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Politique

Aurélie Filippetti a le droit de critiquer la télé ; elle en a même le devoir

Hervé Gattegno

Hervé Gattegno - -

La ministre de la Communication, Aurélie Filippetti, a provoqué un tollé en critiquant hier le président de France Télévisions, Rémy Pflimlin, pour son « absence de stratégie ». Vous voulez prendre sa défense.

Voilà bien un de ces sempiternels débats à la française : nourri de préjugés, de fantasmes et de jésuitisme. Les statuts de France TV disent noir sur blanc que c’est une entreprise publique soumise à la tutelle du gouvernement – donc Aurélie Filippetti est chargée, par fonction, de veiller à sa bonne gestion et au respect de son cahier des charges. Elle l’est même à triple titre : elle représente l’actionnaire (l’Etat), le contribuable (qui paie la redevance) et le téléspectateur. On peut trouver ça bien ou mal, qu’importe : nous avons une TV d’Etat. Il est normal que le gouvernement soit comptable de l’état de la TV.

Est-ce pour autant à la ministre de critiquer publiquement des décisions relatives au contenu des programmes de France Télévisions ?

Un ministre est fondé à critiquer chaque décision des services publics sous sa tutelle – la ministre des sports a critiqué nos footballeurs après l’Euro sans faire scandale… En l’espèce, Aurélie Filippetti ne doit pas se mêler de l’information ; mais elle a le droit de réclamer plus d’émissions culturelles ou éducatives. C’est un droit de regard – à tous les sens – qu’elle exerce en notre nom. Une seule limite : on ne peut pas demander à la fois à la TV publique de faire des programmes hauts de gamme et des économies. C’est pourtant le cas. C’est financièrement raisonnable. Mais c’est politiquement incohérent.

Mais ces critiques publiques, est-ce que ce n’est pas le même type de procédé qu’utilisait Nicolas Sarkozy… et que la gauche dénonçait quand elle était dans l’opposition ?

Bien sûr que si ! En France, le pouvoir est toujours tenté de s’occuper de très près des affaires de la TV – du choix des présidents de chaîne aux émissions qu’elle diffuse. L’ORTF a été dissous en 1974 mais l’Etat a gardé des leviers : les chaînes ont souvent été dirigées par des hauts-fonctionnaires (dont certains issus des cabinets ministériels) ou par des proches du pouvoir. Il y a des organes de contrôle, mais la gauche et la droite y ont souvent placé aussi des obligés ou des affidés. Et Nicolas Sarkozy, lui, est allé jusqu’à rétablir – on se demande bien pourquoi – la nomination directe des PDG de l’audiovisuel public par l’Elysée ! François Hollande a promis de changer cela. Il devrait se dépêcher.

Derrière tout cela, est-ce que ce n’est pas, justement, le sort du PDG de France Télévisions qui est en train de se jouer ?

C’est évident. Remy Pflimlin est un dirigeant respecté et compétent mais il a, aux yeux d’Aurélie Filippetti, un grave défaut : il a été nommé par Nicolas Sarkozy. Le problème, c’est que François Hollande a promis de ne pas se mêler de tout comme son prédécesseur et de ne procéder à aucune chasse aux sorcières. Donc, ce serait plus commode de le pousser à partir que de le limoger. Pendant ce temps-là, dans bien d’autres secteurs, le gouvernement place ses hommes et ses femmes – et là encore, c’est son droit : à Bercy, dans la justice, la police, des agences de l’Etat, etc. Ça ne se passe pas sur l’écran de TV mais derrière des écrans… de fumée.

Ecoutez ici le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce jeudi 13 décembre.

Hervé Gattegno