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Elections Municipales 2026

Municipales 2026: entre enthousiasme et scepticisme, la parité bouscule les campagnes à six mois du scrutin

Urnes. (Photo d'illustration)

Urnes. (Photo d'illustration) - JEFF PACHOUD / AFP

À six mois des élections municipales 2026, la loi imposant aux petites communes de moins de 1.000 habitants de présenter des listes paritaires suscite des débats. Plusieurs élus dénoncent une mesure jugée "complexe" et "déconnectée des réalités du monde rural". D'autres assurent qu'il s'agit d'une "mesure d'égalité".

À l'approche des municipales, l'arrivée du scrutin de liste paritaire dans les 25.000 communes de France de moins de 1.000 habitants suscite autant d'enthousiasme que de scepticisme, même si aucun élu ne conteste ouvertement la nécessité d'ouvrir les mairies aux femmes.

"Mesdames, n'hésitez pas à briguer la première place, n'hésitez pas à devenir maires!", a lancé vendredi la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet devant les maires ruraux réunis au Futuroscope, près de Poitiers.

Une nouvelle règle qui ne fait pas l’unanimité

Aujourd'hui, seuls 37,6% des conseillers municipaux des communes de moins de 1.000 habitants, qui représentent 70% des communes de France, sont des conseillères.

 Municipales : la parité sera imposée partout - 08/04
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Contestée par la droite et l'extrême droite mais validée en mai par le Conseil constitutionnel, la nouvelle loi impose aux petites communes de présenter des listes de candidats alternant femmes et hommes, au lieu d'un scrutin avec panachage des noms sans contrainte de parité.

"Dès qu'on adopte une loi sur la parité, ça fait gagner du temps pour faire rentrer les femmes dans les conseils municipaux", souligne Yaël Braun-Pivet, évoquant "un grand coup d'accélérateur".

Au sein de l'Association des maires ruraux, qui a fortement soutenu le texte, le nouveau scrutin fait largement consensus.

"Il y a autant d'habitantes que d'habitants en ruralité, et la parité est une question d'égalité. Les femmes rurales ne doivent pas être invisibilisées", revendique Cécile Gallien, maire centriste de Vorey-sur-Arzon (Haute-Loire).

"Qui représente les parents d'élèves? Qui s'occupe des associations? Parce que c'est le monde politique, les femmes ne seraient plus compétentes quand ce serait inné pour les hommes?", ironise Chantal Gantch, maire DVG de Savignac-de-l'Isle (Gironde).

À en croire le constitutionnaliste Benjamin Morel, la parité est pourtant "un sujet d'angoisse" dans beaucoup de villages. La loi vient selon lui "ajouter un degré de complexité" alors qu'il est déjà "plus compliqué" de s'engager en zone rurale et de composer une liste. En cause, le faible nombre d'habitants, les contraintes de mobilité et une charge administrative plus lourde, auxquels s'ajoute un "sentiment d'illégitimité" chez les femmes.

"L'homme peut être un problème, la femme non"

"Dans les communes de plus de 1.000 habitants, ça a été très compliqué au début et finalement, en forçant un peu le destin, en allant chercher des gens, on a réussi à composer les premières listes", reconnaît-il cependant.

Début septembre, un collectif de 2.000 maires ruraux a écrit aux sénateurs pour leur demander de suspendre la loi, jugée "déconnectée des réalités du monde rural". 

Sans contester la parité, les élus dénoncent la rigidité du système de listes et l'absence de "vivier suffisant", prédisant même une "mise sous tutelle" de communes faute de candidats.

"Les femmes ont moins tendance à franchir le pas de l'engagement politique parce que ça ne leur semble pas forcément naturel", reconnaît Fanny Lacroix, maire de Châtel-en-Trièves (Isère), qui y voit le résultat d'un "système dominé par les hommes".

Élue maire à 28 ans en 1995, Nadine Kersaudy raconte avoir longtemps été traitée de "gamine" et dénonce un machisme ambiant. "Avec mon équipe, il fallait qu'on réussisse", se souvient-elle. Elle rapporte aussi avoir été "agressée verbalement" en 2023 par un maire de son intercommunalité pour avoir donné son avis lors d'une réunion budgétaire.

"L'homme peut être un problème, la femme non", brocarde Sébastien Gouttebel, maire de Murol (Puy-de-Dôme), qui a lui "du mal à trouver des hommes".

Des communes déjà converties à la parité

Optimiste pour 2026, l'Auvergnat rappelle que parmi les communes de plus de 1.000 habitants ayant franchi le cap en 2014, "aucune ne souhaite faire marche arrière".

"Ça râle, certains se disent qu'ils vont être obligés de dire à des hommes qu'ils ne pourront pas se représenter pour laisser la place aux femmes, mais c'est un raisonnement du XIXe siècle", balaye quant à lui Gilles Noël, élu dans la Nièvre.

Reste qu'avec seulement 20% de femmes maires, la marche vers la féminisation s'annonce longue.

"Le mode de scrutin ne peut pas tout. Même s'il y a autant d'élus femmes que d'hommes, la répartition des pouvoirs au sein du conseil municipal et des intercommunalités reste au bénéfice des hommes", souligne le géographe Achille Warnant, auteur d'un rapport sur les jeunes femmes maires en ruralité.

A.Si. avec AFP