Un meeting "immersif", un autre dans la rue... Comment Mélenchon tente de créer une "dynamique"

Jean-Luc Mélenchon à Bordeaux, le 24 janvier 2022 - PHILIPPE LOPEZ / AFP
Scène inhabituelle lundi soir, dans les rues de Bordeaux. Aux abords du théâtre Femina, Jean-Luc Mélenchon harangue une foule de badauds venus assister à son meeting - ils sont des centaines contraints de rester à la porte de la salle, faute de place.
"Le fait que vous vous disiez 'on reste dehors quand même groupés' montre la connivence politique qui existe entre nous. Vous avez parfaitement compris que nous sommes en train de faire une démonstration de force", a galvanisé le candidat de La France insoumise (LFI) à la présidentielle.
Les organisateurs revendiquent 3000 spectateurs, à l'intérieur et en dehors du théâtre. Stratégie de communication à peu de frais? Dans l'entourage de Jean-Luc Mélenchon, candidat pour la troisième fois à la présidentielle, on jure le contraire et l'on évoque la "dynamique" de la campagne de l'ancien socialiste.
La salle "est réservée depuis le mois de décembre et on a été débordé par la dynamique. On va pas s'en plaindre et on va essayer de mieux s'adapter la prochaine fois", a déclaré sur BFMTV le député de Seine-Saint Denis Bastien Lachaud, chargé de l'organisation des événements.
Meeting "immersif et olfactif"
Quelques jours plus tôt, à Nantes le 16 janvier, Jean-Luc Mélenchon réalisait un autre coup médiatique. Après s'être dédoublé avec un hologramme en 2017, le candidat a proposé un meeting "immersif et olfactif" à quelque 3000 personnes, déroulé sur environ 200 mètres d'écrans. Une innovation saluée même dans les rangs des adversaires les plus farouches de l'ancien sénateur de l'Essonne: le directeur des événements d'Éric Zemmour, Olivier Ubéda, a ainsi fait part sur Twitter de son "respect professionnel pour la belle scénographie du meeting-conférence de Jean-Luc Mélenchon".
"Depuis notamment Nantes, on sent qu'il y a un tournant", se félicite Antoine Léaument, chargé de la communication numérique de Jean-Luc Mélenchon, auprès de BFMTV.com. "Pour moi, il y a un avant et un après, y compris dans les commentaires médiatiques", souligne le militant.
"C'était réussi, ça avait même de la gueule", s'enthousiasmait l'éditorialiste politique de BFMTV Matthieu Croissandeau, au lendemain du meeting nantais. "Jean-Luc Mélenchon a fait fort (...). Le leader insoumis a fait ce qu'il savait faire de lieux, c'est-à-dire faire campagne. C'était beau, il y avait du monde, c'était nouveau", a-t-il ajouté. Ailleurs dans la presse, Challenges saluait également le fait que "les insoumis ont réussi à faire une entrée en campagne fracassante en renvoyant l’exercice du meeting politique des autres candidats au XXème siècle".
"On a un peu retrouvé le Mélenchon tribun"
"Si on oublie les intentions de vote, c'est vrai qu'il a plutôt suscité des commentaires favorables depuis le meeting de Nantes. On a un peu retrouvé le Jean-Luc Mélenchon tribun", souligne auprès de BFMTV.com le politologue Olivier Rouquan.
Pour autant, le chercheur associé au Centre d'études et de recherches de sciences administratives et en politique (CERSA), évoque un début de campagne "mitigé", selon lui. "Il n'a pas vraiment, à part à Nantes, surpris, renouvelé son image", pour l'enseignant. Néanmoins, "sa candidature est installée alors que d'autres se demandent encore s'ils iront jusqu'au bout", ajoute-t-il.
"Il y a plein d'indicateurs qui montrent notre dynamique", rétorque Antoine Léaument. Entre autres: "On a de plus en plus d'abonnés" sur les réseaux sociaux, défend-il, citant aussi le meeting à Strasbourg du 19 janvier qui a rassemblé plus de 2500 personnes.
Parmi les candidats déclarés à l'Elysée, ainsi que le chef de l'État Emmanuel Macron, qui n'est pas officiellement en lice pour sa réélection, Jean-Luc Mélenchon est le seul à être présent sur Twitch et est le plus suivi sur YouTube. Hormis sur Telegram où Éric Zemmour arrive en tête, c'est Emmanuel Macron qui rassemble le plus d'abonnés sur les autres plateformes telles que Facebook, Instagram, Twitter, LinkedIn et TikTok.
Des sondages qui stagnent
Pour autant, si les militants affluent aux réunions publiques et sont nombreux à suivre le leader insoumis en ligne, sa candidature ne décolle pas dans les sondages - à ce stade en tout cas. Il est depuis de longs mois crédité autour de 10% des voix dans les enquêtes d'opinion, selon notre agrégateur de sondages, l'Élyséemètre, en cinquième position, même s'il apparaît comme le mieux placé à gauche.
En 2017, lors de la précédente campagne présidentielle, il était à cette période de l'année crédité d'un score comparable, pour obtenir in fine 19,58% des voix au premier tour du scrutin en avril. La trajectoire se renouvellera-t-elle?
Les promesses de parrainage non plus ne sont pas encore au rendez-vous. "L'insoumis" aurait récolté quelque 400 signatures sur les 500 requises pour avoir un bulletin à son nom en avril.
Pour Olivier Rouquan, Jean-Luc Mélenchon comme les autres candidats de gauche pâtit de la "faible visibilité dans le débat des enjeux de ce qui fait la gauche", comme le pouvoir d'achat et les inégalités sociales.
Spectre de l'abstention
Lors de ses précédentes campagnes, Jean-Luc Mélenchon avait récolté le soutien des communistes, rangés derrière sa candidature. Une alliance qui n'est plus d'actualité; le parti de la place du Colonnel-Fabien sera représenté par son secrétaire national, Fabien Roussel. Néanmoins, le député PCF de Seine-Maritime Sébastien Jumel a grossi les rangs des soutiens de Jean-Luc Mélenchon.
Pour Olivier Rouquan, la candidature du communiste pourrait coûter quelques points à l'insoumis. Mais selon lui, c'est davantage l'abstention qui pourrait porter préjudice à Jean-Luc Mélenchon. Un phénomène qui préoccupe jusque dans les rangs de La France insoumise. "Si les gens des milieux populaires vont voter, on gagne", croit savoir Antoine Léaument.
La primaire populaire, dont Jean-Luc Mélenchon ne veut pas entendre parler et qui se déroulera ce jeudi jusqu'à dimanche, tournera-t-elle à l'avantage du prétendant à l'Élysée? Mardi soir à Bordeaux, il a de nouveau fustigé le processus: "À 70 jours du premier tour, il y a mieux à faire qu'une obscure primaire." Quoi qu'il arrive, le député l'a assuré: 2022, après 2012 et 2017, sera sa dernière tentative d'accéder à la magistrature suprême.