Attaque au couteau à Nantes: la classe politique divisée, entre demandes sécuritaires et plaidoyer pour la santé mentale

Bruno Retailleau, Élisabeth Borne et Johanna Rolland à Nantes le 24 avril 2025 après l'attaque dans un lycée - Loic VENANCE / AFP
Teneur des réactions, analyse de la situation, solutions proposées... La classe politique se divise ce vendredi 25 avril, après qu'un élève d'un lycée privé de Nantes a poignardé quatre personnes la veille, tuant l'une et blessant les trois autres, avant d'être maîtrisé par le corps enseignant et interpellé.
La différence se joue d'abord dans le choix des mots. Tout en adressant ses "pensées émues aux familles, aux lycéens et à toute la communauté éducative dont la Nation partage le choc et la peine", Emmanuel Macron salue "des professeurs" dont l'intervention a "sans doute empêché d’autres drames."
De la même façon, l'ancien Premier ministre Gabriel Attal partage ses "pensées" aux personnes blessées, "leurs proches, leurs professeurs" et dit lui aussi "reconnaissance infinie pour le courage des personnels".
Bruno Retailleau parle d'un "fait de société"
La gauche réagit sur le même ton, à l'image la maire socialiste de Nantes, Johanna Rolland, qui salue "la réactivité des forces de sécurité et de secours" et remercie "la communauté éducative" à l'issue de ce drame. "Cette ville est endeuillée. La politique, c'est à un autre moment", insiste l'édile.
Mais cette prise de distance n'est pas toujours de mise. Le Premier ministre François Bayrou s'engage un peu plus, parlant d'un "drame qui illustre une nouvelle fois la violence endémique qui existe dans une partie de notre jeunesse".
Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, actuellement en campagne pour la présidence du parti Les Républicains, va plus loin. Venu à Nantes jeudi à l'issue de cette attaque, en présence de sa collègue à l'Éducation nationale Élisabeth Borne, le patron de la place Beauvau parle à nouveau d'"ensauvagement", un terme régulièrement utilisé par l'extrême droite.
Surtout, l'ancien chef des sénateurs des LR s'empresse d'évoquer un "fait de société". "Nous sommes dans une société qui a encouragé le laxisme, qui a voulu déconstruire les interdits, l'autorité, l'ordre, les hiérarchie et qui a accouché finalement de toute cette violence", déplore-t-il.
"Le moment n'est pas à la politique"
Discours semblable au Rassemblement national. Leader du parti d'extrême droite, Marine Le Pen parle d'une "banalisation de l'ultraviolence".
En face, Johanna Rolland affirme que "le moment n'est pas à la politique". "Je le dis parce que j'ai vu des responsables nationaux qui n'ont pas mis les pieds ici", mais "ont tweeté depuis Paris" et "instrumentalisé" ces événements, tacle la socialiste.
Le lendemain, le maire PS de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, regrette aussi sur France 2 une certaine récupération et interroge: "Est-ce que l'on connaît les raisons qui ont amené à ce drame à l'heure où on se parle? La réponse est non."
"Bruno Retailleau se comporte un peu comme un vautour" dans "un moment d'unité nationale", appuie quelques minutes plus tard l'eurodéputée insoumise Manon Aubry au micro de France Info.
Les clivages persistent quant aux réponses à apporter. François Bayrou plaide pour "une intensification des contrôles aux abords et au sein des établissements scolaires". Le chef du gouvernement estime également que l'installation de portiques à l'entrée des établissements scolaires est "une piste" pour éviter de nouvelles attaques au couteau dans les écoles.
La question des portiques
L'hypothèse est plébiscitée par la droite et son extrême. "Dès 2015, j’ai proposé que l’on installe des portiques de sécurité dans les lycées pour lutter notamment contre les intrusions d’armes", souligne Laurent Wauquiez, ex-président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Le maire de Nice Christian Etrosi - ancien LR désormais membre du parti d'Édouard Philippe, Horizons - appuie: "Nous avions proposé des expérimentations - portiques de sécurité, reconnaissance faciale - dans les lycées. Elles ont été refusées. Il est temps de revoir ces décisions, et d'agir fermement pour protéger nos enfants."
Même tonalité chez son rival des Alpes-Maritimes Éric Ciotti, chef de file des députés UDR. L'ex-président de LR, désormais allié au RN estime que "la sécurité des établissements scolaires doit être absolue." "Portiques de sécurité, vidéo-protection avec reconnaissance faciale, il ne faut rien s'interdire", selon lui.
"On doit mettre des portiques. Maintenant il faut y aller", soutient aussi sur RTL le député RN Sébastien Chenu, battant en brèche l'argument de leur inutilité en soulignant qu'ils sont présents "dans certains pays".
Santé mentale
En face, la gauche regrette une "course à l'échalote" sécuritaire, à l'image de Manon Aubry.
"Ça coûte 100.000 euros par établissement scolaire. Il y a 12.000 établissements scolaires dans notre pays, donc vous faites rapidement le calcul. Sans compter qu'en termes d'efficacité, on va demander aux enfants de venir une heure plus tôt à l'école pour pouvoir faire la queue, donc il va y avoir des attroupements devant les établissements scolaires, qui peuvent être la cible d'un déséquilibré", déplore l'insoumise.
Un autre enjeu est mis en avant: celui de la santé mentale, le suspect ayant été interné en psychatrie en raison de l'incompatibilité de son état de santé avec une mesure de garde à vue.
La santé mentale est "sujet tabou", dont "on (ne) parle pas assez", d'après Nicolas Mayer-Rossignol.
"Derrière les couteaux, il faut voir des enfants", renchéri l'écologiste Sandrine Rousseau, interviewée par Sud Radio ce vendredi, et co-autrice fin 2024 d'un rapport d'information "sur la prise en charge des urgences psychiatriques".
"Ce n'est pas ensauvagement. C'est juste que les enfants ne vont pas bien", ajoute l'élue parisienne, évoquant l'impact des "violences intrafamiliales", des "réseaux sociaux", ainsi que "la crainte (des jeunes) que ce soit sur le plan écologique ou géopolitique".
Outre la lycéenne décédée, trois autres élèves ont été blessés à coups de couteau, jeudi au lycée Notre-Dame-de-Toutes-Aides à Nantes, dont un qui se trouvait entre la vie et la mort jeudi soir. L'état de santé du jeune le plus gravement blessé "s'est amélioré", a indiqué vendredi le procureur de la République de Nantes, Antoine Leroy.
Le magistrat doit donner une conférence de presse à 18h pour faire le point sur l'enquête et les motivations de l'agresseur, encore indéterminées.