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Tariq Ramadan, mis en examen pour viols, nie toujours les faits: on a décortiqué point par point sa défense

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Tariq Ramadan a dénoncé un "traquenard" organisé contre sa personne lors d'une interview sur BFMTV et RMC. L'islamologue est mis en examen pour deux viols, dont l'un sur personne vulnérable, et visé par, au total, six plaintes.

"Tout ce que j'ai fait l'a été dans le consentement", assure Tariq Ramadan ce vendredi sur BFMTV-RMC. Mis en examen depuis février 2018 pour viol et viol sur personne vulnérable, l'islamologue veut livrer sa vérité et met en cause ses accusatrices qu'il qualifie de "menteuses".

Au total, six femmes ont porté plainte contre lui. Elle décrivent à chaque fois le même schéma: des messages envoyés sur des messageries, une emprise qui se met en place, puis une rencontre physique et les violences, les insultes, les menaces et les abus sexuels. La dernière a raconté cette scène a porté plainte en juillet dernier.

Tariq Ramadan s'est exprimé vendredi matin sur BFMTV et RMC, se défendant face à ces différentes accusations. Nous avons décortiqué point par point ses arguments. 

> Sur la dernière plainte pour "viol en réunion"

Ce que dit la plaignante: Le 31 mai dernier, une femme d'une cinquantaine d'années porte plainte contre Tariq Ramadan. Elle l'accuse de l'avoir violée, avec un membre de son équipe, lors d'une interview dans une chambre du Sofitel de Lyon le 23 mai 2014. L'islamologue n'a pas encore été entendu par la justice.

Ce que dit Tariq Ramadan: L'islamologue nie en bloc. Il nie avoir été présent dans cette chambre d'hôtel, il nie avoir été à Lyon ce jour-là, et il nie connaître cette femme. "Il n'y a ni argument, ni élément qui vienne corroborer ce qu'elle dit, affirme-t-il. Quand on va regarder le 23 mai 2014, je suis en train de donner une conférence à Baltimore devant 10.000 personnes. A part à avoir le don d'ubiquité (...), je n'y étais pas. (...) Je ne l'ai jamais contactée."

Ce que dit le dossier: Après cette plainte, le parquet a ouvert un réquisitoire supplétif dans l’enquête visant l’intellectuel musulman pour "viol en réunion", "menaces d’intimidation pour déterminer une victime à ne pas porter plainte". Les juges vont devoir enquêter sur les faits. "Ce qui a été montré sur les réseaux sociaux à la date du 23 mai 2014, et tweeté par les supporteurs de Tariq Ramadan, c'est que visiblement cette conférence n'a pas eu lieu le 23 mai mais le 24", rapporte Bernadette Sauvaget, journaliste et auteure de L'affaire Tariq Ramadan.

> Sur la plainte d'Henda Ayari

Ce que dit la plaignante: Le 20 octobre 2017, Henda Ayari a porté plainte pour un viol qui aurait eu lieu en 2012. Cette femme a rencontré Tariq Ramadan dans un hôtel parisien pour qu'il lui livre des conseils religieux en marge d'un congrès de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF). Elle raconte que l'islamologue l'a giflée, étranglée. "J'ai vraiment cru mourir là", témoigne-t-elle. La version d'Henda Ayari a évolué au fil de l'enquête: elle a évoqué dans un premier temps l'hôtel Holiday Inn de la gare de l'Est puis dit avoir retrouvé dans un ancien agenda la mention de l'hôtel Crowne Plaza. 

Ce que dit Tariq Ramadan: "On a une deuxième Mme Ayari qui ne sait pas par qui et quand elle s'est fait violer", attaque Tariq Ramadan qui qualifie de "menteuses" les trois premières plaignantes.  "Elle ne se souvient pas du lieu, elle ne se souvient pas de l'heure, elle est arrivée à Paris, elle a dit qu'il pleuvait, mais il faisait beau!", tonne-t-il. La défense de l'islamologue avait aussi mis en avant des SMS enamourées envoyés par la plaignante après les faits présumés. 

Ce que dit le dossier: L'argument de la défense de Tariq Ramadan a été présenté à la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris en début d'année lors de la demande de démise en examen de l'islamologue. La cour avait répondu qu'Henda Ayari avait déjà apporté des explications. Sur Twitter, elle a reconnu s'être trompé de date mais a affirmé n'avoir changé "jamais de version". Ses avocats insistent sur le fait que c'est une victime et qu'elle a forcément des difficultés à se souvenir précisément des lieux et des dates.

> Sur la plainte de Christelle*

Ce que dit la plaignante: Elle a porté plainte contre Tariq Ramadan quelques jours après la procédure engagée par Henda Ayari. Pour cette femme de 45 ans, les faits datent de 2009 dans un hôtel à Lyon. Cette femme handicapée aussi décrit une scène d'enfer, des coups, beaucoup de coups, un viol. 

Ce que dit Tariq Ramadan: Tariq Ramadan se défend en utilisant des messages envoyés par Christelle. "Depuis février, les juges savent que les SMS qu'elles disaient avoir envoyé avant la rencontre, ont été envoyés après la rencontre", a déclaré l'islamologue. Ces messages laissent supposer qu'elle a apprécié ce qu'il s'est passé entre eux. L'islamologue évoque aussi des liens entre Christelle et une autre femme, qui a porté plainte contre lui en Suisse.

Ce que dit le dossier: "Depuis sa plainte de novembre 2017, lorsqu'elle a ensuite été entendue par les services de police, lorsqu'elle a ensuite été entendue par les juges d'instruction, lorsqu'elle a ensuite été confrontée à Tariq Ramadan (...) elle n'a jamais varié de version", rappelle Me Morain, son avocat. La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a rappelé le contenu des SMS envoyés par Tariq Ramadan au lendemain des faits présumés: "J’ai senti ta gêne. Désolé pour ma violence. J’ai aimé. Tu en veux encore?"

> Sur ses mensonges depuis le début de l'affaire

Les faits: Pendant près d'un an, Tariq Ramadan a nié connaître les deux premières plaignantes, Henda Ayari et Christelle, puis a évoqué les avoir croisé en marge de conférence et enfin après quasiment un an d'enquête, il reconnaît avoir eu des relations sexuelles "parfaitement consenties". 

Ce que dit Tariq Ramadan: "Je suis arrivé devant la police, et je savais que tout ce que je disais était immédiatement rapporté par la presse, j'ai voulu me protéger, protéger ma famille", a-t-il expliqué. "C'était une erreur, j'aurais dû dire la vérité. Mais mon mensonge est complètement différent du mensonge des femmes qui disent avoir été violées. S'il fallait mettre en prison tous ceux qui ne disent pas la vérité sur leur relations consenties et privées, il faudrait mettre en prison la moitié du peuple de France."

Ce que dit le dossier: "Si M. Ramadan ne s'est pas exprimé jusqu'à présent, c'est parce qu'il sait lui comme nous ce qu'il y a dans le dossier de l'instruction. pendant près de 20 mois, il a baladé les juges. (...) Ça prend du temps d'aller vérifier des mensonges", rétorque Me Eric Morain. "Les faits montrent que depuis le début de l'affaire, Tariq Ramadan n'a consenti qu'à admettre les choses que dos au mur, les faits ont commencé par un faux-alibi", résume Bernadette Sauvaget.

> Sur l'emprise dénoncée par ses accusatrices

Ce que disent les plaignantes: Dans chacune des scènes décrites aux enquêteurs, les plaignantes parlent de l'emprise qu'a exercé Tariq Ramadan sur elles. Les premiers contacts se faisaient par messagerie, selon leur récit, des messages portés sur la religion puis qui prenaient un caractère sexuel et cette rencontre dans une chambre d'hôtel où les violences et les viols se sont produits, disent-elles. 

Ce que dit Tariq Ramadan: "Ce sont des menteuses, elles se multiplient, elles se connaissent, je suis victime d'un traquenard", a réagi Tariq Ramadan. qui assure qu'il n"y a "aucune emprise". "Je n'ai pas de pouvoir sur ces femmes", martèle-t-il. Tariq Ramadan se défend aussi de toute violence. "Je n'ai aucune violence, je suis un homme de paix", insiste-t-il.

Ce que dit le dossier: Dans le dossier, il existe des liens entre certaines femmes. "Elles ont connu l'existence des unes et des autres dans les années 2000 en parlant de Tariq Ramadan dans les commentaires d'un blog belge, qui était critique contre lui", explique Bernadette Sauvaget, sans préciser s'il s'agit des plaignantes ou de femmes qui ont témoigné dans le dossier.

Justine Chevalier