international "fondé sur le droit".
Un message qui s'adresse à la fois à Pékin, qui se fait de plus en plus offensif dans ses revendications territoriales en mer de Chine méridionale, et à Donald Trump et ses menaces de hausse drastique des droits de douane.
La "méthode" du président américain, qui consiste à "créer de l'incertitude en permanence" avec "des tarifs qui changent selon les matins où l'on se réveille", "freine les investissements et l'économie", a prévenu Emmanuel Macron au moment même où, réunie mardi en sommet à Kuala Lumpur, l'Asean a affiché son intention d'accélérer ses efforts pour diversifier ses réseaux commerciaux face à cette guerre douanière.