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Politique

Comment Macron a gagné face à la rue

La manifestation à Paris le 16 novembre.

La manifestation à Paris le 16 novembre. - CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

La quatrième journée de mobilisation contre la politique économique et sociale d'Emmanuel Macron se termine sur un échec. A Paris, seulement 8.000 personnes selon la préfecture - 40.000 selon la CGT - ont défilé. Observateurs et acteurs du débat expliquent pourquoi les opposants à l'exécutif semblent avoir perdu cette manche contre l'exécutif.

En totalisant les 170 cortèges qui ont défilé ce jeudi pour une quatrième journée de mobilisation contre la politique économique et sociale d'Emmanuel Macron, seules 80.000 personnes ont défilé dans toute la France.

A Paris, selon la préfecture, 8.000 personnes étaient présentes dans la rue, tandis que la CGT annonçait 40.000 personnes. Cette mobilisation est donc plus faible encore que celle du 21 septembre, quand 16.000 personnes selon la préfecture et 55.000 personnes de source syndicale avaient protesté dans la rue, tout en restant plus nourrie que celle du 19 octobre qui avait vu 5.500 personnes exprimer leur colère, selon les autorités, et 25.000 selon les syndicats. 

L'opposition à la politique d'Emmanuel Macron a visiblement perdu cette partie. Les facteurs de cet affaiblissement du mouvement social ont été analysés aussitôt à la fois par ses acteurs et par les observateurs de la vie politique.

La division syndicale

A Marseille, où la CGT et Force ouvrière ont manifesté séparément, Jean-Luc Mélenchon, député élu dans cette ville, a livré son avis: "La division syndicale nous a coûté très cher, et la séparation du politique et du syndical tout autant. il y a des milliers, des millions de militants politiques engagés qui sont prêts à entrer dans l’action, mais à condition qu’on les appelle à une action qui leur semble avoir du sens", a-t-il dit. 

Sur notre plateau, notre éditorialiste, Laurent Neumann, lui a donné raison. "Ce qu’il s’est passé à Marseille était quand même symptomatique de cette journée. Ils ne sont déjà pas très nombreux mais ils trouvent en plus le moyen dans la ville de Marseille de faire deux cortèges différents. (...) Donc avant de mobiliser, avant de dire aux gens de descendre dans la rue pour faire pression, il faut peut-être qu’avant ça on sache s’il va y avoir du monde pas. Il faudrait des garanties." 

Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, n'a pas dit autre chose face à Ruth Elkrief, ce même jeudi sur notre antenne: "Jean-Luc Mélenchon dit la même chose que nous sur la division syndicale. Quand les syndicats sont unis, nous avons plus de chances de réussir". Le leader syndical, tout en reconnaissant avoir "du pain sur la planche", se veut optimiste: "Toute une série de mesures montrent que le gouvernement fait une politique pour les riches qui délaisse 90% des gens de ce pays. (...) Quand les salariés apprendront que les heures supplémentaires ne sont plus majorées que de 10%, je ne pense pas qu’ils seront contents."

Pas de mot d'ordre concret

Mais cet optimisme n'est pas partagé par tous. Laurent Neumann a en effet pointé en direction d'autres facteurs de désunion et de démobilisation dans la rue: 

"Le mot d’ordre était beaucoup plus large que les ordonnances, du coup on ne sait plus pourquoi on manifeste. C’est peut-être aussi l'une des raisons de la démobilisation. Quand on dit: ‘Venez manifester contre les réformes libérales!’ C’est quoi les réformes libérales? C’est la hausse de la CSG, c’est moins de moyens pour le service public, c’est la polémique sur les APL, les contrats aidés? C’est beaucoup de sujets et peut-être des sujets à venir mais ça ne fait pas un mot d’ordre", analyse-t-il. 

La situation politique nouvelle 

Chloé Morin, de l'Observatoire de l’opinion de la Fondation Jean-Jaurès, a énuméré deux motifs plus directement politiques sur notre antenne: "Il y a une division extrême des oppositions, et notamment à gauche, qui est divisée depuis au moins 2012 avec des fractures idéologiques profondes, qui font qu’une partie de la gauche ne se reconnaît pas, et ne se reconnaîtra probablement jamais dans la figure de Mélenchon et qu’il n’y a pas de figure rassembleuse qui ait émergé."

Chloé Morin souligne que l'élection d'Emmanuel Macron avait interrompu le balancier droite-gauche, laissant l'opposition dans une forme d'expectative. 

Le péril jeune 

Une dernière raison tient aussi à un grand absent des manifestations. Ce jeudi, les étudiants étaient espérés dans les cortèges. Ils ont visiblement fait faux bond pour beaucoup d'entre eux. Lilâ Le Bas, présidente de la principale organisation étudiante l'Unef, a expliqué sur notre plateau: "Ce n’est qu’un début. Ça prend du temps de mobiliser les gens et ça se construit dans le temps long, en faisant de la pédagogie auprès des étudiants."

Cependant, selon Jean-Sébastien Ferjou, directeur de publication d'Atlantico, c'est aussi face aux jeunes que se manifeste une certaine inquiétude d'Emmanuel Macron, alors que se profile la réforme de l'université: "Il y a l’inquiétude peut-être d’être face à une génération de jeunes, peut-être plus radicalisés qu’avant, plus dans le rejet du monde actuel." Il a saisi un exemple international pour illustrer son propos: "C’est ce qu’on a vu aux Etats-Unis: seulement 30% des jeunes croient à la démocratie et au capitalisme. (...) Et c’est l’espèce de pari qu’essaie de faire Jean-Luc Mélenchon ici. Et c’est l’inquiétude qu’Emmanuel Macron et son entourage ont, parce qu’il y a une forme d’inconnue: le continent jeunes paraît un peu effrayant parce qu’il n’est plus aussi maîtrisé ou maîtrisable qu’il a pu l’être."

Robin Verner