Des propositions pour enrayer la désertification médicale

L'ancienne ministre de la santé Elisabeth Hubert a remis un rapport à Nicolas Sarkozy pour tenter d'enrayer la désertification médicale en France. /Photo prise le 26 novembre 2010/REUTERS/Jacky Naegelen - -
par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - Comment enrayer la désertification médicale en France ? L'ancien ministre Elisabeth Hubert tente de répondre à la question dans un rapport remis vendredi au président Nicolas Sarkozy.
Elle-même médecin, Elisabeth Hubert propose un ensemble de mesures allant de la réforme des études médicales à l'encouragement des regroupements, en passant par une refonte de la rémunération des professionnels de santé et l'incitation à l'installation de praticiens généralistes dans les "déserts médicaux".
Des mesures qu'elle juge indissociables.
"Si on ne prend qu'une de ces mesures, je serai la première à dire qu'on se plante", a-t-elle expliqué après un entretien avec le chef de l'Etat.
Alors que le système de santé français est encore réputé l'un des meilleurs au monde, elle fait état de difficultés "réelles" à accéder à une offre de soins "en un temps court et à des conditions financières acceptables".
"L'état démographique de cette profession (fait) peser un réel danger sur toute l'offre de santé", écrit Elisabeth Hubert, selon qui il pourrait y avoir dans dix ans 10% de médecins en moins.
Si les territoires concernés par ces difficultés sont en majorité ruraux, celles-ci touchent aussi des quartiers urbains que l'insécurité ambiante a conduit les professionnels de santé à fuir, souligne-t-elle dans son rapport.
Elle fait état d'un "ras-le-bol" des médecins libéraux, qui conduit les plus âgés à dévisser leur plaque et les plus jeunes à refuser de s'installer, et déplore une "mauvaise répartition" entre généralistes et spécialistes.
GRADUER LES RÉMUNÉRATIONS
Elle impute notamment cette mauvaise répartition à la formation des jeunes médecins, concentrée dans les centres hospitaliers universitaires (CHU) et qui n'est donc pas conçue pour les orienter vers la médecine générale.
Elisabeth Hubert propose de réduire de six à cinq ans la durée des études avant internat et d'organiser à la faculté de "vrais stages d'initiation" à la médecine générale, hors CHU.
Elle préconise également le développement de la télémédecine et du partage électronique d'informations médicales, ce qui suppose de lever quelques obstacles juridiques.
Elisabeth Hubert propose d'autre part d'encourager le regroupement de médecins et autres professionnels au sein de "maisons de santé" ou de "pôles de santé", un domaine dans lequel la France a pris du retard.
Elle suggère une refonte du système de rémunération avec une graduation des honoraires en fonction de l'acte.
"Il ne s'agit pas de faire plus payer la consultation mais de faire en sorte qu'elle soit valorisée à sa juste valeur", a-t-elle expliqué à la presse.
"Quand on a un acte court, hypersimple, la valeur peut être plus faible. Pour une démarche plus longue, la valeur doit être plus importante et bien évidemment les patients doivent en être remboursés", a-t-elle ajouté, tout en insistant sur le fait que ce n'est pas le sujet essentiel de son rapport.
MISSION DE SERVICE PUBLIC
Pour désengorger les services d'urgence hospitaliers, Elisabeth Hubert propose de "repenser la permanence des soins", notamment en instaurant des plages horaires plus larges au sein des maisons et pôles de santé et un numéro de téléphone parallèle au 15 du Samu.
Parmi les mesures visant à encourager l'installation en zone sous-médicalisée, elle propose de créer un fonds géré par la Caisse des dépôts et consignations, pour garantir la reprise de l'investissement médical en cas de départ.
Elle recommande de faire de l'offre médicale dans les zones les plus démunies une "mission de service public" assortie d'une rémunération fixe spécifique, qui s'ajouterait au paiement des honoraires à l'acte.
Selon un communiqué de l'Elysée, Nicolas Sarkozy souhaite que des "mesures fortes" soient prises dès 2011 en matière de simplification des conditions d'exercice, de modernisation des systèmes d'information, de soutien au regroupement, d'aide à l'installation et de formation en médecine générale.
Il a demandé aux ministres concernés d'engager "très rapidement" des concertations sur ces différents chantiers.
Édité par Gilles Trequesser